Le Canada connait une nouvelle vague de trudeaumanie.
Après son célèbre père, l’ex-PM du Canada Pierre Elliot Trudeau (PET), Justin Trudeau est devenu le nouveau premier ministre du Canada suite à l’élection qui a duré un record de 78 jours et qu’il a gagnée de façon surprenante avec son parti Libéral fortement majoritaire. Depuis, il est omniprésent dans les médias qui n’ont cessé de transmettre son image, ses actions, ses politiques d’avant-garde, ses agissements et mettre en évidence sa personnalité. Beau gosse, charismatique, enthousiaste, il a un discours de son temps comme sur l’avortement, l’euthanasie, la légalisation de la marijuana… Il pratique la boxe et a un tatoo sur l’épaule gauche. Il emprunte les médias sociaux, fait des montages multimédias, tient des séances de questions sur Twitter, utilise Instagram pour ses centaines de photos prises depuis qu'il est tout petit à aujourd’hui, etc... Avec son épouse Sophie et leurs enfants, ils reflètent le bonheur, sont heureux et sourient. Quoi de mieux pour le commerce d’images et d’illusions qu’est la politique !
De plus, en remplaçant un premier ministre, Stephen Harper, qui s’est avéré fade et peu intéressant pour les Canadiens et le reste du monde, il a engagé le Canada dans une cure de jouvence qui en fait un pays d’avant-garde pour plusieurs. Tout comme son père, il a transformé sa victoire électorale en trudeaumanie. Et, cela a vite fait le tour de la planète où Justin Trudeau est devenu l'objet d'un engouement général comme nous en avons été témoins lors de son passage récent aux Philippines. C’est un phénomène unique en politique canadienne qui se répète. Il transforme un politicien en icône de la culture populaire même si il y a quelques mois, avant l’élection, tous les médias le qualifiaient de chef politique naïf, incompétent, inexpérimenté, incohérent et immature. Personne ne voyait en lui la stature d’un véritable chef qui pourrait diriger le « plus meilleur pays du monde », comme disait Jean Chrétien, Le Devoir.
Depuis, la presse le recherche, épie ses moindres gestes, analyse tous ses mots et les traduit en images et en textes qui épatent le monde. Tout cela fait en sorte que des gens de tous les pays, particulièrement les plus jeunes, apprécient ce qu’ils voient, en demandent davantage pour mieux le connaître et l’aiment. Ce n’est pas peut dire car si on leur demandait de nommer le PM de l’Australie ou celui de la Nouvelle Zélande ou encore celui des Philippines, peu répondraient à l’une ou l’autre des questions. La trudeaumanie déferle et désormais Justin Trudeau est une vedette internationale connue. Les vendeurs en ligne en profitent. Des photos signées aux figurines, tous les moyens sont bons pour capitaliser sur le succès du nouveau premier ministre. La demande est forte.Évidemment, un tel chef ne peut faire l’affaire des séparatistes québécois qui voient subitement apparaître un nouveau chef politique fédéraliste se lever et qui est de plus en plus écouté. Pour eux, il devient une embûche additionnelle et importante à leur démarche de convaincre les Québécois de quitter le Canada. Alors, on se moque de la trudeaumanie, on informe mal et on le dénigre finement et sournoisement tout en cherchant à diminuer son importance à l’étranger, dont en France, lors de rencontres, entre autres, avec la presse. Ce qui est, à mon avis, de bien mauvais goût car on n’étend pas son linge sale sur la corde à linge du voisin.
D’autant plus, que les Français admirent le Canada. J’y vis quatre mois par ans depuis 15 ans. J’y ai fait un très grand nombre d’amis et de connaissances et constamment j’en rencontre de nouveaux. En général, ils aimeraient venir visiter notre pays, y travailler et même y vivre pour plusieurs. Jamais ai-je rencontré un Français me parler contre le Canada. Certes, on est très sympathique à la défense de la langue et de la culture française au Québec et on favorise le Québec dans les débats sur ce sujet. Ce qui est bien normal. Mais on envie le Canada, ses grand espaces, sa nature, son climat, son économie, sa population, son genre de gouvernement, son mode de vie…A ce jour, Justin Trudeau va bien. Il a amélioré les relations avec les États-Unis. Il a accueilli 25 000 réfugiés syriens dans l’ordre. Il a signé l’entente globale sur le climat à Paris. Il a rétabli les relations diplomatiques avec l’Iran et a renforcé celle avec le Mexique. Il a promis de signer les ententes de libre–échange avec l’Europe et avec les pays du Pacifique. Il a annulé les missions de bombardement en Irak pour les remplacer par des missions humanitaires et de conseillers auprès des Kurdes. Il a engagé des discussions avec Obama pour la vente du bois d’œuvre canadien et pour d’autres sujets importants mis de côté par le gouvernement conservateur. Il a rencontré les premier-ministres des provinces et les leaders des territoires canadiens. Il travaille en collaboration avec l’ONU et le Commonwealth pour l’aide aux pays africains. Il prépare une entente particulière avec le président Obama sur le climat. Et, encore… Quelle différence d’approche par rapport au gouvernement Harper !
Actuellement, tout est beau et positif pour Justin Trudeau et le sera pour une bonne période de temps, mais on ne peut oublier que la trudeaumanie à une fin. Celle de Pierre Elliot Trudeau s’est terminée dans un « dégoût quasi-universel dans l’Ouest canadien et ce mépris était partagé par beaucoup de québécois » pour d’autres raisons.Après avoir été porté par la trudeaumanie, PET a été élu PM du Canada. Mais, 14 mois plus tard, il a été humilié et battu à l’élection suivante, par le jeune chef conservateur Joe Clark qui dirigea un gouvernement minoritaire. PET revint au pouvoir pour diriger le pays durant cinq autres années...
Justin Trudeau se rappelle sûrement de ces moments de la trudeaumanie de son père. Il doit savoir que la sienne aura une fin. J’espère qu’il ne sera pas tenté de la maintenir au prix de ne pas prendre les décisions qui s’imposent dans l’intérêt du Canada. Son père a été un grand leader. On peut être ou ne pas être en accord avec sa personne ou son leadership, comme moi, mais il faut quand même reconnaitre que lorsque l’intérêt général du pays était en péril, il s’est levé et a dirigé le Canada au détriment de sa popularité, de la trudeaumanie et de sa réélection car son moto était : Nous vivons dans un monde difficile: nous devons être nous-mêmes vigoureux; l'avenir n'est pas aux timides et aux faibles. J’espère que Justin Trudeau sera comme son père, ce jour-là, mais prendra des positions plus réalistes vis-à-vis le Québec ! Il ne lui reste maintenant qu’à tenir ses promesses et de continuer àtraduire sa nouvelle trudeaumanie en influence diplomatique. Bonne chance !
Claude Dupras