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"La course des suiveurs" encore en Berne

Publié le 19 juillet 2016 par Jean-Emmanuel Ducoin
Entre Moirans-en-Montagne et Berne, en Suisse, victoire au sprint du Slovaque Peter Sagan, sa troisième. À moins d’une semaine de la fin de l’épreuve, la lassitude s’est emparée de la caravane…

course suiveurs

L'une des salles de presse du Tour 2016.

«On s’ennuie grave.» Même les confrères les plus assidus couinent. «Dans une semaine, on sera passé à autre chose.» Attablé l’autre soir en compagnie de quelques amis arrachés de la salle de presse grâce à quelques salades maison divinement concoctées – avec vue imprenable sur le Grand Colombier –, le chronicœur se sentait de moins en moins seul à pester. «Si les Mollema et autres Quintana attendent Paris, autant les transférer direct en TGV, au moins on améliorera le bilan carbone.» La faute à une course «tactiquement et intellectuellement» cadenassée par Christopher Froome et ses Sky, tous si bien ordonnés dans leur tâche quotidienne qu’une vraie lassitude s’impose désormais. Après l’arrivée à Culoz, le Français Pierre Rolland analysait la situation au tournevis: «La course pour le maillot jaune est compliquée car Sky a vraiment une équipe hyper forte qui décourage des coureurs de renom comme Quintana, Valverde… Ça fait une course de suiveurs car ça roule trop vite pour attaquer. Ce n’est pas que les mecs manquent de courage, c’est juste que quand ça monte à 400 watts, il est quasiment impossible de placer un démarrage.»
Observation crédible, évidemment. Et presque rassurante: nous avons assez écrit à quel point les coureurs flashés au-delà de 400 watts étaient suspects. «Pour être honnête, je m’attendais à être plus attaqué, et particulièrement par l’équipe Movistar», confessait Christopher Froome. D’où la question centrale: qu’attend Quintana? Son directeur sportif tentait de répondre: «Nairo se sent bien. Mais attaquer après une semaine passée à lutter contre le vent, c’est compliqué pour un coureur de son gabarit.» Si le Colombien possède, en effet, un passif de dix kilos et de dix-neuf centimètres sur Froome (59 kg contre 69 kg, 1,67 m contre 1,86 m), l’explication nous paraît néanmoins insuffisante, comme si le grimpeur avait été placé sous une surveillance invisible. Son coéquipier Valverde voulait y croire: «Nairo attaquera lorsqu’il sentira qu’il pourra faire mal.» Aura-t-il seulement le feu vert de la justice immanente du cyclisme biologisé? «Il n’y a pas le feu au lac», devaient penser les Suisses, hier, qui attendaient depuis quatre ans le retour de la Grande Boucle chez eux. Il reste pourtant moins d’une semaine après l’étape entre Moirans-en-Montagne, dans le Jura français, et Berne (209 km), qui n’offrit hélas rien d’autre qu’un paysage bucolique et une victoire au sprint du Slovaque Peter Sagan, sa troisième. Mais rassurez-vous, à la veille de la journée de repos en Suisse, tout allait bien côté montures. Chaque jour, les vélos font l’objet de multiples contrôles, déjà 2 500 recensés: caméras thermiques, tablettes à résonance magnétique, rayon X…  Pendant ce temps-là, les suiveurs espèrent en vain que ceux qui chevauchent ces mêmes bécanes se dressent au moins au niveau de l’événement. N’y voir aucune raison de cause à effet. Sauf à considérer que les organismes des pédaleurs, soumis aux passeports biologiques, seraient eux aussi tellement inspectés qu’il deviendrait compliqué pour certains de se dévoiler au-delà de la logique de leurs paramètres sanguins. Il paraît toutefois que le caractère d’un coureur n’a pas grand-chose à voir avec la chimie et la mécanique pure. [ARTICLE publié dans l'Humanité du 19 juillet 2016.]

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