" ...Ses augures, pas toujours vérifiées mais déclamées avec force et humour, démultipliaient l'intérêt porté à ce grand jeune homme aux traits d'ange et aux poings de brique. A l'approche de ses dix-huit ans et fort de sa qualification pour les Jeux Olympiques de Rome de 1960, Clay s'était nanti d'une appréciable gloriole ne dépassant pas toutefois les frontières du comté.
Oisillon, il avait été sur le point de se réfugier sous l'aile protectrice de l'aigle William Reynolds, géant de l'aluminium et subsidiairement soutien de talents prometteurs dans le sport. Problème, Reynolds avait fourni au jouvenceau un travail de larbin dans son immense propriété de Louisville contre l'assurance de le faire passer professionnel après les Jeux. Cassius lave, essuie, récure, bine et balaye quelque temps mais finit par prendre la poudre d'escampette.
Dans son livre autobiographique, Clay explique a posteriori son refus d'être rentré dans le " cirque " du hautain milliardaire : " Je trouvais plutôt bizarre que l'homme qui voulait dresser le tigre veuille aussi le garder en laisse chez lui comme domestique. " Avec l'aide modeste de Martin, Clay va conquérir dans la ville éternelle le titre olympique des mi-lourds.
Sa médaille d'or passée autour du cou depuis seulement quelques semaines, Cassius signe un contrat professionnel avec un groupe d'hommes d'affaires " les milliardaires de Louisville ". Ces onze blancs sudistes pure souche aperçoivent en Clay un investissement propre à faire d'eux d'exemplaires humanistes. Surtout en cette période de dissensions entre communautés pour les droits civils. Clay devient le premier boxeur-société[1] de son sport. Tout en lui imposant l'orientation de sa carrière (choix et lieu des combats, montant des bourses) l'association lui verse dix mille dollars à la signature et lui garantit un salaire pendant six ans (deux cents dollars par mois les deux premières années, cinq cents les quatre années suivantes). Au terme du contrat, la mise aura ramené au " Louisville sponsoring group " un total de gains bruts de 2 376 115 dollars.
[1] Comme le décrit José Torrès dans son livre " Cassius Clay Les poings d'Allah " (Solar, 1973).
Le 25 février 1964, le nouveau champion du monde hurle à la terre entière sur le bord du ring de Miami Beach qu'il est le " plus grand ", spectateurs et journalistes encaissent avec stupeur les propos suffisants de Cassius Marcellus Clay. Il vient, avec un style virevoltant jamais vu jusque-là, d'humilier Sonny Liston, qui n'a même pas pu lui décocher un seul coup de poing en six rounds et qui, de dépit, a jeté l'éponge à l'appel du septième.