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Elle dit... - Bertrand Betsch

Par Ephemerveille

Auteur, compositeur et interprète, Bertrand Betsch a composé quatre albums dont le dernier s'intitule La Chaleur humaine. Il vient de sortir un roman, Elle dit..., édité par les prometteuses éditions [MiC_MaC].

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Elle dit... Ce roman atypique est l'évocation des nombreuses paroles d'une femme, le recueil de ses sentences, de son pessimisme, de sa vision personnelle d'un monde plongé dans un déclin auquel elle assiste en livrant son regard torturé, mêlé de désillusion et de dégoût.

"Elle", stoïque, désabusée, est lassée de son existence. Pire : elle est harassée, exténuée par les assauts malsains de la vie au cours de laquelle, elle dut subir agressions et perversions, pour finalement se retrouvée assiégée. Le sommeil est sa seule échappatoire, sa solution pour se réfugier hors de l'âpreté de ce monde dont elle a pris peur. Et cette aversion pour l'humanité tout entière se manifeste par un total renfermement, physique et mental. "Elle" reste cloîtrée dans son appartement, mais également une ardente voracité, qui la fait dévorer des quantités astronomiques de nourriture, comme si elle désirait atteindre en elle un trop-plein de cette vie qu'elle abhorre.

Au cours de son long discours, "Elle" confirme son amertume existentielle en se baladant dans les cimetières, mue par une étrange nécessité de flirter avec une ambiance mortifère. Autrefois infirmière, elle aimait être au chevet des mourants et s'empressait de border ceux qui vivaient leurs derniers instants, comme pour absorber ce souffle mortuaire, pour s'imprégner de ce dont elle rêve ; un rapide trépas qui serait la véritable délivrance. Pourtant, pas de pulsions suicidaires chez cette singulière femme. Juste l'envie de voir la mort de très près, faisant preuve d'une terrible cruauté à l'égard des patients, allant même jusqu'à négliger leur traitement pour accélérer leur décès.

Mais pourtant, malgré cette constante fuite, "Elle" aurait voulu s'intégrer à cette société qu'elle redoute maintenant. Porter un enfant, fonder une famille avec un homme, ces rêves communs à toutes les femmes et qu'elle faisait encore avant de sombrer aux limites de la folie, victime de l'indifférence des autres, de la négligence des hommes, excédée par des relations dont ne résultait que le mépris.

"Je fais malheureusement partie de cette sorte d'individus chez qui la douleur est présente à chaque instant de leur vie. J'en viens même à croire qu'elle est la condition de mon existence. L'absence de douleur, correspondant au silence du corps et de l'esprit, est chez moi synonyme de mort, d'anéantissement."

D'une cassante lucidité, l'héroïne de Bertrand Betsch, qui lui déploie dans ce premier roman un style puissant, violent, et empreint d'un remarquable lyrisme pour exprimer les amers ressentiments de son personnage, son impression de n'être faite que de néant, elle qui avoue avoir l'impression que son passage sur terre n'est que vain. "Dès le début, dès l'origine, à l'état embryonnaire déjà j'étais l'incarnation du vide, de la non-volonté. Je ne voulais rien et on ne m'a rien donné."


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