On ne peut pas devenir interprète en langue des signes sans être persuadé que les Sourds sont des citoyens à part entière et autonomes ce que la société française en général et nos hommes politiques en particulier ont tendance à oublier.
Dans les années 80/90, à l’issue du mouvement des années 70 qu’on a appelé le Réveil Sourd, les interprètes F-LSF étaient très liés à la communauté sourde. Il s’agissait pour cette jeune profession de s’affirmer via un combat, un militantisme commun autour justement de cette reconnaissance de l’individu sourd en tant que citoyen autonome ; ils étaient avec les sourds pour traduire mais aussi pour soutenir leurs revendications autour de la reconnaissance de l’identité sourde, de la culture sourde, de leur langue, la LSF et bien sur de leurs besoins en interprétation.
Cela a d’ailleurs donné lieu à plusieurs recherches universitaires autour de ce thème : « Interpréter en langue des signes est-ce un acte militant ? » (Christine Quipourt et Patrick Gache ou Maud Thibault).
Aujourd’hui la professionnalisation de notre métier a sans doute entrainé un éloignement entre cette communauté et les interprètes, au profit d’une plus grande neutralité. On peut certes le regretter mais cela a aussi permis d’avoir une image plus légitime et crédible auprès des entendants et éviter l’amalgame interprète = communauté sourde.
En outre, nous restons, bien sur (et j’espère fièrement), des ambassadeurs de la langue des signes et de la culture sourde auprès de la société entendante.
Par ailleurs, ce gout commun pour le militantisme n’a pas entièrement disparu. Il a évolué vers de nouvelles revendications, également partagées, comme l’accessibilité pour tous, l’égalité des droits au sein de la société, le refus des discriminations, la protection de l’environnement…
Ce n’est donc pas un hasard si cette année encore, en ces jolis mois de juin et de juillet, les marches des fiertés (gay pride pour les plus anciens) sont l’occasion de voir un peu partout en France, des interprètes F-LSF traduirent les discours en tête des cortèges : à Paris, bien sur et dans les grandes villes françaises comme Nantes, Montpellier, Lille, Lyon…
Par leur présence, les interprètes permettent aux sourds d’accéder aux débats, au discours, mais aussi de revendiquer, de manifester d’être vus et entendus par la société civile. C’est ainsi que nos deux communautés se rapprochent à nouveau auprès de valeurs communes.
Car interpréter c’est aussi s’engager à agir pour et avec les autres.
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