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Lettre de motivation, de Vincent Yersin

Publié le 03 juin 2016 par Francisrichard @francisrichard
Lettre de motivation, de Vincent Yersin

Vincent Yersin a donc écrit sa Lettre de motivation. A quel poste veut-il postuler? A celui de poète, semble-t-il. Car ce recueil est composé de prose poétique et de poésie, qu'il qualifie avec humour de sport prétentieux.

Quel genre de poète est-il? L'épigraphe du recueil donne un indice:

But the cautionary good sense tell us that to publish is to rid ourselves of a burden and offer it to someone else, pleasant or not. Jim Harrison

Ce que je traduirais par: Mais le bon sens averti est de nous dire que publier est nous débarrasser d'un fardeau et de l'offrir à quelqu'un d'autre, que ce soit agréable ou non.

N'est-il pas question de fardeau dès les premières pages:

J'ai tout pris, tout et tout le monde sur moi ?

Le fait est qu'il raconte avoir roulé sa bosse dans le monde et que, maintenant, il lui rend ce qu'il lui a pris:

J'ai pris sur moi

de tout remettre au monde

C'est-à-dire son vécu et ses rêves:

aptère comme une mouche des Kerguelen

   j'ai vécu riveté

mais en rêve je ne fais plus que voler

Le monde? Il l'a effectivement parcouru dans tous les sens: l'Ethiopie, le mont Ararat, l'Ukraine, la Grand-Place, l'Irlande, Moscou, Prague, Treblinka...

Il a observé les hommes dont l'aspect général est très peu diversifié, même lorsque d'aucuns s'affairent pour la guerre.

Il songe aux femmes qui peuplent le vaste monde, qu'il a chevauchées ou qu'il a zyeutées:

Mes yeux sombres ne regardaient que l'arrière

des femmes

Il s'est intéressé parfois, seulement, furtivement, chastement, à l'une d'entre elles:

J'ai croisé son regard. Elle a souri. J'ai baissé les yeux puis les ai relevés. Elle a eu un air gêné, contrit. Elle a rougi un peu

Il s'est inventé des mots, tel que ravoure, pour enrichir sa pauvre langue, tout en sentant bien que c'est le muet qui a la plus belle parole, que les mots sont l'apanage des faibles et des couillons. Mais comment s'en passer, si l'on veut s'alléger?

Dans une lettre de motivation de poète, Vincent Yersin ne doit-il pas avoir une petite, ou une grande, pensée pour la mort, inséparable de la vie?

La plupart des individus doués d'entendement admettent l'importante révélation ontologique - ils pensent le temps. Assez peu, il me semble, ont goûté la terrifiante vérité: c'est dans l'espace que l'on meurt.

Principalement.

N'est-il pas convaincant, quand, proche de conclure sa lettre, il se laisse aller à dire:

ici où je parle

là, dehors sous ces arbres,

ici, vraiment là où j'écris

elle parle

elle souffle

la terre enseignée ?

Francis Richard

Lettre de motivation, Vincent Yersin, 80 pages BSN Press


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