Marche des Fiertés LGBTI de Paris :
Monsieur le Président, encore un an !
Par Jean-Luc Romero-Michel
La Marche des Fiertés LGBTI de Paris est une marche militante et politique. Nul ne peut le nier et le fait que l’Inter-LGBT ait décidé cette année que le carré de tête soit constitué uniquement de militants défendant les droits des personnes trans est un signe fort de cette volonté de faire de cette immense manifestation un porte-voix central des revendications LGBT. Et elle l’est.
Thème de cette année : « Les droits des personnes trans sont une urgence. Stérilisations forcées, Agressions, Précarité : Stop ! ». Ce focus est on ne peut plus légitime tant les personnes trans sont une population oubliée, mise à l’écart par nos politiques publiques. Pourtant l’urgence est là : selon une enquête de l’IDAHO, ce sont plus de 85% des trans qui déclarent avoir déjà subi un acte transphobe ! Et je n’ai vraiment pas l’impression que les parlementaires aient pris pleinement conscience de la vie d’une personne transsexuelle en France et des difficultés qui leur sont imposées. Alors espérons que, si les associations n’ont que peu été écoutées sur le sujet, Jacques Toubon le sera. Très récemment en effet, le Défenseur des droits faisait part de ses recommandations quant à la procédure de changement d'état civil pour les personnes trans. Il juge cette procédure «incertaine, longue et inégalitaire» et affirme également qu'elle porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes. Ce faisant, il « recommande une procédure déclarative pour la modification de l’état civil des personnes transgenres ». Un avis qui ne pourrait constituer qu’une saine lecture pour les parlementaires…
Je veux aussi élargir mon propos, dépassant ainsi la thématique prioritaire de la Marche des Fiertés, en évoquant le domaine de l’éducation, axe prioritaire d’action pour lutter efficacement contre l’homophobie et la transphobie. « Refondation de l’École », « ABCD de l’égalité », « Grande mobilisation pour les valeurs de la République » … depuis quelques années, on ne compte plus ces grands projets qui visent à construire une école plus juste et plus égalitaire. Une école qui porterait haut et fort les valeurs de respect et de compréhension des différences. Et c’est assurément une priorité : en juin 2013, Michel Teychenné, auteur du rapport sur les LGBTphobes à l’école, estimait à plus de 700.000 le nombre de jeunes susceptibles d’être confrontés au cours de leur scolarité à l’homophobie. 700.000 ! Certes, si nous ne pouvons que nous féliciter que les programmes du nouvel enseignement moral et civique intègre expressément la lutte contre l’homophobie dans les programmes scolaires de l’école élémentaire et du collège, les défis demeurent immenses. En cela travailler sur les LGBTphobies à l’école m’apparaît essentiel et c’est sûrement la voie la plus efficace pour permettre une évolution en profondeur des mentalités. Assurément, le rapport de Michel Teychenné pourrait constituer une seconde saine lecture pour les parlementaires…
Après ces conseils de lecture en direction des parlementaires, je vais me permettre de parler au président de la République. Dans la vie, il me semble qu’il faut savoir tenir ses promesses. Alors bien sûr, si les promesses n’engagent que celles et ceux qui y ont cru, il est de la responsabilité de nos élus de respecter notre système démocratique en les tenant. Sinon, c’est tout l’édifice démocratique qui tremble et s’effondre. Le Président a tenu l’engagement d’autoriser le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. Je lui en suis très reconnaissant ! Mais quand le candidat Hollande se dit aussi favorable à la PMA pour les couples de lesbiennes et bien cela mérite concrétisation quand il est élu. Sinon cela s’appelle un déni de démocratie. Un mensonge en somme…
Tout comme les députés, le président de la République a encore un an pour agir. Espérons qu’il utilise les mois qui lui restent avant la fin de son mandat pour que l’Egalité réelle, qu’il promeut en ayant créé un ministère idoine, devienne une réalité avant la fin de son quinquennat pour les LGBTI. Encore un an !
Je ne peux terminer cette tribune sans rendre un hommage appuyé aux victimes de la tuerie d’Orlando, à celles et ceux qui, aujourd’hui, les pleurent. Certes, il y a eu d’autres attentats dans le monde depuis – je pense notamment à la Turquie et aux pays qui n’intéressent que peu les médias. Mais ce massacre, visant une communauté minoritaire dans un pays dans lequel les libertés individuelles sont fréquemment remises en cause par des groupuscules extrémistes, m’a touché particulièrement. Egoïstement, sans doute aussi, peut-être. C’est ainsi…