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Vertigineuse, de Françoise Pirart

Publié le 08 mai 2016 par Francisrichard @francisrichard
Vertigineuse, de Françoise Pirart

Siri était fascinée par l'idée qu'un être humain, quels que soient les actes qu'il ait commis, puisse être, par la détention, réduit à rien, à l'inactivité et donc à une dévalorisation personnelle.

Celui qui a fait le mal doit être puni, dit Dorian, un ancien détenu.

Ces deux visions de la prison s'opposent dans le livre de Françoise Pirart. L'une est celle de quelqu'un qui la voit de l'extérieur, l'autre de quelqu'un qui l'a vécue de l'intérieur. L'une est en quelque sorte idéaliste, l'autre serait réaliste... Peut-être, mais, en définitive, prison ou pas, comme le dit un des personnages de Vertigineuse, seul, celui qui a foi en la vie restera un être libre...

Siri, d'origine algérienne, a été adoptée à l'âge de deux ans par Cathy et Jean Delporte, un couple d'une quarantaine d'années, qui avait déjà un fils, Emmanuel. Au moment où commence le récit, elle est devenue illustratrice de livres pour la jeunesse et son frère, de onze ans plus âgé qu'elle, qui lui est toujours proche, est devenu avocat. Elle est célibataire, il est marié - toujours volage -, et a deux enfants.

Parce qu'elle s'intéresse aux conditions de détention et qu'elle a beaucoup lu sur le sujet, Emmanuel lui parle un jour d'un livre en anglais sur les exécutions capitales aux Etats-Unis. Dans ce livre, l'auteur décrit l'horreur des derniers moments des condamnés. Ce qui ne peut que renforcer l'empathie que Siri éprouve très naturellement pour ces êtres humains dévalorisés par l'incarcération.

Cette empathie de Siri pour les prisonniers l'a conduite dans le cadre de l'association Art en prison à proposer un stage artistique en milieu carcéral. Bien que le directeur de la prison soit sceptique, elle donne donc des cours de dessin à onze détenus, avec succès. L'un d'entre eux, qui ne revient pas, lui laisse un jour, en partant, un portrait d'elle, qui l'étonne par l'intensité donnée à son regard sans qu'il possède de technique.

Alors qu'elle ne cesse de penser à cet inconnu, par hasard, elle le rencontre à la gare de Bruxelles. C'est le commencement d'une histoire improbable entre eux. Le jeune homme, qui est en fait sorti de prison après avoir purgé un tiers de sa peine et qui se prénomme Dorian, ne se livre pas à Siri. Il reste énigmatique, évasif quant à son passé. Mais elle n'en succombe pas moins au vertige de l'amour.

Sa vie est vertigineuse à un autre titre, physique. Elle éprouve en effet des sensations hypnotiques en conduisant sa voiture. Et les images se désynchronisent devant elle: Les fibres nerveuses des yeux étaient atteintes, les informations ne parvenaient au cerveau qu'après un temps de retard, certes infime, mais suffisamment important pour rendre la vision décalée et provoquer une fatigue considérable.

En contrepoint du récit, se déroule un autre récit, celui d'une affaire qui s'est passée il y a une quinzaine d'années auparavant aux Etats-Unis. Un homme a été condamné à l'époque pour le meurtre d'une jeune fille, Lynda Mc Loyd. Quelques mois plus tôt, il devait être exécuté, mais son exécution a tourné au fiasco. Cette affaire, qui a récemment défrayé la chronique, semble donner raison à l'empathique Siri...

Les amours de Siri et de Dorian sont mises à mal par un passé que Dorian s'obstine à dissimuler à Siri et que Siri s'obstine à vouloir connaître. Dorian répète: Je ne suis pas celui que tu crois...Quitte-moi, je ne te mérite pas... Tu ne sais pas qui je suis. Mais il ne dit rien pour autant et Siri veut savoir: elle ne peut pas se contenter d'être un pantin, une petite chose toute molle, entre ses bras, qu'elle ne semble pas vouloir baisser...

Le lecteur ne saura qu'à la fin si sortira de son puits la vérité sur Dorian, dont le prénom rappelle celui du personnage d'Oscar Wilde, et si, pour ce qui concerne les amours contrariées des deux jeunes amants, se vérifiera l'aphorisme de Franklin P. Jones: Love doesn't make the world go round. Love is what makes the ride worthwhile, c'est-à-dire L'amour ne fait pas tourner le monde. Mais grâce à lui, le voyage en vaut la peine.

En tout cas, la lecture de ce roman en vaut la peine, et d'ailleurs, à vrai dire, ce n'est pas une peine mais un plaisir que de le lire...

Francis Richard

Vertigineuse, Françoise Pirart, 176 pages, Éditions Luce Wilquin


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