Le Corps collectif expérimente, tente, s’aventure, machine (à la Deleuze-Guattari), c’est-à-dire qu’il connecte entre elles des strates hétérogènes, des parts informulées, il compose avec un inconscient assignifiant, qui bourgeonne, pulse ou flambe et qui dans son mouvement produit des champs d’expérience.
Machiner c’est vivre, c’est danser l’indicible, et c’est sans doute aussi défaire-théâtre, essayer de « trouer » les images et de les défaire en les faisant. Il s’agirait d’investir une oscillation du vivant, une énergie ondulatoire percussive de la matière – matière visible ou matière noire –, d’ouvrir des espaces dedans-dehors, de les laisser rayonner. Il s’agirait, un peu au moins, de sortir de forme, d’identité, d’investir de nouvelles modalités de regards, de vivre des corps multiples traversés de seuils intensifs d’indétermination.
Il s’agirait, ne serait-ce qu’un instant ou une seconde, de tenter de créer ou d’achever la réalité, au sens que donne Artaud, c’est-à-dire de l’additionner d’une part incommensurable de réel vibratoire. Achever la réalité consisterait ainsi à la doubler d’une part d’inachevé. C’est cela que nous tentons, secoués, funambules. Ça nous brasse, nous secoue, nous échappe et pourtant… Troués par le réel, nous sommes ici, avec vous, apparaissant dans nos disparitions permanentes. Transparents, nous tentons de vivre et de danser le vide vibratoire. Dans les interstices entres les images des corps, du monde et de la pensée, nous convoquons les puissances oscillatoires de nos parts d’incertitude. Le Corps collectif machine le réel.
BIO du Corps collectif
Le Corps collectif est un laboratoire de recherche et un groupe de performance composé de 13 performeurs réunis depuis 2009 à l’initiative de Nadia Vadori-Gauthier, artiste, docteure en esthétique de l’université Paris-8 et praticienne somatique.
Il explore, à travers le mouvement, le corps, ses perceptions, ses représentations. Le corps n’est pas vécu comme une forme (organisme) mais comme un processus, un flux (soma). C’est un corps poétique ouvert, poreux, toujours en devenir. Il accueille les différences et n’unifie rien. Il aime ses disparités. L’horizon éthique du Corps collectif est de produire un art qui puisse offrir à l’expérience collective les fruits de nos individuations. La recherche se nourrit de pratiques corporelles, méditatives et somatiques qui permettent de développer une fluidité du corps et la nature cellulaire de notre rapport au monde. Ainsi, le Corps collectif se propose d’investir un champ en dessous du langage, un champ perceptif, intuitif, vibratoire et conscient qui précède la détermination d’une forme. Cela amène les performeurs et le public à vivre la qualité vibratoire de la matière, des corps et du monde, et à entrer en résonance avec les lieux et les choses. Parce qu’elle est un des fondements de nos sociétés, la question de la représentation est également au cœur de la recherche : comment transformer le regard objectivant en un regard tactile qui englobe toute l’épaisseur du monde ?
Direction des recherches : Nadia Vadori-Gauthier