Titre : 13m28
Auteurs : collectif (dirigé par Raphaël B.)
Editeur : Manolosanctis
Année : 2010
Pages : 192
Tout commence par une soirée de retrouvailles dans le Paris fantasmé des bandes dessinées, des amis, de l’alcool, des rancœurs, des amours contrariés et tout à coup une chute du 4e étage, qui au lieu de se solder d’un drame finit… à l’eau. Quelques caractères posés mais aux contours laissés flous et le fil d’une intrigue mi parisienne mi universelle de catastrophisme : Paris sous 13m28 d’eau. Une eau apparue d’on ne sait où mais peuplée de mystères et surtout, de monstres. Voilà la base offerte sur laquelle a travaillé la communauté de feu Manolosanctis, maison d’éditions qui a depuis mis la clé sous la porte mais qui portait le projet un peu fou de révolutionner le mode de « recrutement » des auteurs BD, en les faisant, par exemple, connaître via ces ouvrages collectifs dont elle avait le secret. Après sélection, c’est un ensemble cohérent de mini BD qui s’entrelacent dans un album original et envoûtant.
Expérimental. Voilà comment caractériser de prime abord cet album qui tranche et qui perturbe et qui sans doute parce que fruit de cette liberté, un brin punk et un poil bobo, ne satisfait pas totalement. Le concept est brillant et le résultat l’est presque autant. Mais le potentiel ne semble pas totalement exploité et parmi ces mini récits, si tous sont soignés et agréables, intéressants et fascinants, il manque le grain de folie qui aurait propulsé l’album plus en dehors encore du mainstream. Graphiquement, l’ensemble est inégal, mais semble tout de même lié d’un fil conducteur : le style très actuel de ces nouveaux venus de la BD, qui hiérarchisent la peinture numérique au-dessus du traditionnel, tout en conservant les techniques d’antan comme trame. Certaines pages sont l’occasion de prouesses graphiques, à base de jeux de perspective maîtrisés avec impeccabilité, d’autres le lieu d’élucubrations existentielles, qui reflètent encore plutôt bien la teneur de la BD de ces 10 dernières années, celle des blogs BD et des palettes graphiques, qui fait plus de place à la liberté, dans le dessin et dans les pitchs. S’il est entendu que l’ensemble aurait mérité un chouia plus de folie et d’audace et aurait gagné à aller plus dans l’hétéroclite, il est néanmoins clair que l’ouvrage est incontestablement innovant. Surtout, si le format des mini récits se prête peu aux interrogations de fond poussées à leur tréfonds, l’album est l’occasion de lancer en rafale les questionnements sur la vie, la nature humaine (de son grandiose à son affreux) et plus encore, la société. Comme des gazouillis en 140 caractères, la BD nous laisse trouver les réponses, se contentant de lancer, non sans éloquence et sans brio, les questions. Un petit ouvrage, quasi militant dans un monde de la BD libre mais pas si tolérant, à se procurer d’urgence et à savourer comme le vestige d’une aventure houleuse à l’épreuve des vagues, qui aurait finalement terminé en naufrage, non sans passer par toutes les facettes de la palette des réussites.
Soakette
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