Rendez-vous en Gier inconnu (1) : Guy Bonnand

Par Eric Bernardin

Lorsque j'ai demandé à Guy Dumas s'il pouvait me faire découvrir de nouveaux producteurs dans le secteur du Forez, il m'a proposé que nous visitions les Coteaux du Gier. Le Gierss ? Non, le Gié. Cette  zone viticole non reconnue par les instances officielle est située en Saint-Etienne et Lyon, à cheval entre la Loire et le Rhône. Pour l'instant, leurs vins sont vendus en IGP Collines Rhodaniennes. C'est mieux que rien, mais cela ne met pas en avant leur spécificité.

Nous allons d'abord chez Guy Bonnand, l'un des chefs de file de la renaissance de ce vignoble. Il a succédé à son père en 1991. A l'époque, comme cela était à Jurançon ou en Auvergne, l'exploitation était en polyculture. Guy a préféré mettre toute son énérgie sur la vigne, ce qui était audacieux à l'époque.

Je ne peux détacher mes yeux des pierres qui constituent la maison..."Vous êtes sur schistes" ? Demandai-je à Guy. Tout à fait, me répond-il. Tel un réflexe pavlovien, mes papilles se mettent en éveil. On devrait se régaler...

Nous sommes ici sur une parcelle de Syrah. Effectivement, il y a du (Mica)schiste, et pas qu'un peu...

Nous allons ensuite voire la plus grande parcelle du domaine, après avoir longé  un champ de blé cultivé en bio où l'on trouve encore - miracle ! - des bleuets et des coquelicots.

Exposition plein sud. Et du schiste. De l'autre côté du Pilat, Condrieu.

C'est beau, non ?

Guy a planté ici en plus de la traditionnelle Roussanne les deux cépages locaux qui avaient quasiment disparu : le Chouchillon (blanc) et le Mornin (noir). Pour l'instant, ils sont encore trop jeune pour produire. Il faut encore patienter un peu. Après, même si le Chouchillon s'avère très bon, je me demande si son nom ne va pas l'handicaper pour sa commercialisation...

Le domaine  a démarré officiellement sa conversion en bio en 2012 (complété par de la biodynamie). Ses bouteilles pourront donc affficher le fameux logo à partir du millésime 2015.

C'est beau, les champs à l'ancienne !...

Bon, ça donne soif, tout ça : allons déguster !

Viognier Côté Gier  2014 : nez délicat, floral, pas trop exubérant. Bouche fraîche, ciselée, élégante, avec un côté "caillouteux" en arrière-plan. Finale un peu trop chaleureuse (mais bon, en mangeant, ça doit aller).

Viognier Eloquence 2015 : nez plus puissant, plus minéral que fruité. Bouche tendue, longiligne, avec une matière dense et séveuse. La finale est riche, d'une grande intensité aromatique, sans tomber dans le lourd (enfin, ça dépend des sensibilités).

Quintessence d'octobre 2015 : nez confit, riche, mais frais. Bouche ronde, foisonnante, à la matière oncteuse équilibrée par une fine acidité. Très belle vendange tardive qui n'a pas grand chose à ses voisines de Condrieu.

Quintessence d'octobre 2014 : nez grillé,limite torréfié. En bouche l'acidité est intense et saillante, limite mosellane, donnant la droiture et la tonicité au vin.  L'aromatique reste sur la même thématique :  on dirait presque une liqueur de café, si ce n'est que l'on sent très peu le sucre. Interessant à utiliser en cuisine, pour déglacer ou accompagner du foie gras.

Les rouges

Tendance Gamay 2013 : nez poivré/fumé, cerise, prune. Bouche ronde, charnue, avec des tannins qui demandent  se fondre encore. Finale épicée, fumée, intense.

Syrah Elegance 2014 : nez réduit, avec des épices qui ressortent. Bouche ample, veloutée, avec une belle tension et une matière gourmande. Belle finale fumée et poivrée, sans dureté aucune.

Gamay  Fût de chêne 2014 : nez intense, fruitée, avec des notes de rose et de rafle. Bouche élancée, soyeuse, avec une grande tension. L'ensemble est  vraiment classe, et ce sans ostentation. J'aime beaucoup !

Syrah Fût de chêne 2014 : nez fin, épicé, avec de la violette et du poivre blanc. La bouche est proche du vin précédent, mais en plus douce et plus aérienne encore. Finale finement lardée avec une retour sur le poivre et la violette. Superbe !

Syrah fût de chêne 2013 : nez plus discret sur les fruits noirs confits. Bouche plus fine, mais moins harmonieuse que le vin précédent.

Comme Guy est vigneron sympa et solidaire, il nous fait déguster trois bouteilles d'un confrère qui ne pouvait être là : Christophe Angénieux.

Incipit Chardonnay 2014 : nez bourguignon (beurre, citron, fumée). Bouche ronde, fraîche, digeste, d'une grande pureté. Finale aromatique et persistante (sur le beurre fumé).

Incipit Gamay 2014 : nez très expressif sur les fruits rouges, la fumée, le poivre, un peu de floral. Bouche ample, tendue, avec une matière soyeuse et mûre. L'ensemble est harmonieux et plein d'énergie. J'adore !

Chambourcin Hic et nunc 2015 : nez animal/fumé. Bouche pas en place. Difficile de commenter.

Comme nous n'avions pas eu l'impression de tout s'être dit, nous sommes partis ensuite déjeuner dans un chouette petit restaurant situé à quelques kilomètres. Mais ça fera l'objet d'un autre billet...