En contrepoint à l’Euro et à son festival probable de chauvinisme hexagonal, quelques brèves du foot dans le monde arabe…
Irak. Un kamikaze s’est fait exploser le 26 mars dernier lors d’une cérémonie de remise de trophées à l’issue d’un tournoi de foot local au sud de Bagdad, tuant plus de 30 personnes, dont beaucoup d’adolescents et d’enfants. Le 13 mai, des hommes ont tiré à l’arme automatique et lancé des grenades dans un café de Balad, une ville irakienne à 80 km environ au nord de Bagdad. L’attentat qui a fait une dizaine de morts a été revendiqué par « L’Etat islamique » qui considère que le foot n’est pas conforme à sa propre vision de l’islam. Par défi, des habitants de Balad n’ont pas eu peur de se rassembler dans le même café lors de la finale de la Ligue des champions qui opposait, le 29 mai, deux équipes madrilènes, l’Atlantico et le Real, lequel finira par l’emporter aux tirs au but. Mais cette fois-là, c’est la ville de Baakouba, toujours au nord de Bagdad, qui a été ciblée par des membre de « l’Etat islamique ». Ils ont ouvert le feu sur les fans du Real réunis pour regarder le match à la télévision dans la peña locale. Douze morts.
Palestine. Jibril Rajoub, le président de la Fédération palestinienne de football, a toujours autant de mal à se faire entendre des responsables de la Fifa. Pourtant, ses arguments sont en principe pleinement recevables, surtout au regard du précédent qui avait mis en cause des clubs ukrainiens sanctionnés pour s’être engagés dans un championnat russe. Après bien d’autres avanies (suivre le mot « football » dans les étiquettes en bas à gauche de l’écran), Jibril Rajoub proteste cette fois contre la présence, dans le championnat israélien, de cinq équipes représentant des localités – illégales aux yeux du droit international – en Cisjordanie. L’affaire sera évoquée lors du prochain congrès de la Fifa à Mexico, dans les jours qui viennent. ِEn tout état de cause, le très politique responsable de la Fédération palestinienne ne se réjouira pas longtemps d’une (improbable) victoire du droit palestinien contre la colonisation israélienne. En effet, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, probablement lassé par les dribles politiques de l’imprévisible Jibril Rajoub, a décidé de lancer dans la compétition son propre fils, Tarek. Aux dernières nouvelles, la nomination du fils du raïs à la tête du foot palestinien recevrait le soutien inattendu de son ennemi juré, le Hamas, qui a la main sur le puissant groupe des clubs de Gaza…
Aux Émirats, l’équipe vedette d’Al-Ayn a fait scandale. Un publicitaire mal inspiré avait en effet imaginé un bref spot de promotion pour la société BMW qui mettait en scène les joueurs du club désertant la pelouse pour se précipiter sur les dernières merveilles de l’industrie automobile allemande. Mauvaise idée, la vidéo les montrait en train de détaler au moment où résonnait dans le stade l’hymne national (vous pourrez voir le spot en suivant ce lien). Dans leur grande sagesse, les dirigeants du pays ont dissous le Conseil d’administration du club.
En Égypte, on passera vite, par charité, sur le pugilat qui a opposé en direct deux journalistes (très) sportifs sur un plateau télé. À l’image de la plupart des stars locales, en particulier dans la chanson, ces deux célébrités locales, Shoubayr et Al-Tayyeb, rivalisent d’encouragements pour l’un des deux grands clubs du pays, le Zamalek (en principe snob) et le Ahly (prétendument « populaire »). L’événement a beaucoup plus passionné l’opinion publique que l’annonce, pourtant sensationnelle, d’un nouveau record national : la population égyptienne vient de passer la barre de 91 millions d’habitants. Pour se faire une idée de cette magnifique progression, il faut se souvenir que le pays nourrissait, au début des années 1950, environ 20 millions d’habitants. Mais tant qu’il y a du foot…
Soudan. Beaucoup plus sympathique, la dernière « brève de foot » concerne le portrait, dressé par la revue en ligne Raseef22 (en arabe), de la première entraîneuse, dans le monde arabe, d’une équipe masculine. Salma El-Magdy (سلمى الماجدي) vit à Oum Dourman et ses motivations sont très claires : Qu’est-ce que tu as envie de faire ? Pour finir, tu vas te marier, tu devras t’occuper de ton mari, de tes enfants, de la cuisine et de la maison. Mais je ne suis pas venue au monde pour attendre le fameux mari. J’aime ma liberté et j’ai envie de faire de grandes choses. J’adore le foot, c’est ma vie… (ماذا الذي تودين فعله. في نهاية المطاف ستتزوجين، وعليكِ أن تهتمي بالطبخ والتهيؤ لرعاية الزوج والأطفال. لكنني لم أخلق لتدور حياتي فقط حول انتظار زوج، لديّ روح حرة وينبغي لي عمل الكثير. أحب كرة القدم، وحياتي تدور حولها)
Présenté comme ça, le foot, c’est même intéressant !