
Sachez-le, l’homme qui parle de la sorte fut l’un des artisans, auprès de Martine Aubry, de la rédaction de la première loi sur les 35 heures… Que s’est-il donc passé en moins de vingt ans pour que ce conseiller à la Cour des comptes, biberonné à la «gauche sociale», en vienne à assumer ce qu’il convient de nommer ici : une évidente haine de classe?
Ennemi. «J’assume l’expression: prise d’otages des Français», répète deux fois l’un des membres du cabinet de Matignon, qui confirme par ailleurs en off une information divulguée par Marianne, à savoir que son chef, alias le premier sinistre, a bien dealé avec Pierre Gattaz une «réforme d’ampleur du Code du travail» lors du forum de Davos, les deux hommes s’étant longuement rencontrés pour définir le périmètre de «réformes audacieuses et courageuses», selon cet informateur. «Un mois plus tard, au Medef, ils n’en ont pas cru leurs yeux! ajoute-t-il. Quand ils ont découvert la première mouture du projet de loi El Khomri, ils ont été carrément bluffés, jamais ils n’auraient cru qu’on soit prêt à ça…» Un conseiller d’État, ex-proche de Ségolène Royal et de Jean-Marc Ayrault, rompu au dialogue social, l’admet: «Quand j’ai lu ce texte, j’ai aussitôt décroché mon téléphone pour prévenir l’Élysée et Matignon qu’ils avaient perdu le sens des réalités, que ça ne passerait jamais comme une lettre à la poste, qu’ils ne pouvaient provoquer à ce point certains syndicats et les transformer en ennemis à combattre ouvertement! Je leur ai dit que la CGT et FO ne laisseraient jamais faire sans bouger, qu’elles ne le pouvaient pas après quatre ans de coups reçus et que c’était le meilleur moyen de mettre la CFDT dans la difficulté. Ils n’ont rien écouté. Je vais être honnête: je ne pensais pas que le gouvernement irait si loin…»
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 3 juin 2016.]