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475ème semaine politique: comment la droite veut prolonger l'oeuvre de Hollande

Publié le 11 juin 2016 par Juan
475ème semaine politique: comment la droite veut prolonger l'oeuvre de Hollande

Cette semaine marque l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy. Malgré un spectacle raté près de Lille, l'ancien monarque a permis de rappeler combien la droite furibarde entend prolonger, plutôt que déconstruire, l'action social-libérale de François Hollande. Et ce n'est pas un autre meeting, également raté, mais socialiste celui-là, qui permettra de contredire ce constat.


Enfin, la gauche ?
Le mouvement de protestation contre la loi El-Khomri s'essouffle. Mais dimanche 5 juin, Jean-Luc Mélenchon rassemble quelque 10 000 personnes à Paris. "La France insoumise" se cherche, et se trouve. Mélenchon est moins radical dans son allure qu'en 2012, il tend la main à l'opposition de gauche. Il lance sa campagne sur l'urgence écologique. Le créneau est vacant, puisque EELV a disparu. La crise écologique est toujours là, bien là, chaque jour pire qu'hier. Les crues hors normes, après une année des plus chaudes, sont là pour le rappeler. Pourtant, le thème est quasiment absent du discours politique dominant. Passé le show de la COP21, chacun est revenu à ses sujets de prédilections - terrorisme, islam, identité ... et chômage.
Dans les sondages, Mélenchon est plus populaire que Hollande, Valls ou d'autres personnalités telles Montebourg ou Duflot parmi les sympathisants de gauche. En intentions de vote, son score frôle ceux de Hollande et de Valls.
"La radicalité concrète, ce n’est pas de rabaisser ses rêves, au contraire, c’est les faire entrer dans le réel." Jean-Luc Mélenchon, 3 juin 2016, dans les colonnes de Reporterre.

Et il est persuadé que Sarkozy finira par l'emporter à la primaire de novembre.
L'entrée en campagne de Sarko
A Saint-André-lez-Lille, mercredi 8 juin, Nicolas Sarkozy prononce un discours paraît-il "fondateur", qui poserait "les bases du sarkozysme de 2017". Ses proches martèlent que le moment est "essentiel", aussi essentiel que celui de Nîmes en 2006 qui précédait sa candidature de "rupture". Il faut imprimer les mémoires. Pourtant, la salle est peu remplie, l'assistance réagit par salves d'applaudissements polis, la ferveur n'est pas au rendez-vous. Sarkozy fait grise mine. Il reste rivé sur son texte, un texte qu'il aurait tout seul, comme un grand. Les plumes de l'ombre Camille Pascal, Henri Guaino ou Sébastien Proto ne sont pas intervenues.
Évidemment, Nicolas Sarkozy n'est pas candidat. D'ailleurs, il avait promis d'arrêter la politique en cas d'échec en 2012.

En attendant, il use et abuse des moyens du parti Les Républicains. Cela finit par enrager ses rivaux. Le filloniste Bernard Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale, va d'ailleurs saisir la "Haute Autorité" du parti pour qu'elle se prononce sur cette tricherie.
Ce meeting de Lille ressemblait à celui de Toulon en décembre 2011, où l'ancien monarque avait convié ses troupes militants aux frais de la République. Une dépense que le Conseil constitutionnel présidé par le gaulliste Debré avait ensuite requalifiée en dépense de campagne.
Travail, mérite, autorité
A Saint-André-lez-Lille, Sarkozy veut montrer qu'il a un avantage de "leadership" sur ses concurrent. Il parle "restauration de l'autorité" et "réveil de la conscience nationale". Comme Richard Nixon en 1968, il s'adresse à la majorité silencieuse ("la minorité n'a plus les mêmes droits que les autres, elle en a désormais davantage").
"Pourquoi, dans la société multiculturelle, tout le monde aurait-il le droit de cultiver sa différence, tout le monde sauf la majorité, tout le monde sauf le Peuple français qui commettrait un crime contre l’altérité en voulant demeurer lui-même ?" Nicolas Sarkozy
 Mais surtout, il parle "identité nationale", "confrontation avec un Islam identitaire", et "immigration massive et communautarisée".  Il évoque la France éternelle à tire-larigots: "La France, que nous avons cru éternelle comme ses landes de granit breton ou ses grands plateaux de l'Aubrac, la France n'est-elle pas en train de se dissoudre, de s'effacer, de disparaître à coup de renoncements, de lâchetés, de reculs, de démissions ? "
Comme Marine Le Pen, il confond patriotisme et anxiété xénophobe. Contre le FN, sa "ligne rouge" paraît bien faible tant il emprunte massivement, comme en 2012, la plupart des thématiques et arguments frontistes. Il va même fustiger l'Europe qui "passerait le Peuple à la trappe au profit d’une gouvernance anonyme, technocratique, impersonnelle."
Le sarkozysme de 2017 ressemble furieusement à celui de 2012, un ensemble d'incantations nostalgiques aux relents xénophobes, de slogans furibards et anxiogènes, et de raccourcis avec la réalité. Patrick Buisson, l'ancien vizir de la fachosphère qui enregistrait clandestinement ses rencontres, n'est plus là pour écrire ni souffler ses idées nauséabondes aux oreilles de l'ancien monarque. Mais Sarkozy n'a plus besoin d'inspiration. Il trouve tout seul ses caricatures anxiogènes: "Si une poignée d'islamistes radicaux prennent en otage un quartier, il faut s’y résigner.
Et bien moi, je n’accepte pas ces résignations."  Quand il écrit lui-même, Sarkozy est capable de formules improbables et mémorables, comme celle-ci: "je veux rendre hommage au peuple français qui a façonné les paysages de la France de ses mains et qui a ensemencé la terre française de sa peine." Ou cette autre: "
 
Au cours de son propos, Nicolas Sarkozy a pourtant cet éclair de lucidité: "Il y a peu, quand on parlait de contrôle de l’immigration, quand on parlait d’identité, quand on parlait de déchéance de nationalité, on se faisait traiter de fasciste." Il a raison, le terrain a été déblayé, préparé, aplani. Depuis l'effroyable discours de Grenoble de l'ancien monarque en 2010, la "vallscination" a porté ses fruits.
Nicolas Sarkozy, comme d'autres à droite, doit crier plus fort, plus outrancier, pour singer la rupture avec un Hollandisme dont il ne sera que la continuation. 
Au secours ?
Après trois mois de manifestations, Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis organisent un meeting politique, rétréci à quelques centaines de supporteurs silencieux dans "les Salons de l'Aveyron", près de Bercy, à Paris. Il s'agit de prouver que cette loi El Khomri est finalement de gauche ... puisque la droite fera pire. Ils ont caché Emmanuel Macron, lequel de toutes façons n'est ni adhérent au PS,  et "ni de gauche, ni de gauche".
"Le problème de la France, c'est la droite" balance Camba. "Au secours! La droite revient!" ose-t-il ajouter, comme un mauvais clin d’œil à la campagne socialiste ratée de 1986.
"La droite, c'est la fin des 35 heures !" clame El Khomri. "On n'a pas trahi nos engagements, on a tenu compte de certaines réalités" justifie au micro Stéphane Le Foll. Pourtant, cette droite dont tous les ténors ont été pris du virus ultra-libéral et sécuritaire, n'apparaît aucunement en rupture avec l'action du gouvernement Valls/Hollande.
En 1986, la droite révisa ou supprima ce que la gauche avait réalisé. Pour 2017, les programmes annoncés par Juppé, Sarkozy, Fillon ou même Le Maire constituent principalement une prolongation de l’œuvre du quinquennat Hollande.
Sarkozy avait repoussé l'âge minimal de départ à retraite à 62 ans; Hollande à 63 ans; Juppé et consorts proposent 65 ans.
La loi El Khomri rend la négociation du temps de travail aux entreprises et non plus aux branches; Fillon avait ouvert la voie en 2004. Sarkozy et consorts veulent enfoncer la brèche après 2017 et étendre cette déconstruction néolibérale à l'ensemble du droit social.
Valls a tenté de faire constitutionnaliser la déchéance de nationalité. Sarkozy et Fillon promettent de réussir.
Hollande a réduit les cotisations sociales des entreprises de quelque 40 milliards via son Pacte irresponsable; Juppé fera davantage en ciblant les PME et TPE.
Valls avait proposé le plafonnement des indemnités prudhommales, qu'il a retiré ensuite pour s’accommoder la CFDT. Juppé assure qu'il l'établira.
Macron a assoupli les conditions de travail le dimanche, Juppé promet de l'assouplir davantage encore.
En matière économique, les quelques "ruptures" sur lesquelles on peut deviner que François Hollande insistera pour prouver sa "gauchitude" sont la suppression de l'ISF (que Macron souhaite également), la suppression de la rémunération des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures par semaine (mais Juppé propose de compenser par des baisses d'impôts sur le revenu), et la soumission du RSA à une obligation de travail
France footue
Que la grande fête du football commence ! C'est une Europe en proie au doute et à la division, secouée par la crise et affaiblie par ses égoïsmes, qui tente de livrer un autre spectacle, sportif celui-là, un grand cirque . En France, nos gouvernants aimeraient que se réédite l'exploit de 1998, qu'une victoire des Bleus efface la morosité et les protestations. Que ce moment sportif devienne une grande liesse populaire. Hollande a même invité Nicolas Sarkozy. Dix "fan-zones" ont été installées un peu partout dans le pays pour accueillir les supporteurs, comme un pied de nez aux terroristes. Dans les colonnes du Monde, Zlatan, qui vient de quitter le PSG, prévient: "je peux rendre populaire Hollande si je veux." L'arrogance hors sol de certaines vedettes du ballon rond a quelque chose de grotesque. 
Jeudi, l'Euro 2016 débute à Paris sous le soleil, mais la Ville-Lumière est bloquée: la grève des éboueurs est prolongée, les berges de la Seine toujours inondées, et le concert gratuit en pleine ville pour 80 000 personnes sème la pagaille. Du côté des transports, les grévistes sont plus isolés, car le gouvernement a fait quelques concessions tardives. Le concert des critiques contre les grévistes et les protestataires, contre tout ce qui pourrait gêner le bon déroulement de cette grande messe footballistique, redouble d'énergie. On fustige des grèves "catégorielles", ou "corporatistes". Même Hollande s'y met à son tour.
Dans un entretien à la Voix du Nord, il s'obstine sur cet article 2 de la loi Travail: " sur l’article 2 les principes et la philosophie seront maintenus." Il tance les grévistes en usant d'une citation tronquée de Maurice Thorez: "il faut savoir arrêter une grève". Le leader de la CGT lui rappelle la formulation complète: " Il faut savoir arrêter une grève dès que la satisfaction a été obtenue."
Ces critiques sont absurdes: c'est le propre du combat politique et syndical que de saisir les moments les plus favorables au rapport de force. Quelques médias libéraux et une fraction politique hors sol nous propagent une vision "bisounours" de la vie sociale .
Point Culture
Jeudi, quelques heures avant un spectacle quadrillé par la sécurité au pied de la Tour Eiffel, Nicolas Sarkozy organise une journée thématique comme il les affectionne. Le sujet est la culture. Le plus amusant de cette énième intervention au micro devant un public conquis de l'ancien monarque est l'aggravation physique stupéfiante de ... ses tics. Impossible d'enchaîner plus d'une phrase sans un haussement d'épaules. Il enchaîne également les banalités : "Y a jamais eu autant de chaînes, y a jamais autant de choix". Ou encore: "Quelle est l'espèce du vivant qui a ce rapport à la culture ?"
"Nous ne voulons pas d'un monde aplati". Nicolas Sarkozy, 9 juin.
Comme la veille près de Lille, Sarko est en spectacle, un show presque comique s'il ne s'agissait d'un candidat non-déclaré à la revanche l'an prochain. Il construit son attaque contre la dématérialisation des supports - vive le livre, le cd, la cassette (?). Nicolas Sarkozy est dans son époque, celle d'il y a longtemps. Rarement, sans doute jamais depuis des lustres, Nicolas Sarkozy n'était-il apparu aussi ringard, hors sol et du temps.
Nicolas Sarkozy ne cite pas la Princesse de Clèves, qu'il décriait tant quand il était président.
En fin de semaine, Jean-Louis Debré, ancien président du conseil constitutionnel, lâche: "Nicolas Sarkozy nous joue l'éternel revenant qui s'accroche. Il devrait prendre acte que pour lui, aujourd'hui, c'est fini."
Cette formule s'applique à d'autres.
Ami sarkozyste, prépare-toi.


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