Fresh Off the Boat // Saison 2. 24 épisodes.
BILAN
Quand Fresh Off the Boat avait débuté l’an dernier à la mi saison, je me doutais bien que cette comédie allait fonctionner. Elle a eu droit à sa saison 2 et elle aura même une saison 3, promue au milieu d’un carré sitcom le mardi dès septembre qui promet d’être au moins un petit succès, au moins un succès. Ce qui me plaît énormément avec Fresh Off the Boat c’est la capacité de cette comédie à mettre en scène les années 90 différemment de ce que The Goldbergs fait avec les années 80. Les deux séries ont des points communs mais aussi des divergences que je trouve tout aussi passionnantes. A commencer par la culture taïwanaise qui n’est clairement pas celle que l’on connaît le plus. Dans le monde des comédies, rares sont celles qui ont pour héros sino-américains. ABC a démontré encore une fois avec Fresh Off the Boat sa volonté d’être la chaîne de la diversité. Black-ish était déjà une partie de cette diversité, Fresh Off the Boat est la seconde partie. La saison 2 ne laisse pas tomber le téléspectateur et conserve le charme de la première saison du début à la fin. Même une apparition de Ken Jeong (également héros d’une autre comédie de ABC : Dr. Ken, renouvelée pour une saison 2) s’avère réussie et avoir sens dans une comédie familiale où la révélation n’est pas masculine mais bel et bien féminine.
En effet, je pense que la révélation comique de Fresh Off the Boat c’est Constance Wu. Cette dernière est un élément dont la série ne peut pas se passer. En plus d’être une excellente actrice, elle donne un petit plus à son personnage qui sort du lot. Les autres sont les cachets familiaux dont la comédie avait besoin pour être une comédie familiale classique pour ABC mais le personnage de Jessica Huang est parfait pour apporter un peu de diversité là dedans. A côté, Randall Park est très bon mais c’est un père de famille dans la plus grand tradition du terme dans une comédie familiale. Après tout, rare sont les pères de famille complètement barrés (Malcolm et Tout le monde déteste Chris sont les rares exemples que je trouve) alors qu’habituellement le père de famille incarne quelque chose pour ses enfants et les téléspectateurs. Cela ne veut pas pour autant dire que Louis ne peut pas se permettre d’être un peu plus fun par moment. Randall Park me fait alors penser à Anthony Anderson le héros de Black-ish. Il y a ce côté père de famille qui trouve parfois de la lumière dans certaines séquences qui cassent leur délire. Fresh Off the Boat est une comédie qui n’a peur de rien, qui est capable d’être profondément ancrée dans la tradition, intensément lumineux, péjorative, farouchement royale, avec des émotions tendres. Bref, c’est une comédie mignonne comme tout avec un ton capable de tout faire.
Car elle peut très bien nous plonger dans tout un tas de bons sentiments ou bien faire tout le contraire et nous plonger dans des délires que elle seule semble être capable de monter en épingle. L’esprit asiatique n’est pas xénophobe ou raciste, il est au contraire tendre comme tout. On a envie de vivre quelques passages avec cette sacrée famille. Cela ressemble parfois à un croisement entre Tout le monde déteste Christ et accessoirement Malcolm même si le père n’est pas complètement barré comme les deux séries que je viens de citer. Le format reste cependant un atout dans cette série qui se permet toutes les âneries possibles et imaginables en restant dans les clous. La saison 2 permet de forger un peu plus de liens avec les personnages. Les téléspectateurs ont de quoi s’investir un peu mieux dans l’histoire de chacun. J’avais réellement peur au départ que Fresh Off the Boat ne soit pas à la hauteur, que cette saison 2 parte dans tous les sens et qu’elle oublie d’être fière de ce qu’elle avait pu incarner de tendre et mignon dans sa première saison. Par chance, la série reste ce qu’elle a toujours été et c’est une très bonne nouvelle. Le succès de Fresh Off the Boat est presque une sorte de combat. En effet, en 1994, ABC diffusait All-American Girl de Margaret Cho. Annulée après seulement 19 épisodes, cette comédie est un peu l’ancêtre de Fresh Off the Boat.
De plus, elle se déroule dans les années 90 et se retrouvait au casting avec des têtes connues comme Margaret Cho (vu récemment dans Drop Dead Diva) ou B.D. Wong (plus connu dans New York Unité Spéciale comme le légiste ou le vilain scientifique de Jurassic World). C’était une comédie audacieuse dans le sens où c’était la première à tenter de parler d’une famille sino-américaine sur un network américain. C’était ambitieux, cela n’a pas fonctionné et c’est dommage. ABC continue donc de tenter des expériences désormais que la diversité semble devenue « tendance ». Après Black-ish et dans une certaine mesure Cristela (même si cette dernière n’a pas connu de saison 2), Fresh Off the Boat s’inscrit parfaitement dans la même lignée. Bien entendu, la série ne va pas forcément forcer trop certains traits et rester très gentille car le but reste le divertissement et le rire mais globalement, ce qui est presque drôle c’est que Fresh Off the Boat se déroule presque au moment où All-American Girl a été annulée, comme si finalement elle était là pour prendre la suite qui n’a jamais existé. Construite de façon intelligente, la série repose en grande partie sur son casting mais aussi sur les années 90.
Les références à la pop culture sont nombreuses sans pour autant être envahissantes. En effet, la série se permet aussi de développer des intrigues familiales sans se sentir obligée de faire la référence qui fera bien dans l’épisode. Les héros ne sont pas des fans de cinéma comme Adam dans The Goldbergs, du coup les références sont utilisées avec parcimonie. Les années 90 ce sont les premières années que mes yeux ont vu de leur vie et c’est aussi peut-être pour cela que je me suis proche de ce qui est vécu là dedans. Nahnatchka Khan à qui l’on devait déjà Don’t Trust the Bitch in Apartment 23 a réussi ici à parler d’une culture dont on n’entend finalement jamais parler. Ou presque. Par ailleurs, Fresh Off the Boat a l’occasion de parler aussi du racisme de l’époque alors que la sinophobie est finalement quelque chose de sous traité là aussi et dont peu de gens viennent à parler. Aux Etats-Unis, il n’y avait pas que les afro-américains victimes d’une certaine forme de racisme, il y a aussi eu les latinos et les sino-américains. Fresh Off the Boat prend tout cela avec un angle satirique et humoristique satisfaisant. On s’amuse alors des clichés, des stéréotypes, sans pour autant masquer les problèmes qu’il y a derrière.
Fresh Off the Boat tente alors la réflexion sur la discrimination afin de parler de sujets complexes. La saison 2 peut se permettre d’ailleurs de creuser un peu mieux les personnages et les références à la culture taïwanaise. Constance Wu crève l’écran du début à la fin de la saison et continue d’être la grande révélation de cette saison. C’est une actrice que j’ai déjà remarqué lors de la première saison, je la citais même dans mes actrices préférées de l’année 2015. Ainsi, même si Fresh Off the Boat n’est pas la meilleure comédie de l’année elle n’en reste pas moins vivante et efficace dans ce qu’elle entreprend et c’est ce que j’ai envie de retenir.
Note : 7/10. En bref, une agréable petite comédie qui ne mange pas de pain et qui pourtant s’avère être l’une des plus belles bouffées d’air frais de ces dernières années dans le registre de la comédie familiale.