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Politique d’utilisation de Pokémon GO : Des clauses interdites au Québec

Publié le 19 juillet 2016 par _nicolas @BranchezVous
Politique d’utilisation de Pokémon GO : Des clauses interdites au Québec Québec Exclusif

Les mesures employées par Niantic pour imposer l’arbitrage comme seule issue d’un litige avec ses utilisateurs est-elle valide au Québec?

Hier matin, Branchez-vous rapportait que les conditions de service du jeu Pokémon GO comportent une clause visant à empêcher toute poursuite judiciaire et tout recours collectif par les dresseurs de Pokémon.

Évidemment, la nouvelle n’en était pas vraiment pour ceux qui avaient pris le temps de bien lire la politique d’utilisation avant de partir à la poursuite des Pidgey / Roucool et Rattata qui infestent nos terrains (j’en ai 42 millions). Pour les autres, composés de 99,99% des habitants de la galaxie, sachez qu’en débutant votre quête pour devenir le meilleur dresseur et relever tous les défis, vous avez notamment accepté ceci :

AVIS D’ARBITRAGE : SAUF SI VOUS CHOISISSEZ DE NE PLUS BÉNÉFICIER DU SERVICE ET À L’EXCEPTION DE CERTAINS TYPES DE LITIGES DÉCRITS DANS LA SECTION «ACCORD D’ARBITRAGE» CI-DESSOUS, VOUS ACCEPTEZ QUE LES LITIGES ENTRE VOUS-MÊMES ET NIANTIC SOIENT RÉGLÉS PAR UNE DÉCISION D’ARBITRAGE INDIVIDUELLE ET CONTRAIGNANTE ET VOUS RENONCEZ À VOTRE DROIT DE PARTICIPER À UN PROCÈS DEVANT JURY OU EN TANT QUE DEMANDEUR OU PARTICIPANT À TOUTE PLAINTE COLLECTIVE OU PROCÉDURE REPRÉSENTATIVE.

En clair, la politique d’utilisation de Pokémon GO comporte une clause d’arbitrage, interdisant donc les recours devant les tribunaux, et une renonciation à tous recours collectifs contre Niantic, le développeur du jeu.

Les politiques d’utilisation comportent souvent des clauses visant à restreindre les droits des utilisateurs et même à limiter complètement la responsabilité d’une entreprise.

Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ces concepts, mentionnons simplement que l’arbitrage est une alternative aux procès traditionnels. Il a notamment pour objectif de réduire les frais impliqués par les parties.

Considérant que le métier de champion d’arène n’est pas encore très bien rémunéré, la majorité d’entre nous auront donc tendance à saluer la présence d’une telle clause dans la plupart des contrats.

En contrepartie, la renonciation à tous recours collectifs est plus problématique, puisque ce type de recours vise justement à permettre à un grand nombre d’individus de défendre leurs intérêts communs sans avoir à débourser pour des frais et honoraires judiciaires.

Malheureusement, les politiques d’utilisation comportent souvent des clauses de ce type, visant à restreindre les droits des utilisateurs et même à limiter complètement la responsabilité d’une entreprise. Puisque personne ne prend le temps de lire ces œuvres littéraires palpitantes, on a tendance à y inscrire tout ce qu’on veut.

Est-ce que ça fonctionne? Pas toujours!

Une clause digne de la Team Rocket

Comme je le mentionnais dans mon plus récent article, les politiques d’utilisation ne sont valides que si l’utilisateur a pu en prendre connaissance, s’il les a acceptés et s’il a obtenu une contrepartie en échange (ex : le droit d’utiliser l’application).

jugement

Ici, toutes ces conditions sont remplies puisque l’application demande bel et bien que l’utilisateur accepte la politique d’utilisation avant de partir à la chasse aux Pokémon. C’est ce qu’on appelle un clickwrap agreement; soit un contrat qui est accepté par l’action de cliquer sur un bouton.

En droit canadien, les conditions d’utilisation comme celles de Pokémon GO ont une force légale et le consentement de l’utilisateur devrait généralement être présumé valide à moins que celui-ci ait été vicié par l’ambigüité des termes utilisés. Ce ne semble toutefois pas être le cas en l’espèce.

Sauf que ce n’est pas parce qu’un contrat est formé qu’il est contraignant pour autant!

En effet, puisque Niantic est une société qui fournit un service à un consommateur dans le cadre d’une entreprise à but lucratif, le développeur du jeu doit être considéré comme un commerçant au sens de la Loi sur la protection du consommateur.

La politique d’utilisation de Pokémon GO est donc un contrat d’adhésion doublé d’un contrat de consommation. Or, la Loi sur la protection du consommateur stipule qu’un commerçant ne peut limiter sa responsabilité ou encore restreindre les droits du consommateur de poursuivre en justice :

Est interdite la stipulation ayant pour effet soit d’imposer au consommateur l’obligation de soumettre un litige éventuel à l’arbitrage, soit de restreindre son droit d’ester en justice, notamment en lui interdisant d’exercer une action collective, soit de le priver du droit d’être membre d’un groupe visé par une telle action.

Le consommateur peut, s’il survient un litige après la conclusion du contrat, convenir alors de soumettre ce litige à l’arbitrage.1

Ajoutons que le Code civil du Québec mentionne clairement que la clause abusive d’un contrat de consommation est nulle (ou réductible si possible).

Bref, cette fameuse clause est inapplicable aux dresseurs de Pokémon québécois. Vous pouvez donc continuer de braconner les monstres de poches sans craindre de perdre vos droits et recours en justice.

D’autres clauses interdites

Pendant qu’on y est, ajoutons que le droit québécois encadre strictement les commerçants dans leurs relations avec leurs clients. Puisque les consommateurs sont souvent vulnérables, plusieurs clauses sont interdites dans les contrats de consommation.

Par exemple, la Loi interdit notamment aux commerçants de limiter leur responsabilité et de modifier unilatéralement les contrats (sauf dans certains cas). Or, vous ne serez pas surpris d’apprendre que la plupart des politiques d’utilisation que l’on retrouve sur le Web comportent ce genre de clauses; y compris celle de Pokémon GO.

  1. Loi sur la protection du consommateur, art. 11.1

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