Titre
: L'Apocalypse selon Magda
Auteur :
Chloé Vollmer-Lo (scénario) et Carole Maurel (dessin)
Editeur :
Delcourt
Collection
: Mirages
Année :
2016
Page
: 192
Résumé :
Magda
va fêter ses treize ans demain ! Petit souci, la fin du monde est
annoncée pour dans un an. Magda n'aura donc jamais quatorze ans...
Mais que faire de cette année restante ? Faut-il vivre normalement
ou décider de cumuler les expériences ? Faut-il aller se
réconcilier ou tout se balancer à la figure ? Faut-il s'aimer ou se
détruire ? Aimer ou détruire ? Magda est une adolescente, elle
décide de vivre, pardon, de Vivre une vie entière en une année, de
vivre pour ne rien regretter.
Mais
la fin du monde n'aura pas lieu, c'est d'ailleurs sur cette nouvelle
que l'histoire commence, nous présentant une Magda effarée.
Pourquoi ? Elle devrait se réjouir, comme tous ? Découvrons donc ce
que Magda a vécu pendant cette fausse dernière année du monde...
Mon
avis :
Une
histoire qui s'ouvre sur cette incroyable nouvelle, "la fin du
monde n'aura pas lieu". Puis le récit nous entraîne dans le
passé, à travers cinq chapitres, correspondant chacun à une
saison. Le dernier boucle avec le début et aboutit à la conclusion
de l'histoire.
Même
si c'est le monde qui est impacté, c'est Magda que nous suivons dans
cette société qui va se déliter sur un an. Une année qui
correspond aux changements de son corps, pour Magda. La fillette
grandit et devient femme, petit à petit. Mais le temps est compté,
alors le "petit à petit" perd bien vite de son sens.
Au
travers de Magda, nous découvrons comment son entourage réagit à
la catastrophe imminente. Ceux qui décident de continuer leur vie,
coûte que coûte, ceux qui baissent les bras, ceux qui veulent
profiter de cette dernière année... Toutes ces différentes
manières de gérer que Magda découvre autour d'elle vont l'impacter
directement. Les décisions de son père, de sa mère, de sa soeur,
de sa meilleure amie, des parents de cette dernière, de son super
pote Léon, tout cela va l'amener à prendre ses propres décisions,
à faire ses propres choix. Et treize ans, c'est un peu tôt pour
prendre sa vie en mains.
Le
titre de cette histoire ainsi que la couverture mettent vraiment en
avant le point de vue adopté. C'est "l'Apocalypse Selon Magda",
c'est son point de vue et ses choix que l'on va suivre. C'est elle
qui occupe la couverture, avec ce regard un peu perdu, un peu confus,
face à l'impossible.
Alors
ne vous attendez pas à découvrir comment l'état va gérer la France en cas d'apocalypse, comment les usines vont fonctionner,
comment les financiers vont réagir, tout cela est loin du monde de
Magda. Elle, sa vie, c'est la vie de beaucoup d'ados, c'est son
corps, sa famille, ses copains, son collège, son quartier.
C'est
l'âge de la rébellion mais contre quoi se rebeller quand tout va
disparaître ? Alors Magda va opter pour la Fureur de vivre. Vivre
intensément. Vivre avec ses erreurs mais continuer vaille que
vaille, à fond, car un an, ça passe vite. Trop vite quand on a
treize ans. C'est aussi ce que j'ai ressenti à la lecture. Les
heures passent, et tout d'un coup, on change de saison. Tout d'un
coup, tout s'accélère. On s'attache à Magda, à sa course, à ses
rêves qui s'effondrent, car à quoi peut-on rêver à treize ans
quand le monde est censé disparaître avant vos quatorze ans, avant
demain ? Toutes ces questions, tous ces choix sont traités par Chloé
Vollmer-Lo tout au long de cette urgence de vie qui ne s'arrêtera
qu'avec la fin du monde. Sauf que l'auteur a fait un choix important,
celui de démarrer sur la nouvelle que l'humanité est sauvée. Et du
coup, comme une tragédie grecque, nous suivons Magda un an en
arrière, mais nous savons qu'il n'y aura pas de fin du monde, alors
qu'elle l'ignore. Du coup, en tant que lecteur, vous aurez un
avantage sur Magda. Ce qui est intéressant, car l'ironie dramatique
joue pleinement; mais ce qui vous éloigne un peu, car une distance
presque inconsciente se crée avec cette sensibilité à fleur de
peau, cette acceptation de la mort, tout en n'envisageant même pas
de pouvoir mourir avant la fin de l'année, ces choix contraints par
le désir de vivre plus fort.
Certains
d'entre vous verront peut-être Magda comme une petite sotte qui fait
n'importe quoi. Pour moi, je garderai toujours l'image de cette fille
qui a cru qu'elle n'avait plus qu'un an pour vivre toute une vie. Je
crois que je la comprends, Magda. Et honnêtement, rappelez-vous, à
treize ans, qu'est-ce que ça voulait dire pour vous, vivre une vie ?
Pour
donner vie à Magda et son univers, c'est Carole Maurel qui prend
pinceaux et couleurs. Personnages expressifs, décors réalistes, qui
savent se dissiper pur laisser ressortir les émotions des
protagonistes. Palette de couleurs quittant les tons clairs et
joyeux, discrètement, comme pour marquer la vision de Magda,
l'acceptation de la fin.
Une
composition aérée qui laisse dans de grandes cases de l'espace aux
dessins, malgré l'étau qui se resserre avec le temps. Comme pour
marquer le refus de ce qu'on prétend accepter. Un paradoxe qui
ressort d'autant plus nettement dans la dernière saison de
l'histoire. Des cadrages simples qui savent s'attarder sur un
instant, un regard, une caresse, une gêne...
Carole
Maurel a réussi à rendre palpable cette jeunesse, cette folie, ce
monde qui part en vrille, la fatalité d'un destin commun. Une
histoire graphiquement réussie, tout autant que narrativement
d'ailleurs.
Je
ne peux que vous recommander de lire l'Apocalypse selon Magda.
L'année que vous passerez aux côtés de cette jeune fille, vous
vous en souviendrez probablement longtemps. Moi, en tout cas, elle
restera dans un coin de ma tête, la petite Magda, avec son regard
perdu et ses rêves...
Zéda
et Magda face à la fin du monde...
David
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