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Comment on se sert de l’Éducation nationale pour la présidentielle 2017

Publié le 14 juin 2016 par H16

Décidément, l’Éducation nationale et sa ministre, Najat Vallaud-Belkacem, n’aiment guère les écoles hors contrat et les parents qui, un peu trop soucieux de la qualité des enseignements dispensés à leurs enfants, refusent de les livrer au système étatique actuel. Mais derrière les petits coups de canifs que la ministre inflige aux idées de liberté scolaire se cache en réalité un plus noir dessein.

Même si, on le comprendra, cela relève d’une prouesse intellectuelle notoire, admettons la bonne foi de la ministre et concédons ici que son ministère essaye ainsi de reprendre la main devant le développement des écoles hors contrat et l’augmentation sensible du nombre d’enfants scolarisés à la maison. Dans ce cadre, l’Éducation nationale réagit comme tout producteur d’un service en essayant de conserver une part de marché. Bien sûr, la comparaison avec n’importe quel autre producteur privé s’arrête là puisque ce ministère dispose tout de même de la puissance de l’État, et peut faire usage de la coercition lorsque cela lui chante.

D’ailleurs, cela lui chante d’autant plus que l’effort pour endiguer la fuite de petites têtes blondes et autres ne s’inscrit pas du tout dans une recherche des motivations qui poussent les parents à se séparer définitivement de ces enseignements pourtant « gratuits » (puisque payés par tout le monde) et à placer leurs enfants dans de parfois coûteuses structures privées. Autrement dit, l’EdNat fait actuellement tout pour bien signifier que s’échapper des enseignements fournis n’est absolument pas compatible avec le vivre-ensemble, voire anti-républicain et même franchement louche, et qu’il en coûtera donc de nombreux contrôles et autres vexations administratives pour ceux qui s’y risqueraient (dans le respect du choix des parents et de la liberté d’enseignement, cela va de soi, bisous bisous).

Parallèlement, l’EdNat ne fera absolument rien pour se remettre en cause, analyser les symptômes et combattre la maladie. En somme, il n’est pas question de remédier aux raisons qui poussent les parents à fuir le système étatique. Pour le ministère, peu importe que chaque année passée offre de nouvelles occasions de pousser le curseur des enseignements toujours plus loin dans le gloubiboulga, la facilité, l’édulcoration des programmes, l’éparpillement des savoirs sur une myriades de sujets de plus en plus futiles. Peu importe que le niveau des élèves de quatrième corresponde à peine au niveau des élèves de sixième d’il y a 15 ans. Peu importe que l’orthographe, la grammaire, les mathématiques de base, l’histoire et la géographie fondamentales ou ce qui rentrait jadis dans la culture générale de l’homme moyen ne soit même plus à portée des élèves de troisième, dont la majorité est dépassée par des problèmes de règle de trois ou l’usage vaguement correct du conditionnel dans une phrase un peu plus complexe que le triplet navrant Sujet + Verbe + Complément. Peu importe d’ailleurs que cela s’en ressent dans la prose de plus en plus hésitante des jeunes professeurs qui arrivent dans le système.

Ce qui importe au ministère de l’Édulcoration Nationale, c’est que pas un élève n’échappe à sa production de savoirs calibrés. Il faut donc tout faire pour que les bonnes valeurs républicaines (liste à établir, concept à définir, chantier en cours, circulez) soient inculquées, de force s’il le faut, au plus grand nombre, dès tout petit.

Et ça tombe bien, parce qu’en plus, ce but officieux mais évident provoque un effet de bord très désirable pour cette partie du gouvernement qui pense à 2017 : plus on cherche à contrôler, réguler, inspecter et sanctionner l’éducation à domicile et les écoles hors contrat, plus cela excite toute une frange de la population qui y a recours et qui est de toute façon un électorat définitivement perdu pour Hollande et ses sbires.

Mieux encore, cet effet de bord permet une récupération assez systématique par une partie de la droite et le Front National, ce qui permet d’accroître encore le bénéfice retiré de l’opération, en clivant de façon claire le peuple français entre ceux qui, d’un côté, veulent se tenir en dehors de la République (une et indivisible, qu’on vous serine) et les autres, membres joyeux du Vivrensemble officiel qui abondent dans l’anti-communautarisme, la lutte contre la méchante religion qui s’insinue partout, et pour qui l’EdNat forme avant tout du bon citoyen bien dodu et non de l’individu intellectuellement indépendant (pouah, pouah, berk, berk).

En somme, en cognant sur les écoles hors contrat et sur la tendance au homeschooling, on déclenche une réaction du Front National et on pousse autant de monde dans ses bras plutôt que dans une droite traditionnelle encore une fois complètement à la ramasse sur ces questions.

C’est tellement vrai, tellement simple et tellement évident que la petite Najat ne s’en tient même pas là.

najat vallaud belkacem scrogneugneu
Au-delà de son discours lénifiant (léninifiant ?) concernant les décrocheurs, la proposition de leur distribuer 1000€ s’ils reviennent dans le giron républicain n’est absolument pas étrangère à cette démarche d’ensemble. Coté pile, la République s’occupe de ses laissés pour compte et leur file des cacahuètes pour refaire partie du groupe et recevoir le bon enseignement citoyen & festif qui ne permet pas de décrocher un travail mais, en tout cas, permet de voter comme il faut pour plus d’État quand on le lui demande. Côté face, on va encore exciter un peu la populace, à peu de frais : c’est un projet qui, tant qu’il n’est que projet, ne coûte rien, et qui a peu de chance de voir effectivement le jour. Et cette excitation va directement bénéficier au Front National au détriment d’une droite invertébrée, rampant mollement dans son silence mortifié et son fromage blanc idéologique gluant.

Et on observe exactement le même mécanisme lorsque la ministricule, frétillante d’aise à l’idée d’en remettre une couche, déclarait récemment au micro de Bourdin vouloir intégrer les « enseignements de langues et de cultures des communautés d’origine » au programme de CP dès l’année prochaine, ce que beaucoup ont interprété comme l’introduction de l’Arabe comme langue enseignée à ce niveau. Peu importe ce qui était envisagé réellement, les petits couinements explicatifs de Vallaud-Belkacem ont été rapidement couverts par les cris d’outrage de toute un frange de la population, Front National en tête, qui rappelle (sans qu’on puisse lui donner tort pour le coup) qu’avant ces langues exotiques, le français devrait probablement être un peu mieux enseigné. Et peu importe si, finalement, l’arabe est ou non proposé à l’étude en CP : le but de l’impétrante est rempli puisqu’on a très probablement réussi à jeter quelques nouveaux électeurs outrés dans les bras d’un FN bien seul à rappeler quelques évidences.

Et ça marche, très bien même : la stratégie, que j’expliquais récemment, qui consiste à tout faire pour avoir un second tour Hollande-Marine Le Pen, se nourrit précisément de ce genre de petits actes fielleux d’une ministre dogmatique et probablement encore toute étonnée d’être parvenue si vite à un tel poste alors qu’elle n’en a visiblement pas les capacités : en faisant ainsi, elle sert d’ustensile pratique pour son maître qui prouve encore à quel point il est prêt à toutes les bassesses et toutes les ignominies pour simplement conserver le pouvoir.

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