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Banlieues. Impressions fugaces...

Publié le 18 juin 2008 par Collectifnrv

Au hasard de mes pérégrinations sur les marchés populaires du 9-5 (Val d’Oise) et du 9-3 (Seine Saint Denis), endroits, où quand vous citez Hegel on vous demande s’il s’agit du nom de votre pitbull, vous prononcez le patronyme d’Engels, on vous interroge poliment pour savoir s’il est toujours ailier dans l’équipe de football d’Allemagne, vous parlez de Nietzsche, on répond « à tes souhaits ! », et vous vous  réfèrez à Marx, on vous rétorque qu’on préfère les « Bounty », bref un lieu ancré dans la réalité brute et brutale, où, seule compte le fait de gagner sa vie au jour le jour…
150118093.jpgCet environnement ou toutes les cultures se croisent, échangent, luttent, commercent, rient, se mélangent et se disputent, est le creuset de la réalité de demain quoiqu‘en pensent tous les tenants d’une certaine France éternelle qui n’existe que dans leur imagination, des comportements sociaux apparaissent, insignifiants au départ, mais édifiants pour un observateur curieux et dépourvu d’idéologie et préjugés.
Et puis, il est temps de tordre le cou à certaines affirmations médiatiques misérabilistes qui n’ont que peu à voir avec la réalité. Ainsi par exemple, à la fin de chaque marché, des légumes abîmés sont jetés dans les poubelles, des aliments avariés sont laissés sur place ; depuis que j’exerce ce métier, des tas de gens viennent les ramasser, c'est évidemment un spectacle affligeant pour notre société mais il est tout de même intéressant de noter qu’il n’y en a pas davantage aujourd’hui, qu’auparavant… À en croire divers reportages à la télévision en recherche de scoops foireux, des hordes d’affamés se battraient presque pour glaner un fruit gâté par ci, un légume pourri par là ! Il n’en est rien et pourtant je tourne quotidiennement dans des banlieues les plus déshéritées…
Lorsque vous vous promenez dans les marchés populaires de la banlieue Est de Paris, où une forte proportion de musulmans font leurs courses, vous êtes frappés par la variété des tenues vestimentaires, voiles, légères coiffes, quelques abayas noires , de rares burkhas, mais surtout une très grande majorité de tenues ordinaires, parfois légères portées surtout par des jeunes femmes… Je m’amuse parfois à observer des groupes de deux ou trois jeunes filles vêtues qui avec un voile, qui avec une tenue plus stricte, qui avec les cheveux dégagés et un jean taille basse, preuve, s'il en était, de tolérance et d'ouverture d'esprit entre toutes les conceptions  de la religion et de la vie civile… Le voile étant surtout porté, et ce de plus en plus, par les femmes au foyer, mariées d'un certain âge : de ce côté on ressent une pression religieuse plus accentuée qu'auparavant, en même temps qu'une sorte de réflexe conformiste communautaire. 

J'ai d'ailleurs remarqué que les femmes qui travaillaient avaient tendance à nettement moins porter le foulard. On observe que depuis 2 ou 3 ans, les comportements , les moeurs  semblent se libéraliser rapidement, le poids des traditions s'alléger, essentiellement sous l’impulsion des plus jeunes, me semble t-il.
Dernièrement, j’ai appris par la presse que des émeutes ensanglantaient plusieurs villes importantes des pays du Maghreb, et curieux de n’entendre personne en parler, j’ai interrogé une dizaines de copains entre trente et quarante ans, originaires d'Algérie ou de Tunisie, qui m’ont déclaré ne pas se sentir concernés outre mesure : j’ai compris à ce moment là, combien ils se sentaient français et n'éprouvaient qu'un intérêt lointain pour leurs racines, contrairement à beaucoup d'âneries qu’on peut lire et entendre ça et là ! À noter également l'absence presque totale de conviction et d'intérêt dans les luttes sociales et syndicales. Les Français d'en bas et d'en dessous, visiblement ne se sentent pas très concernées par tous ces combats qu'ils jugent, avec fatalité, souvent perdus d'avance et peu mobilisateurs. En fait, ce qui saute aux yeux, c'est l'absence de politisation de l'immense majorité des habitants des cités banlieusardes qui considère que tous les Partis de l'échiquier politique, surtout à gauche, les ont trahi sans vergogne...

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Depuis quelques mois, on assiste à la venue assez massive d’Européens de l’Est qui se construisent des petites cabanes conçues à partir de bric et de broc, placées entre deux bretelles d’autoroutes, au milieu d’un taillis, ou sur un tout petit terrain rempli de gravats, des sortes de bidonvilles à échelles réduites souvent repérés et détruits par les autorités assez rapidement.
D'après ce que je vois tous les jours, la situation sécuritaire est un peu meilleure qu'avant les émeutes de novembre 2005 car la couverture policière y est infiniment plus dense tandis que le bilan économique, au sein des banlieues, commence à devenir assez catastrophique et angoissant. Les clients négociant les prix aux dizaines de centimes près !

En tout cas une chose est certaine, et là, il faudra que nos technocrates prennent garde : plus il y aura de lois et de règlements restrictifs et coercitifs concernant la vie de tous les jours, plus il sera difficile de joindre les deux bouts, plus la population sera obligée d'emprunter des chemins détournés pour s'en sortir. Il semble qu’on atteigne désormais une certaine saturation et les limites acceptables pour les classes les plus modestes et même celles situées un peu plus haut. La baisse du pouvoir d'achat atteint durement les classes sociales les plus pauvres et il est certain que ces gens, n'auront d'autres échappatoires, non point de se révolter car cela ne rapporte guère d'avantages et leur attire trop d'ennuis, mais de sombrer dans les magouilles, sans l'ombre d'un remord, en considérant que dans une société où les décideurs économiques, médiatiques et parfois politiques se gavent sans pudeur et sans retenue, le pauvre citoyen n'a pas à se priver de contourner la Loi pour seulement survivre. On sent d'ailleurs cet état d'esprit croître nettement dans l'opinion et on entrevoit le début d'une rupture de la cohésion sociale, un pourrissement de l'esprit civique dans les banlieues depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, une des rares sphères où il est unanimement et sévèrement rejeté.

Si Carla me lit, j'espère qu'elle lui en touchera deux mots car comme chacun sait, un homme qui possède 5 ou 6 cerveaux parfaitement irrigués n'est jamais pris au dépourvu. Reste à savoir si les terminaisons nerveuses entre ces cerveaux sont au point ? L'avenir nous le dira mais j'avoue éprouver un certain doute, sinon un doute certain...

Amis des banlieues, en ce jour de deuil national dû à l'élimination de l'équipe de France de football au championnat d'Europe, les sanglots dans la voix, les larmes dans les yeux, permettez de vous dire adieu !

 Cui cui, oiseau vagabond...

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