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Marseille (2016) : Netflix et la susceptibilité française

Publié le 08 mai 2016 par Jfcd @enseriestv

Marseille est une nouvelle série de huit épisodes disponible partout dans le monde aux abonnés de Netflix depuis le début mai. Comme son titre l’indique, l’action se déroule dans la ville portuaire alors que le maire Robert Taro (Gérard Depardieu) souhaite donner le coup d’envoi à la construction d’un casino et par ricochet revitaliser la marina et les hôtels avoisinants. C’est avec son « dauphin », Lucas Barrès (Benoît Magimel) qu’il compte bien recueillir la majorité de voix nécessaires, mais à la dernière minute, ce dernier vote contre et à quelques semaines des nouvelles élections municipales, on peut affirmer que la guerre est officiellement déclarée. Première production originale dans l’Hexagone du service de vidéo sur demande le plus populaire du monde, Marseille a réussi à décevoir tout le monde sur tous les tableaux. La faute incombe en partie à une promotion trompeuse, mais même en analysant l’alternative qui nous est offerte, il est difficile de prendre la défense de la production.

Marseille (2016) : Netflix et la susceptibilité française

Le « psychologique » plutôt que le « politique »

Malgré la dépendance de Robert pour la cocaïne que l’on voit inhaler dès le premier plan de la série, la maire de Marseille est en plein contrôle de la situation. Lui et Lucas travaillent ensemble depuis des années, carrément main dans la main au point où le jeune homme a été présenté publiquement comme successeur à la tête de la ville. Après sa trahison, la testostérone se fait sentir. Parce qu’il « incarne l’avenir », Lucas n’a pas peur d’affronter son ancien gourou, d’autant plus qu’il a fait un pacte officieux avec la mafia qui elle aussi est contre la construction de ce casino puisqu’elle contrôle toutes les machines à jeux du territoire. À la mairie depuis 25 ans, les sondages ne sont pas très favorables à l’égard de Robert, c’est sa fierté qui est en jeu et voyant que certains hauts ténors du parti à Paris appuient son compétiteur, il n’hésite pas à semer quelques bombes ici et là notamment sur la corruption et détournement de fonds. En parallèle, nous avons Julia (Stéphane Caillard), la fille du maire et journaliste en herbe qui se met à frayer avec Salim (Nassim Si Ahmed), lequel est apparenté (indirectement) aux mafieux qui en veulent au projet de son père.

Malgré le synopsis et le résumé des épisodes, on y pensera deux fois avant de qualifier Marseille de série politique et c’est justement là que le bât blesse. C’est qu’il y a environ un an, Netflix créait l’engouement en France et surtout beaucoup d’attentes lorsqu’elle a annoncé qu’elle tournerait pour la première fois une série originale en langue française. Mais voilà, quelque chose aux communications de l’entreprise américaine a manifestement déraillé puisque pour décrire la série en cours, dès qu’on a évoqué un affrontement entre un maire et son protégé, tous ont cru à un House of Cards à la française, alors que selon son créateur, Dan Franck, ce n’était pas du tout le cas : « On a toujours dit que c’était un « House of Cards » à la française, c’est une erreur absolue. (…) C’est une histoire psychologique entre un père et un « fils » qui s’empoignent dans le cadre des élections municipales à Marseille. (…) D’où la déception que l’on observe dans les premières critiques ».

Marseille (2016) : Netflix et la susceptibilité française

Certes, le créateur cherche à se distancier de la référence « netflixienne » par excellence, mais comment réussir ce tour de force lorsque l’enjeu principal de la série tourne autour d’une élection municipale entre deux ennemis jurés? Au mieux, on aurait pu s’écarter de l’aspect politique et mettre l’accent sur leurs valeurs respectives comme on l’a fait de façon magistrale entre Bobby Axelrod et Chuck Rhoades dans Billions, mais ce n’est pas le cas ici. On n’a donc d’autre choix que de revenir à la campagne électorale. Robert veut attaquer son adversaire en dévoilant au grand jour la corruption de ses proches, tandis que le principal intéressé cherche à l’attaquer sur le plan personnel, en s’en prenant par exemple à sa femme Rachel (Géraldine Pailhas) et sa fille. Malheureusement, ni l’un ni l’autre ne fait preuve d’assez de cynisme ou de machiavélisme pour captiver comme il se doit le téléspectateur et qui plus est, cette trame narrative est constamment interrompue par d’autres secondaires impliquant leur entourage qui se révèlent sans intérêt.

Placement de produits?

À ce scénario mal fagoté s’ajoute une mise en scène qui n’est pas des plus édifiantes. D’abord, il y a cette trame sonore pompeuse au possible et omniprésente qui au lieu d’accentuer les moments dramatiques avec ses excès de plans au ralenti les rend tout simplement ridicules. Pour peut-être sortir le téléspectateur de son inertie, on retrouve plusieurs scènes de sexe racoleuses au possible qui viennent plutôt mettre en lumière la faiblesse des personnages féminins de la série en nous les présentant autant que possible en petite tenue. Dans la même veine, on voit à plusieurs moments Lucas se livrer au sadomasochisme avec sa partenaire : une métaphore pas-du-tout-subtile voulant démontrer sa volonté de domination et une mentalité bestiale. Le portrait ne serait bien évidemment pas complet sans des lignes du scénario aussi salaces qu’absurdes comme : « Les pince-fesse, ça me met le feu au cul » ou encore «  Ma femme n’a jamais aimé les étuis, elle dit que ça lui enlève tout le plaisir »…

Marseille (2016) : Netflix et la susceptibilité française

Reste l’omniprésence des gadgets électroniques dans la série qui en a fait sourciller plus d’un. En effet, la ville de Marseille ne semble jurer que par l’univers de Windows beaucoup trop mis en évidence par la réalisation au point où le placement de produit est quasiment indéniable. À un moment où Robert active son téléphone, on y voit même l’application de Netflix! Pour les plus curieux, conseillons l’excellent article de Vincent Manilève dans Slate qui entre dans les détails.

Les critiques auront-elles raison de Marseille? Rien n’est moins sûr. Bien qu’à l’intérieur de l’Hexagone, tout comme à l’extérieur on s’accorde pour la qualifier de navet, ce sont les téléspectateurs (mondiaux, faut-il le rappeler) qui auront le dernier mot. D’ailleurs, la série profitera d’une excellente vitrine puisque les deux premiers épisodes seront présentés gratuitement sur TF1 le 12 mai. L’histoire de Marseille a beau avoir été conçue pour que ses intrigues ne durent qu’une seule saison, en cas de succès, une suite n’est pas impossible du côté de Netflix.


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