12 mai 2016Les organismes génétiquement modifiés ou OGM se heurtent à de nombreuses réticences en Europe et plus particulièrement en France. Ces derniers jours furent à nouveau le théâtre de débats quelque peu houleux autour des réglementations entourant ces dits organismes notamment sur à nouveau la question de l'autorisation ou non dans l'hexagone du maïs MON 810 (le seul OGM légalement autorisé à être cultivé au sein de l'UE) de la célèbre firme Monsanto, et sur la possible inclusion sous le terme « d'OGM » (et donc leur rattachement aux législations liées) des nouvelles techniques de modifications génétiques (NPBT).

Celles-ci ne résultent pas d'une transgenèse (fait de prendre un gène étranger pour l'introduire dans le code génétique dés lors modifié de la plante), mais plus « sommairement » de couper l'ADN avec des enzymes pour modifier un gène ou le supprimer (édition du génome mais également recours aux techniques originelles de greffe notamment entre souches OGM et non OGM). On emploie alors plus spécifiquement le terme « d'édition du génome ». Le principe est généralement le suivant : il s'agit d'opérer une coupure de l'ADN pour provoquer une modification ou une inactivation de certains gènes. Au lieu d'introduire un gène étranger, comme donc avec la transgenèse, on modifie directement l'ADN de l'organisme. Les laboratoires des grandes firmes liées aux biotechnologies travaillent depuis plusieurs années à ces méthodes, qualifiées de « révolutionnaires ». Le but est globalement le même que pour les OGM, c'est à dire rendre un végétal plus productif, moins gourmand eneau ou résistant à un herbicide. Cependant l'avantage des NPBT est qu'elles sont plus faciles et moins chères à mettre en place du fait de ces mutations « simplifiées ». Sur le plan de la communication adressées à la société civile, leur inclusion dans l'annexe 1B de la directive européenne, permettrait de les présenter comme des modifications génétiques issues de simples mécanismes naturels de mutation encadrés par l'action des scientifiques et ainsi d'échapper aux réglementations de contrôle imposées aux OGM.Un organisme d'expertise, le Haut Conseil des Biotechnologies Le Haut Conseil des Biotechnologies est une instance consultative (à la demande de l'État) qui regroupe des scientifiques et des acteurs de la société civile. Elle a été saisie sur la question des « nouvelles techniques de modifications génétiques » (NPBT selon l'acronyme anglais New Plants Breeding Techniques), prénommées également et de façon plus précise, « nouvelle technologie de sélection des plantes » par le HCB. Il s'agit de déterminer si elles sont ou non des OGM, car elles n'ont pour le moment aucun statut juridique propre. Doivent-elles donc être incluses dans l'annexe de la directive européenne (la directive 2001-18 modifiée par la directive 2015/4121) qui exclut via une annexe certaines techniques des normes et obligations d'évaluation, de contrôle et de traçabilité ? C'est au HCB de trancher sur ce point de droit et ainsi « éclairer la décision publique », car les grandes entreprises et les industriels dont les activités sont liées à ces techniques ne veulent pas que les mêmes normes et restrictions appliquées aux OGM le soient pour les NBT. Les ONG en environnement claquent la porte des discussions Mais pourquoi donc 7 associations de la société civile (à savoir : Les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, la Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique, France Nature Environnement, Greenpeace, le Réseau Semences Paysannes et l'Union Nationale de l'Apiculture Française) ont-elles conjointement quitté la table des discussions lors de la consultation publique organisée par le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) ? Elles se justifient via un communiqué commun où elles expriment leur mécontentement quant au déroulement et à la non-transparence prégnante lors de cette réunion. Du côté du Haut Conseil des biotechnologies, on indique à Reporterre : « Le HCB est par nature un lieu de débat contradictoire où chacun peut et doit présenter sa position sur les sujets étudiés. Refuser de participer au dialogue ne fait pas avancer le débat sur les Nouvelles Techniques de Sélection des Plantes (NPBT) et fait encore moins progresser la construction d'un avis, qui a pour objet d'éclairer la décision publique de manière indépendante. » Du rififi au HCB : le poids des lobbyistes une nouvelle fois interrogé Le fait que les 7 associations de la société civile aient quitté conjointement le HBC tend à mettre en lumière les doutes qui planent sur l'indépendance de cette instance et les possibles conflits d'intérêts qui la lie aux grandes firme multinationales de l'agrochimie. Les tensions sont si fortes au sein de l'instance que deux de ces éminents membres ont préféré la quitter, ainsi Yves Bertheau, directeur de recherche à l'INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) et au Muséum National d'Histoire Naturelle, de même que Patrick de Kochko vice président du comité économique, éthique et social (et membre du réseau semences paysannes) ne font plus désormais partis du HCB qu'ils critiquent depuis ouvertement. Pour Yves Bertheau, expert reconnu en ce qui concerne les OGM, le constat semble d'autant plus amer qu'il est l'auteur d'un avis scientifiques divergent délivré en février dernier et volontairement censuré depuis par le HCB. Il y décrivait les risques pouvant être liées à ces transferts comme les « épimutations, des mutations sensibles à l'environnement et qui peuvent revenir à l'état premier ». Cette censure est l'une des raisons de la colère des associations car elle illustre pour celles-ci la collusion entre l'industrie de l'agrochimie et les membres dirigeants du HCB accusés par ses détracteurs d'être trop influencés par des lobbyistes œuvrant pour l'assouplissement des réglementations concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM) et l'agrochimie. Sans le rendu public de ces travaux, la société civile n'a pour le moment pas encore accès à l'ensemble des données scientifiques... Yves Bertheau a transmis aux autorités françaises et européennes son travail qui pointait les risques potentiels des « nouveaux OGM », bien qu'il réfute lui même cette dénomination. Il milite depuis pour que soit enfin rendue publique son analyse. Il critique par ailleurs ostensiblement la note de travail établie durant cette consultation du HBC, qui est selon son jugement, d'une piètre qualité scientifique. De plus les fiches techniques reliées à cette note n'ont pas été pas validées par le Conseil scientifique mais par le bureau du HCB, composé de juristes et de sociologues[1]. Il déplore également que le médiateur de la République ne puisse être consulté pour ce cas précis. Le gouvernement français est accusé sinon de complicité, du moins d'être soumis à une trop grande influence, et de fait de soutenir les intérêts de l'industrie des OGM, incarnée par de grandes multinationales comme Bayer, Monsanto... La Commission européenne doit ainsi décider dans les mois qui viennent si ces produits tombent sous le coup de la directive 2001-18, qui impose une évaluation, une traçabilité et un contrôle strict des OGM. Si tel n'est pas le cas, les NPBT pourraient rapidement se retrouver dans nos champs et nos cultures sans que nous soyons en mesure d'en obtenir l'information claire. Tandis que se poursuit l'éternel débat autour de l'autorisation du fameux maïs MON810 Le maïs Mon810 est encore à ce jour le seul OGM légalement autorisé à la culture par les instances européennes. Il est contrairement aux techniques discutées actuellement par le HCB, un OGM dit de première génération, c'est à dire obtenu via une transgenèse où un gène étranger a été ajouté à son code génétique ce qui lui permet notamment de lutter (il s'avère alors toxique) contre son parasite le pyrale. Le maïs MON 810 créé par Monsanto a pour autre « avantage » d'être une plante rendue résistante au célèbre désherbant phare de la marque à savoir le Round-up (qui rappelons comporte du glycérophosphate, une substance classée cancérigène par le Centre International de Recherche sur le Cancer). Cependant de nombreux pays européens tels que la France ou bien encore l'Autriche se refusent toujours à cultiver sur leur territoire ce dit maïs, en se réfugiant derrière le principe de précaution. Néanmoins le principe de précaution est lui même encadré par le droit européen exploité par la,. a firme qui tente ainsi depuis des années de casser cette interdiction en démontant la ligne défensive des États réfractaires. Ce jeu du chat et de la souris a débuté en France en 2007 avec une première interdiction déposée par le ministre de l'agriculture en se basant sur des études qui tendraient à prouver que les OGM représenteraient un risque avéré (ce qui justifie dés lors pleinement le recours au principe de précaution). Cette interdiction fut renouvelée via un nouvel arrêté en 2014 par l'actuel ministre Stéphane Le Foll. Le Conseil d'État qui fut saisi sur cette question de la légitimité de l'interdiction du maïs OGM MON 810 a rendu un verdict similaire à ceux de 2008 et 2011 où il avait déjà cassé, renvoyé les décisions des ministres français de l'agriculture. Cette nouvelle annulation reprend grosso modo le processus ayant eu cours en 2011 où déjà le Conseil d'État avait annulé la décision du gouvernement. Celui-ci avait alors en 2012 mis en place une clause de sauvegarde mais qui fut à son tour annulée par le Conseil. Ce dernier applique en effet une vision purement juridique, et estime donc que les risques importants justifiant le recours au principe de précaution ne sont pas démontrés. Le chassé croisé ne s'est point terminé depuis, mais cela ne change rien à la politique du gouvernement français qui est accusé par les défenseurs des OGM de décisions purement partiales. Parmi ces voix dissonantes on peut citer celle de Marc Fellous, ancien président de la Commission du génie bio-moléculaire devenue donc aujourd'hui la HCB, instance qui est fortement critiquée actuellement. Cette relative « liberté » de décision des états membre émane de la Directive 2015 issue du droit européen pour chaque état puisse autoriser ou non les OGM sur son territoire une fois transposée au droit nationale selon les protocole légaux européens (la directive 2001-18 modifiée par la directive 2015/412). C'est ce qui permet notamment à la France d' interdire encore le maïs MON810 quand bien même il dispose d'une autorisation déposée par l'EFSA (agence de sécurité sanitaire des aliments). Malgré tout il faut bien comprendre que Monsanto exporte plus ou moins directement du maïs, du soja et autre coton OGM vers l'UE notamment pour nourrir les animaux d'élevage puisque dans de nombreux cas le principe de précaution ne peut être retenu que pour des risques environnementaux et non pas sanitaires. Ce qui signifie donc que les Français, en se nourrissant de viande, ingèrent tout de même des OGM. Notes Interview réalisée pour l'émission de France Inter « La Une de la Science » du 18 avril 2016 Auteur Benjamin Esmelin / notre-planete.infoSource : notre-planete.info, http://www.notre-planete.info/actualites/4472-nouvelles-techniques-modifications-genetiques-OGM