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Du malheur des pauvres et de la loi Gayssot...

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

Du malheur des pauvres et de la loi Gayssot...

Vergès et Garaudy en 1998

Entretien avec Maître Jacques Vergès (19 avril 2006)
Silvia Cattori : L’ouvrage "Malheur aux pauvres", que vous venez de publier, dresse un constat accablant pour la justice. Cela doit dépasser le cas de la France sur lequel vous avez fondé votre argumentation. Vous écrivez : « La justice méprise les parias... ne les protège nullement », ce qui suggère qu’il n’y aurait pas toujours, de la part du corps judiciaire, l’exigence que la sanction soit juste. Qu’avez-vous voulu dire précisément par ce livre ?
Jacques Vergès : Je veux montrer par une série d’exemples comment la justice est injuste. Comment elle est extrêmement sévère et désinvolte avec les pauvres, les faibles, et comment elle est obséquieuse, complaisante, avec les puissants.
Je prends comme exemple, entre autres, ce que l’on a appelé « les disparues de l’Yonne » : une dizaine de jeunes filles, d’origine pauvre, et handicapées, confiées à l’assistance publique, disparaissent les unes après les autres. Jamais, pendant dix ans, l’on n’a mené d’enquête. On a mis sur leur fiche « fugue », alors qu’en fait elles avaient été tuées par un individu qu’un rapport de gendarme avait pourtant montré du doigt. Le procès n’a eu lieu que vingt ans après. Je dis, au travers de ce cas, que si les jeunes disparues avaient été filles d’un médecin, d’un avocat ou d’un ministre, on aurait enquêté immédiatement et on n’aurait pas mis « fugue » sur leur fiche.
Actuellement vous avez, à Toulouse, trente-cinq prostituées qui ont été tuées depuis une quinzaine d’années, retrouvées la gorge ouverte, les dents cassées, une grenade entre les jambes et, pour chacune, on a mis « suicide » sur la fiche ; manifestement ce sont des pauvresses, et on n’a pas voulu s’en occuper.
Tout ceci montre comment l’on néglige les pauvres.
Un autre exemple, que je prends, est celui d’une petite Anglaise, Caroline Dickinson, violée et tuée dans une auberge de jeunesse. Le juge a demandé l’ADN de tous les mâles du village dès la puberté. Il a procédé à 3600 recherches d’ADN, et il a trouvé l’assassin.
Sur une route dans l’Ile-de-Ré, au mois d’août, une jeune femme est tuée à midi trente. On a recherché les 200 personnes susceptibles d’être passées sur cette route. Les campeurs, les marchands. On a fini par trouver l’assassin.
Dans le cas de Madame Marshal, trouvée morte dans sa cave avec l’inscription « Omar m’a tuer », sous chacune des inscriptions on a trouvé une tache de sang. A ma demande, on a déterminé que le sang était bien celui de Mme Marshal mais que dans chacune des taches, il y avait un ADN d’homme. Or, alors que les deux ADN étaient différents entre eux et aussi différents de l’ADN d’Omar Addad, c’est ce dernier que l’on a accusé. Il y avait 15 ADN à retrouver. La cave d’une villa cossue est moins fréquentée qu’une auberge de jeunesse. Eh bien, la Cour de révision a dit non, on ne peut pas dater l’ADN - ce qui est vrai, mais pas plus que sur la route de l’Ile-de-Ré - et il est entré beaucoup de monde dans la cave - mais moins que sur la route pendant les vacances d’été.
Quelle est la différence ? La différence est que celui qui entre dans une auberge de jeunesse et tue une jeune fille est un marginal, un routard, un pauvre type. Par contre, si ce n’est pas Omar Addad qui a tué Mme Marshal, c’est quelqu’un de sa domesticité ou de son entourage. Or, dans la domesticité, en dehors d’Omar Addad, il n’y avait que sa femme de ménage. Ce ne pouvait donc être que quelqu’un appartenant à la très grande bourgeoisie. Alors, à ce moment-là, on dit : « On ne peut pas rechercher ».
Voilà donc les exemples que je prends, qui montrent comment la justice, quand il s’agit des pauvres et des faibles, est extrêmement sévère ; et quand il s’agit des puissants, est extrêmement complaisante. Je dirais même, complice.
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