
Journalistes. Le bloc-noteur doit un aveu. Un aveu pas si anodin que cela. Il a beau chercher dans la mémoire vive de ses (bientôt) trente années passées à l’Humanité, il ne connaît pas une journaliste de la rédaction du journal de Jaurès qui, depuis plus d’un quart de siècle, d’une manière ou d’une autre, n’ait eu à être confrontée à des mots sexistes, à des attitudes déplacées, ou pire. Et, sachez-le, comprenez-le, cela concerne tous les milieux dans lesquels elles exercent leur fonction: auprès des hommes politiques et de leur entourage, des chanteurs, des acteurs, des artistes de tout poil, des sportifs (dieu merci pour elles, rares sont les femmes, à l’Humanité, à s’être occupées de ce genre journalistique-là), des entrepreneurs ou des dirigeants subalternes d’entreprise, etc. La liste est longue, assez inépuisable. Et si les femmes journalistes de l’Huma se décidaient à publier le récit de leurs mésaventures –souvent sans conséquence, parfois plus scabreuses ou psychologiquement très dures–, un numéro entier du quotidien ou du magazine n’y suffirait pas… Domination. Comme beaucoup se complaisent, dans leur vie quotidienne, à confondre amour et désir, beaucoup se refusent à la différenciation entre «drague» et «harcèlement». De même, quand on confond une fonction avec le pouvoir, le pouvoir se transforme vite en domination. Nos sociétés patriarcales et archaïques restent dominées par les hommes. Là où il y a domination, il y a toujours tentative plus ou moins affirmée de soumission. Les femmes en sont –depuis des millénaires– les premières victimes. Les temps changent. Certes. Mais, franchement, vous ne trouvez pas, vous aussi, que ce changement prend du temps, vraiment beaucoup de temps? [BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 13 mai 2016.]