Il y aurait fort à dire, sur les conditions de travail et ce que l'on appelle " l'esclavage moderne". Pas besoin d'aller dans les mines d'Afrique ou d'Amérique du Sud pour tourner des films ou documentaires qui arrachent le coeur au vu d'images qui nous font honte d'être des " hommes". On le ressasse, " l'homme est l'animal le plus cruel" et on s'en satisfait. Sa cruauté est gommée par la technicité, c'est une cruauté froide et savante calquée sur la courbe de la croissance. C'est pourquoi on peut voir des journalistes se "réjouir" lorsqu'on décroche le contrat du siècle pour la fabrication de sous-marins ou autres armements sophistiqués. Dans le domaine de l'horreur glaçante, il est bon de rappeler la condition des " décontamineurs", ces travailleurs précaires qui sont chargés de l'entretien des centrales, de leur "nettoyage". La plupart du temps intérimaires d'entreprises de sous-traitance, jetables et corvéables à merci pour un salaire de misère. On jette le voile quand il y a un mort, un jeune sans qualification, entré sans protection dans une zone à forte radiation. Là, EDF ne peut le cacher: il y a mort d'homme. Mais les maladies qui surviennent après un certain nombre d'années, les os ou le foie rongés qui ne sont pas toujours reconnus comme maladies professionnelles car ces hommes étaient des précaires sans contrat de travail direct avec EDF, mais liés à des entreprises qui, très souvent, ont mis la clé sous la porte après avoir bien exploité la misère humaine... Sans parler des ouvriers qui travaillent à la construction de l'EPR...Mais bon, le nucléaire c'était des contrats juteux qui réjouissaient les " économistes". AREVA, fleuron de l'industrie française. Pour sensibiliser le " grand public" il y a eu un film très bien fait qui n'a pas eu l'écho qu'il méritait parce que dérangeant, "Grand central" qui décrivait la vie de ces intérimaires du nucléaire avec beaucoup de justesse sous fond de bluette sentimentale entre deux acteurs lumineux, Léa Seydoux et Tahar Rahim. C'est par la poésie, le cinéma ou la peinture que l'on peut toucher le coeur des hommes et rendre visibles tous ces invisibles, ces sans-terre, ces sans-abri, ces sans-travail, tous ceux qui font tourner la machine et qui ne sont jamais dans la lumière. Parce que ceux qui sont en pleine lumière sont ceux qui tirent les ficelles de cette grinçante comédie humaine qu'avait déjà si bien décrite Balzac. Alors, oui, continuons à nous battre pour le code du travail tout en sachant qu'il y a sur notre sol des êtres humains qui ne sont même pas protégés par ces lois: les lois sont poreuses, il y a toujours moyen de les contourner, la mondialisation permet bien des échappatoires aux grands groupes. J'ai écrit ces quelques mots hier matin, ne pensais pas les envoyer car ils sont loin des terres nourricières, mais enfin, des terres irradiées et des légumes contaminés, ce n'est pas très appétissant, même si cela ne se voit pas. Et puis, demain c'est le 1er Mai, fête du travail, alors on peut avoir une petite pensée pour ceux qui se paient le sale boulot et sont payés des clopinettes pour le faire. Bientôt l' épreuve de philo au bac avec les sempiternels sujets sur les sens de l'Histoire ou la valeur de la vie. La vie a-t-elle un prix? Risible au regard de l'Histoire et de notre environnement. Quel est le prix d'une vie humaine? On voit l'écart entre celle des patrons du CAC 40 qui pourtant ne prennent aucun risque et celle de ces forçats du nucléaire. Pourquoi je vous envoie quand même ce petit texte irradié? Parce que ce matin j'ai lu un article sur Basta Mag qui traitait justement de ce sujet, un employé sous-traitant du nucléaire dont la maladie a enfin été reconnue comme maladie professionnelle. Il y a des descriptions très éclairantes sur leur travail. Même si on a pu les lire ailleurs, il est bon de les relire, parce que cette information, à part sur le site de Basta, je ne l'ai vu relayée nulle part ailleurs. Silence radio. Bon, elle sera sans doute reprise par la revue Silence...heureusement qu'il y a ces circuits d'information qui arrivent à fissurer le béton de la pensée unique. Bonne journée à tous et bon 1er Mai, à tous les travailleurs oubliés de l'Histoire, à tous les sacrifiés sur l'autel de la croissance