Le 28 mai 1871, Jean-Baptiste Clément se tient sur la barricade de la rue Fontenay-au-roi, la dernière barricade de la Commune de Paris. Il regarde une ambulancière soigner les blessés. Elle s’appelle Louise, c’est tout ce qu’on sait d’elle. Clément lui dédiera une chanson composée cinq ans plus tôt : « Mais il est bien court le temps des cerises / Où l’on s’en va cueillir en rêvant / Des pendants d’oreille, / Cerises d’amour aux robes pareilles, / Tombant sur la feuille en gouttes de sang ».
C’est ainsi que cette pastorale, mise en musique par Antoine Renard, est devenue l’hymne de la Commune, et le titre le plus sûr de Clément à la postérité. Cent cinquante ans plus tard, à chaque mois de mai, à chaque grève où ces quatre couplets parfaits se font entendre, la plaie du souvenir se rouvre, les gouttes tombent toujours rouges.
L’éclat de ce succès a éclipsé le reste de l’œuvre de Clément, à travers laquelle court cette mélancolie commune à d’autres révolutionnaires, cette perception aiguë de l’écoulement du temps, tour à tour regret (« Les Français d’autrefois / Pour défendre leurs droits, Faisaient des barricades / Mais ce bon temps a fui ») et promesse (« Les mauvais jours finiront / Et gare à la revanche / Quand tous les pauvres s’y mettront »).
« Ce n’est pas un hasard », note Roger Bordier dans la préface d’un recueil qui paraît — évidemment — aux éditions du Temps des Cerises, « si Jean-Baptiste Clément, engagé dans le combat politique en faveur des déshérités, l’est tout autant dans l’onirisme des évocations amoureuses. Ne s’agit-il pas, ici et là, d’amour ? »
Sébastien Banse
Jean-Baptiste Clément, Chansons du peuple Préfacé par Roger Bordier. Editions Le Temps des Cerises, 134 pages, 11 €