Magazine Société

Jeanne d'Arc - Le procès de Rouen, lu et commenté par Jacques Trémolet de Villers

Publié le 26 juillet 2016 par Francisrichard @francisrichard
Jeanne d'Arc - Le procès de Rouen, lu et commenté par Jacques Trémolet de Villers

La couverture du livre représente le Dais de Charles VII, une tapisserie du XVe siècle, acquise par le Musée du Louvre en mai 2009 et exposée, dans l'aile Richelieu, depuis septembre 2010. C'est une oeuvre d'art attribuée au peintre Jacob de Littemont, peintre officiel et ami du roi Charles VII, et datée des années 1430.

Le sens de cette oeuvre d'art où deux anges transmettent symboliquement la couronne au roi est clair et unique: Le roi tient sa couronne directement du Ciel. Ce sens est le même que celui des propos de Jeanne au cours de son procès: La couronne fut baillée par l'ange à l'archevêque qui la bailla au roi...

Ce livre est la reconstitution la plus complète à ma connaissance du procès de la Pucelle, qui s'est déroulé du 21 février au 30 mai 1431 à Rouen. Il comprend seize audiences et interrogatoires, publics ou non, les deux admonitions, publique et charitable, la lecture de la sentence, la chute et le relèvement, et le récit de l'exécution.

Pour le philosophe Alain, l'histoire de Jeanne d'Arc, c'est la plus belle histoire du monde. On ne peut que tomber d'accord en lisant les minutes de ce procès politique instruit à Rouen, puisque l'on ne dispose pas de celles des procès de Poitiers, qui, eux, ont tourné à son avantage. A Rouen, le procès est politique sous couvert de procès en hérésie, schisme et idolâtrie.

Toutes les déclarations du procès de Rouen n'y sont peut-être pas, mais celles qu'il contient sont authentiques. Et cela en fait un monument unique de l'histoire de France et de l'Eglise, qui peut se lire comme une tragédie, telle l'Antigone de Sophocle, à la différence qu'il ne s'agit pas là de fiction théâtrale, mais de réalité vécue et soufferte.

Au cours du procès, l'avocat d'assises Jacques Trémolet de Villers fait des incises judicieuses et l'on ne peut qu'approuver le portrait qu'il dessine de L'Envoyée de Dieu à partir de ce qu'il lit et que l'on lit avec lui: Jeanne est avant tout une jeune femme d'action - elle a 19 ans - qui estignorante de tout, excepté dans l'art de la guerre. Sa mission est politique: elle ne devrait pas être jugée par des clercs.

Cette jeune femme n'est donc pas théologienne, mais chef de guerre. C'est pourquoi elle porte habit d'homme. Elle est hardie, d'une grande vivacité, d'une grande témérité et, en même temps, d'une grande simplicité, d'un grand naturel. Tout au long du procès, excepté à la fin où elle chute temporairement, de peur du feu, elle ne lâche rien de ce qu'elle ne veut pas dire.

En tous les cas, on ne se lasse pas d'entendre, dans leur contexte, les paroles lumineuses de cette ignorante, d'un grand courage physique, que ses voix conseillent angéliquement (ce qui lui permet de tout prendre en gré), qui a de l'humour, qui peut se montrer impudente, voire insolente, qui, à l'évidence, n'est ni folle ni hystérique, encore moins hallucinée (elle discute avec ses voix et même, une fois, leur désobéit):

A propos de l'état de grâce: Si je n'y suis, Dieu m'y mette; et si j'y suis, Dieu m'y tienne. (Audience publique du 24 février 1431)

A propos de sainte Catherine et de sainte Marguerite: Je les connais parce qu'elles se nomment à moi. (Audience publique du 24 février 1431)

A propos de ses confessions fréquentes: Je crois qu'on ne saurait trop nettoyer sa conscience. (Interrogatoire non public du 14 mars 1431)

A propos de théologie: M'est avis que c'est tout un de Notre Seigneur et de l'Eglise. (Interrogatoire non public du 17 mars 1431)

A propos de la sujétion à l'Eglise sur terre: Oui, Notre Sire premier servi! (Interrogatoire non public du 31 mars 1431)

Face à elle, ses juges apparaissent pour ce qu'ils sont: des hommes d'Eglise acquis et vendus à vil prix aux Anglais, qui cherchent surtout à la salir, qui sont pleins de malignité, qui ne reculent pas devant le chantage le plus odieux, celui d'accorder leurs sacrements à une chrétienne en échange de son entière soumission. En somme, ce sont les représentants du cléricalisme:

L'utilisation des dons et moyens spirituels de l'autorité de l'Eglise à d'autres fins que le service de Dieu.

Il est clair que Jeanne fait une distinction dont ils sont incapables, celle des deux pouvoirs à l'intérieur d'un même ordre naturel et divin: le pouvoir spirituel, qui se traduit par l'obéissance à l'Eglise et le pouvoir temporel qui doit bénéficier d'une large et légitime autonomie vis-à-vis du pouvoir spirituel.

Dans son Envoi qui vient en conclusion de ce procès tragique, Jacques Trémolet de Villers, qui a lu le procès avec les yeux de l'avocat, considère Jeanne de façon somme toute non conformiste. Il dit entre autres d'elle qu'elle est:

- Une anarchiste au service de l'ordre (expression de Gustave Thibon): Jeanne, qui a rétabli l'ordre dynastique, le droit et la légitimité a une allure d'anarchiste absolue. Elle a été contestataire de tout ce qui était établi, le "traité de Troyes", le "royaume de France et d'Angleterre", l'Université de Paris, l'évêque Cauchon, le tribunal de l'Inquisition.

- Un soldat du droit: Son sens du droit est conforté par le commandement de Dieu, qui intervient, de façon surnaturelle, non pas pour violer ou changer le droit naturel mais au contraire pour le rétablir.

- Un parangon de la langue française: Dans toutes les générations, des plus lettrés aux plus humbles, car Jeanne est accessible à tous, l'étude des paroles de Jeanne aura la fécondité du retour vers la source la plus pure de notre langue la plus fraîche.

- Une vraie guerrière: Jeanne a humanisé la guerre, car elle a christianisé la guerre. Jeanne est un chevalier, le dernier peut-être de la chevalerie. Elle a un suzerain à qui elle a "baillé" sa foi, c'est Jésus-Christ, son roi. Elle combat pour Lui, selon le précepte de ses voix. Elle n'a commis aucun crime de guerre. On peut faire confiance à la haine recuite de ses juges pour l'en incriminer, s'ils en avaient trouvé ne serait-ce que l'ombre d'un seul. Rien. Elle fait soigner les blessés, administrer les sacrements aux mourants, nourrir les prisonniers. Pour les populations civiles qui s'étaient données à l'ennemi c'est, toujours, sans exception, l'amnistie générale.

Il se demande enfin si d'avoir été condamnée au feu par tant de faux docteurs qui prétendait être "l'Eglise" ne serait pas le signe certain qu'elle est un vrai Docteur de l'Eglise:

Le mystère de l'Histoire, de l'Eglise, du temps et des nations, de la puissance divine et de la liberté des hommes, pour le bien comme pour le mal, s'incarne dans la destinée de cette jeune fille qui parle avec les anges et ridiculise les faux docteurs.

Francis Richard

Jeanne d'Arc - Le procès de Rouen - 21 février-30 mai 1431, lu et commenté par Jacques Trémolet de Villers, 320 pages Les Belles Lettres


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine