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[Audio] Légumineuses : bonnes pour le champ, bonnes pour l’assiette !

Publié le 21 mai 2016 par Valentine D. @sciencecomptoir
Fabacae
Senna spectabilis, légumineuse brésilienne de la famille des Fabacées. (Crédit photo : mauroguanandi/Flickr)
L’agriculture de demain sera-telle diversifiée ? C’est le pari des instituts de recherche agronomique en France. C’est au Salon de l’agriculture 2016, qui s’est achevé en mars, que je suis allée à la découverte d’une pratique agricole à la fois ancestrale et innovante : l’association légumineuses-céréales. Reportage audio.

Et pour ceux qui préfèrent lire qu’écouter, voici le transcript :

Nous sommes au Salon de l’agriculture, qui a déjà reçu 600 000 visiteurs, et où l’INRA, l’Institut national de recherche agronomique, présente une de ses pratiques vedettes. Cette pratique, encore expérimentale, consiste à cultiver dans un même champ des céréales et des légumineuses. Légumes secs dont les fruits sont des gousses, comme le pois, la lentille ou la luzerne. L’Onu l’a mise à l’honneur cette année, en décrétant 2016 « année internationale de la légumineuse » ! Associée généralement avec du blé, de l’orge ou de l’épeautre, cette famille de plantes présente de nombreux avantages pour l’agriculture. Explications de Xavier Reboud, chercheur à l’INRA.
« L’association légumineuses-céréales est une association gagnante-gagnante. Les légumineuses fixent l’azote de l’air à travers les nodosités qu’elles développent avec des bactéries sur leur système racinaire et qu’elles peuvent excréter dans le milieu. Cette ressource en azote peut être captée par le blé. »
En retour, la légumineuse va pouvoir grimper le long de la tige du blé pour un meilleur accès à la lumière.
Une alternative aux monocultures, des systèmes à la biodiversité très faible dans lesquels les maladies se dispersent facilement. A l’opposé, l’association graminées-légumineuses rétablit une plus grande variété dans le champ. Ce qui permet notamment de mieux capter les nutriments du sol et donc de diminuer les doses d’engrais. Mais l’intérêt de cette association ne se limite pas à l’agriculture : elle présente également des atouts sur le plan nutritionnel, pour les humains comme pour les animaux d’élevage.
(Xavier Reboud, INRA) « Un avantage de ces stratégies-là, c’est qu’on peut compenser le manque de protéines de la graminée par la forte teneur en protéines de la légumineuse. D’un point de vue nutritif, le mélange légumineuse-céréale est particulièrement intéressant comme élément d’élevage. »
Cette association de plantes est l’une des pratiques phares de l’agroécologie. Une approche interdisciplinaire et durable encouragée par l’Onu pour assurer la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale.
Si leur utilisation en grande culture est une idée nouvelle, les mélanges de plantes ne datent pas d’hier. En Amérique latine, les Indiens précolombiens mariaient déjà haricots et maïs, aussi bien dans leurs champs que dans leur assiette. Florent Maraux, chargé de mission à la direction scientifique du Cirad (organisme de recherche agronomique pour le développement).
« Pour beaucoup l’agroécologie s’inspire de savoirs locaux, de ce que les gens font déjà. La démarche scientifique, c’est de comprendre pourquoi ils le font, comprendre les causes et les effets, pour les reproduire, les améliorer, les modéliser et les appliquer dans d’autres conditions. Bon, on ne va pas apprendre à des paysans latino-américains à cultiver le maïs et les haricots en même temps, ils savent faire. Par contre on va s’inspirer de ce qu’ils font pour essayer de faire mieux, ailleurs. »
Christophe Pinard, chargé de mission sur la biodiversité agricole et l’agroforesterie, insiste sur l’enthousiasme du ministère de l’agriculture pour l’association plantes-légumineuses.
« C’est assez complexe. Ca demande de la technologie, une bonne connaissance de l’agronomie et de l’écologie de chacune des plantes, donc on est très clairement dans un des meilleurs exemples d’agroécologie. Nous, ministère de l’agriculture, on y croit très fort parce qu’elles ont tellement d’atouts que ça serait dommage de passer à côté. »
Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, a lancé en 2012 un plan d’action global pour l’agro-écologie. En faveur de cette nouvelle approche, l’Etat a débloqué près de 7 millions d’euros pour les agriculteurs en 2014 et presque 5 millions d’euros pour la recherche l’an dernier.
« Les légumineuses génèrent un certain nombre d’actions qui touchent à la fois le domaine de la recherche, les domaines de la formation, du conseil, de la communication, et bien sûr les domaines de la production agricole et de la valorisation économique. Parce qu’une des questions principales posées par le développement des légumineuses, ce sont les débouchés, ce sont les filières, c’est la commercialisation. »
Mais l’association graminées-légumineuses est encore majoritairement au stade expérimental. Comme le souligne Xavier Reboud, des problèmes subsistent dans la pratique.
« Ces techniques-là sont maîtrisées par un très faible nombre d’agriculteurs, elles sont assez techniques. Donc il y a des améliorations à apporter pour que le plus grand nombre puisse facilement pratiquer ces mélanges. »
Avant d’arriver dans nos assiettes, les légumineuses de l’agriculture de demain ont encore du chemin à parcourir.

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez peut-être « pénurie de phosphore : une bombe à retardement ?« , « Terre, ce vieux croûton » ou le top 5 des plus belles structures géologiques. Ailleurs sur la blogosphère, je vous suggère « le défi alimentaire mondial et les promesses de l’agro-écologie » par l’Agence Science Presse, et « L’agroécologie : des méthodes plus efficaces que le recours aux engrais et pesticides » sur le blog Bioécologie.

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