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Mon souhait, l’enseignement du judaïsme marocain !

Publié le 25 juillet 2016 par Feujmaroc

Cette plate-forme explore et expose depuis quelques années l'histoire des Juifs du Maroc, leur passé et leur vécu dans un pays en constante évolution. Un vécu riche, émaillé de bonnes mais également de mauvaises expériences, pour certains une existence misérable, pour d'autres une vie idyllique. Mais cela est l'histoire de tout peuple, de toute société qui se cherche, de tout pays qui progresse. Nous pourrions développer amplement sur cet état des choses, mais là n'est pas le but de cet article.

Mon souhait, l’enseignement du judaïsme marocain !

Synagogue de Safi

Au fil de ces dix dernières années, le judaïsme marocain revient au coeur de nombreux débats. Il semble en effet très couru d'assister aux nombreux événements culturels sur le sujet organisés au Maroc et ailleurs dans le monde, comme il est également très apprécié d'organiser ce genre de conférence. La presse écrite, audiovisuelle et numérique, couvrent et relaient également ces événements autour de cette thématique qui nous tient tant à cœur. Nous ne nous en plaindrons pas, bien évidemment, espérons seulement que cela ne soit pas un simple effet de mode, eu égard à la présence juive trois fois millénaire en terre marocaine.

Plus concrètement, la création en 1997 par la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain d'un Musée du Judaïsme Marocain, le premier du monde arabe, ayant pignon sur rue à Casablanca et ouvert à tous, permet aujourd'hui d'exposer cette culture au grand public comme aux connaisseurs et de contribuer ainsi à sa conservation et son rayonnement.

De nombreuses synagogues ont été restaurées et plus d'une centaine de cimetières juifs ont été récemment réhabilités sous l'impulsion du roi Mohamed VI, et l'ouvrage sous la supervision de Mr Serge Berdugo. Le Conseil des communautés israélites du Maroc pour sa part diffuse et promeut tous azimuts et en permanence cette présence passée et actuelle. Ainsi, à travers un programme riche et diversifié, le Conseil met en lumière l'attachement de la communauté juive marocaine à ses racines et à son héritage marocains, soulignant que le Royaume peut compter sur la fidélité active et les talents d'un million de Marocains de confession juive établis dans les cinq continents. Le Conseil des communautés israélites du Maroc veille aussi à maintenir et gérer une communauté de presque 2500 personnes.

Mon souhait, l’enseignement du judaïsme marocain !

Magnifique ouvrage relatant les travaux gigantesques mis en place de 2010 à 2015 pour la réhabilitation des cimetières juifs du Maroc - Maisons de la vie.

En parallèle, nous assistons à la création bienvenue de nombreuses associations dont le but est la reconnaissance et la diffusion au Maroc et à l'étranger de cette culture deux fois millénaires. Nous pensons ainsi à l'Association Mimouna, à l'Association des Amis du Musée du Judaïsme Marocain ou encore au Centre de la Culture du Judaïsme Marocain de Bruxelles, pour ne citer qu'eux.

Il faut aussi mentionner les innombrables références bibliographiques sur le sujet et qui alimentent sous toutes ses facettes le sujet du judaïsme marocain. Qui voudra s'informer y trouvera de nombreux ouvrages très complets, allant de références scientifiques jusqu'au roman historique en passant par l'étude sociologique. Comment ne pas mentionner aussi le travail incessant de nombreux site web (darnna, dafina, groupes facebook, etc...) qui tendent à relayer, réunir et animer cette mémoire juive marocaine à travers le monde, et surtout à la portée de tous sur un simple clic.

L'autre élément majeur qu'il faut saluer et applaudir, est l'introduction de " l'affluent hébraïque " dans le préambule de la Constitution marocaine de 2011, ce qu'aucun pays musulman n'a jamais fait à ce jour. Il faut dans cette optique saluer l'attitude concernée de nos grands monarques, Feu SM Mohamed V et Feu SM Hassan II, que D' les ait auprès de lui, ainsi que de notre Roi actuel SM Mohamed VI que D' lui apporte assistance, santé et prospérité pour lui et sa famille, et qui poursuit cette logique bienveillante à l'égard des juifs du Maroc, à savoir de mettre en avant "nos valeurs communes plutôt que nos différences".
Permettez-moi de reproduire à titre d'illustration ces quelques lignes de la Constitution : " État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. "

Je m'excuse auprès de ceux que j'ai omis de mentionner, je pense à tous les autres acteurs et participants à cette renaissance. Quelque soit l'importance de votre engagement, celui-ci demeure louable et nécessaire. Votre travail est en effet une brique venant s'ajouter aux autres, participant ainsi à ériger et solidifier les fondements d'un rapprochement inter-communautaire et d'une cohabitation judéo-musulmane qui a toujours existé dans notre beau pays, le Maroc. Merci à tous !

Mon souhait, l’enseignement du judaïsme marocain !

Une école primaire à l'Oudaya à Rabat.

Mon souhait !

Mon souhait, comme le porte ce titre, serait, et ce afin d'assurer une continuité logique à cet éveil et à cette reconnaissance de la culture judéo-marocaine, de pouvoir émanciper et développer plus concrètement le sujet de la présence juive dans notre pays. Nous remarquons depuis quelques années une prise de conscience claire et définie, pour revaloriser cette culture, composante indiscutable de la société marocaine. Mais cela est-il suffisant ?

En effet, il manque à mon sens une option de taille et qui devra dépasser le stade de " l'option ". Je pense tout simplement à l'enseignement. Oui, il serait temps d'élaborer le plus vite possible un programme qui intégrerait dans les manuels scolaires l'enseignement de cette composante de l'histoire du Maroc, celle du judaïsme marocain, entre autres. J'entends par cela qu'il faudra également penser à la culture amazighe, même si je crois qu'il y a un éveil plus important autour de cette dernière.

Jusque-là, aucun des systèmes d'enseignement, qu'il soit national marocain ou étranger, ne fait état de la composante judéo-marocaine de l' histoire du Maroc. Comment cela se fait-il ? Nous pourrions comprendre cela de la mission française par exemple, mais comment l'Education nationale marocaine n'a-t-elle pas encore prévu cette réforme, sachant que la constitution plébiscitée voilà 5 ans déjà par le peuple marocain, est claire sur ce point-là, puisqu'elle permet une réconciliation entre le Maroc constitutionnel et le Maroc culturel. Ainsi la reconnaissance de ce que la loi suprême du pays appelle l'affluent hébraïque, considéré comme vecteur nourricier et enrichissant de la culture nationale, n'est pas encore inscrite dans un quelconque cours d'histoire du Maroc.

Les institutions en place, tant au Maroc qu'à l'étranger, sont plus habilitées à discuter de cette question et à développer un programme conséquent, mais permettez-moi un instant d'imaginer la mise en œuvre de ce projet. Il me semble qu'il serait aisé en effet d'inscrire dans la chronologie de l'histoire de notre pays, l'arrivée des Juifs au Maroc, estimée au Ve siècle av. J.-C., après la destruction du Premier temple de Jérusalem, et d'expliquer que sur le site historique de Volubilis (dans l'actuelle région de Fès-Meknès), ville antique berbère puis romanisée, figurent des inscriptions en hébreu et en grec sur des stèles funéraires de commerçants juifs. Ou encore que des tombes israélites datent de plus de 1500 ans ont été découvertes à Oufrane, dans le sud du Maroc. On peut rappeler aussi que le Maroc, sous influence vandale puis byzantine, était devenu une terre d'asile pour les Juifs persécutés par les Wisigoths en Espagne mais aussi pour les Juifs d'Andalousie chassés par Isabelle la Catholique à la fin du 15ème siècle. Parmi ces derniers figuraient de nombreux grands penseurs, docteurs, scientifiques, théologiens, artistes, négociants et artisans qui ont beaucoup apporté à la culture, à la société et à l'économie marocaine. Nous pensons également au métissage créé entre ces derniers et les Juifs " dhimmis " résidant dans les grandes villes marocaines, Tanger, Tétouan, Fès, Meknès, métissage qui a eu notamment pour fruit la création de la musique arabo-andalouse - d'où vient le chaâbi marocain, genre musical très populaire au Maroc et en Algérie. Les nouveaux manuels d'histoire pourraient également souligner l'apport des artisans et commerçants juifs berbères à leurs communautés natales du sud du Maroc, ou encore les 700 saints juifs enterrés aux quatre coins du Maroc.

Nous n'allons pas faire ici un cours d'histoire, nous ne faisons que donner quelques exemples parmi de multiples faits historiques avérés couvrant toutes les étapes de l'histoire de notre pays.

Il est temps aujourd'hui d'inscrire cette histoire sur papier et d'élaborer ainsi des manuels d'enseignement plus exhaustifs afin d'instruire les générations futures. Je vois pour cela s'asseoir à une même table enseignants, chercheurs et historiens marocains, juifs, musulmans ou autres, pour transmettre d'une manière pédagogique et structurée le message de cette existence passée, mais également d'une communauté juive toujours présente. Ce programme se devra d'être enseigné à toutes les classes, allant du primaire au secondaire, couvrant ainsi toutes les tranches d'âges. Il devra être instruit aussi bien en arabe qu'en français et se retrouver sur les pupitres des écoles du système national marocain, comme des quelques écoles juives restant au Maroc. Ces écoles, qui encore aujourd'hui réunissent en leur sein jeunes étudiants juifs et musulmans en mixité (voir notre précédent article, lein attaché ci-dessous) , sont l'un des meilleurs laboratoires pour un tel projet. La balle est lancée à qui de droit.

Les bienfaits de ce projet

Les avantages de ce projet sont multiples. Celui-ci reflétera tout d'abord une réalité peu connue de beaucoup de jeunes marocains, qui pour certains n'ont jamais rencontré de Juifs et ignorent totalement que ceux-ci ont vécu en terre marocaine pendant plus de trois millénaires, qu'ils parlent comme eux la Darija, l'arabe classique ou les dialectes amazighs ou que leurs ancêtres s'habillaient de la même manière ( à quelques détails près). La faible population juive d'aujourd'hui ne permet plus l'interaction et la proximité d'antan qui a permis aux Marocains non juifs qui l'ont vécue de se rappeler le voisin et l'ami juif, qui partageait leur quotidien, commerçait avec eux et échangeait avec eux souhaits et spécialités culinaires lors de leurs fêtes respectives.

Juifs Marocains dans leur habit traditionnel régional. Qui aurait pu les distinguer aujourd'hui ?

Également, le Royaume chérifien est conscient que ce bien-vivre ensemble est fragile, dans un contexte mondial instable marqué par les récents attentats terroristes en Europe, en Afrique et aux Etats-Unis. Il est donc indispensable d'enseigner en amont, c'est-à-dire à notre jeunesse, cet exemple singulier de cohabitation séculaire.

Car ces jeunes assis sur les bancs des écoles aujourd'hui seront les prochains adultes et leaders de demain, ceux qui pourront envisager de tous nous réunir et faire que le vivre-ensemble ne soit pas l'effort de quelques hommes politiques et acteurs de la société civile, mais le résultat d'une continuité logique à l'enseignement et à la transmission de ce passé. Et ainsi aborder avec clarté et intelligence les enjeux et les défis du Maroc de demain.


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