Alors que la barbarie frappe à nos huis, la mode apparaît comme un havre de frivolité qui apaise. Frivolité toute relative, tant cette industrie lourde touche notre ego, notre construction identitaire, notre besoin de démonstration sociale et titille parfois notre intégrité politique.
En 1944, le Museum of Modern Art de New York présentait une exposition inédite sur la mode baptisée " Are Clothes Modern ? ", une interrogation singulière alors que la seconde guerre mondiale faisait rage et que l'Europe était à feu et à sang.
En 2017, ce même MOMA va à nouveau poser la question : " Items : is Fashion Modern ? " dans un contexte qui n'est pas similaire, mais qui résonne étrangement à nos oreilles assourdies par les drames.
Cette nouvelle exposition visionnaire de ce grand musée des civilisations artistiques aborde la mode selon trois points de vue : l'archétype, le stéréotype et le prototype, un intéressant tricotage scientifique pour ne pas se contenter d'exposer des objets. Mais bien de les faire entrer dans un cadre établi autour de 99 pièces emblématiques de la vêture de nos contemporains : un T-shirt, des tongs, un jean, une petite robe noire... mais aussi une kippah et un keffieh ! Un inventaire restrictif qui témoigne d'une certaine idée de la modernité " fashion " encore en usage dans le quotidien de millions d'individus sur la planète, et plus encore de l'incarnation de plus en plus politique d'une mode " moderne " qui semble peinée à entrer dans le 21ème siècle, sinon sous la forme d'escalades stylistiques et de symboles revendicatifs.
Si de très rares créateurs et des couturiers réfléchissent à inventer l'esthétique vestimentaire et accessoire du futur, trop nombreux sont ceux qui se contentent encore de gesticulations parfois réjouissantes, parfois illusoires, parfois vaines. Alors que pendant les 19ème et 20ème siècles, le monde occidental a inventé, dessiné et produit le vestiaire " moderne " avec une standardisation désormais planétaire à de rares exceptions près, celui du 21ème siècle devrait conduire à un éclatement de la norme pour laisser place à des approches plus personnelles, plus tribales, plus politiques, plus nationalistes. Lorsque des marques et des enseignes occidentales proposent des collections de hidjabs et d'abayas pour les femmes musulmanes, les laïques brament au scandale, le microcosme de la mode se déchire. Pourtant, l'avenir n'est plus à une société unifiée par un marketing global, mais bien par un éclatement des styles qui implique une acceptation de l'autre dans ses différences et ses contradictions, même si elles dérangent. La mode souvent totalitaire doit apprendre à être tolérante...
Images : une paire de tongs, un keffieh, deux des 99 pièces emblématiques choisies par le MOMA.