Une interview de Serge Federbusch dans FigaroVox !
FIGAROVOX. - L'interview aux Echos ce jeudi de François Hollande (à 12% de popularité, selon le dernier sondage TNS-Sofres pour Le Figaro Magazine) marque-t-elle son entrée dans la campagne présidentielle de 2017?
Serge FEDERBUSCH. - François Hollande n'a jamais cessé d'être en campagne depuis son élection et il l'est particulièrement depuis le début de 2016 en alignant des mesures et des annonces dont le coût total pour les finances publiques dépasse déjà 6 milliards d'euros. Sa technique est simple et évidemment destinée à duper l'opinion. Prenons par exemple le chômage. Il change constamment d'année de référence pour établir la fameuse inversion de la courbe. Pour qu'elle soit vraiment inversée, il faudrait qu'il y ait moins de chômeurs à la fin de son mandat qu'en début. Sinon un simple recul dans le dernier mois de sa présence à l'Elysée suffirait à dire que son pari est atteint. De plus, il se garde bien de signaler que les 500 000 emplois aidés supplémentaires dont il se vante ont pour effet de créer des recrutements largement artificiels qui viennent réduire en apparence le nombre des chômeurs.
Sur un sujet voisin, si vous prenez les chiffres du déficit ou de la dette, la Cour des Comptes vient de tailler en pièces les artifices de présentation gouvernementaux. Mais François Hollande fait mine de ne pas s'en apercevoir. C'est bien en réalité ce qui révulse les Français et qui explique son record historique d'impopularité: son apparente indifférence à ses échecs et au sentiment de ras-le-bol qu'ils entraînent. Les Français lui en veulent non seulement de ne pas avoir de résultats mais surtout de les prendre doublement pour des imbéciles en faisant semblant de penser qu'ils ne s'en rendent pas compte.
FigaroVox : Est-ce une opération-reconquête de son électorat ou une opération-suicide de la gauche?
SF : Je crois qu'il ne se fait plus aucune illusion sur ses chances de reconquérir son électorat. Certes, il a épuisé Valls et Macron est un leurre. Il croise les doigts pour être face à Marine Le Pen au deuxième tour en espérant rejouer le coup de la lutte contre la bête immonde comme Chirac en 2002. Pour cela, il faut que Mélenchon ou Montebourg ne lui taillent pas trop de croupières, que Bayrou monte mais pas trop et que Les Républicains explosent au moment des primaires. Cela fait beaucoup de conditions à réunir même si cette hypothèse n'est pas totalement à exclure.
Cela étant, une réélection de Hollande face à un candidat frontiste serait beaucoup plus serrée qu'en 2002 et tellement saumâtre qu'elle ne garantirait en rien une majorité socialiste au Parlement dans les législatives qui suivront. Tout cela, l'électorat le sent intuitivement ce qui nourrit la suspicion vis-à-vis du président-candidat.
FigaroVox : Le président de la République fustige le manque d'«originalité» des projets des candidats de la droite. Hormis «sur l'Europe et sur l'identité nationale», il estime qu'il n'y a «aucune» distinction entre des projets «éminemment dangereux pour notre modèle social». Ces critiques peuvent-elles trouver du crédit à gauche, et rassembler?
SF : François Hollande va s'ériger en protecteur ultime du fameux «modèle social français» totalement à bout de souffle et qui se traduit par une paupérisation lente. C'est surtout un discours subliminal à destination des fonctionnaires et professions protégées ou populations aidées dont il pense qu'elles forment le socle ultime de son électorat. Mais il sera en porte-à-faux face à Mélenchon qui pourra facilement l'accuser d'avoir tenté de brader ce soi-disant modèle à la faveur des lois Macron ou El Khomri. C'est pourquoi d'ailleurs, malgré les rodomontades présidentielles, il ne restera rien de la réforme du code du travail si ce n'est des dispositions encore plus défavorables au chef d'entreprise.
FigaroVox : Sur le plan international, quel impact le Brexit peut-il avoir pour la stature d'homme d'Etat de François Hollande?
SF : Comme pour les attentats de janvier et novembre 2015, alors qu'il s'agit clairement d'un constat d'échec pour les politiques qu'il incarne (immigration mal contrôlée dans un cas, Europe bureaucratique dans l'autre), François Hollande va tenter de retourner le Brexit à son avantage pour trouver je ne sais quelle stature d'homme d'Etat. Mais là aussi la naïveté de l'électorat a des limites: il est clair que le vote britannique est un désaveu pour l'Europe de Berlin, Bruxelles et Francfort à laquelle Hollande adhère car elle lui permet de continuer à financer son budget avec de la dette émise à vil prix. De plus, les négociations pour la sortie de la Grande-Bretagne vont être un jeu de dupes et un théâtre d'ombres abominable qui finira par corrompre l'image de tous ceux qui y participeront. C'est sans doute pour cela que Boris Johnson passe son tour pour l'instant.
FigaroVox : Nicolas Sarkozy a répliqué sur RTL aux reproches de François Hollande en dénonçant son «matraquage fiscal». Pour Nicolas Sarkozy, le meilleur adversaire, c'est François Hollande?
SF : C'est un match retour qui serait sans doute facilement gagné par Sarkozy. Mais je crois que les Français ne veulent pas le voir se jouer et aspirent à du neuf. Il va y avoir encore de multiples rebondissements d'ici mai 2017!