Les députés européens ont adopté mercredi une loi, baptisée "directive retour". Elle a pour objectif de faciliter les départs volontaires des ressortissants
étrangers en situation irrégulière dans l'UE. Dans le cas contraire, elle prévoit aussi leur expulsion avec une durée de
rétention maximale de 18 mois et un bannissement de cinq ans après
expulsion. Elle n'interdit pas l'expulsion des mineurs.
De nombreuses contestations se font entendre. Certains reprochent une perte de liberté des Etats :
"Actuellement, n'importe quel pays de l'UE est en mesure de renforcer sa législation. Le vote d'aujourd'hui l'empêchera de le faire au-delà de certains standards minimaux".
Monseigneur Agostino Marchetto, secrétaire du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement s'est exprimé sur la question en précisant qu'il ne parlait pas au nom de l'Eglise, mais en son nom propre :
"Je ne pense pas que nous soyons hostiles à la volonté européenne de réguler les flux migratoires, mais pas au prix d’une orientation à la baisse sur la question des droits de l’homme".
Après avoir rappelé combien il respectait les responsabilités temporelles, il précise néanmoins une tendance européenne au "durcissement" des peines pour tous les citoyens :
"Les citoyens des pays tiers, tout comme les citoyens communautaires, ne devraient pas être privés de la liberté personnelle, ou sujets de peines de détention, à cause d’infractions de type administratif".
Il conclut par un juste rappel des fondements culturels abandonnés par l'Europe :
"Je comprends que les flux migratoires actuels créent de plus grandes difficultés, mais je note avec beaucoup de tristesse un affaiblissement des valeurs qui, après la Seconde Guerre mondiale, avaient conduit à la rédaction de la Charte des droits authentiques de l’homme.
Un supplément d’âme est donc nécessaire, y compris pour l’Union européenne. Un coup de rein pour dépasser la limite sous laquelle il n’y a plus d’humanisme…Si l’on ne réussit pas, se confirmerait notre préoccupation pour l’avenir : si l’Europe perd son rôle de porte-drapeau des droits humains authentique, avec des applications à l’intérieur même de l’Europe, qu’est-ce qui lui restera dans le contexte des grandes puissances existantes ou émergentes ? Le produit intérieur brut pourra-t-il suffire ? Nous ne devons à aucun prix criminaliser les migrants pour le seul fait qu’ils sont des migrants".
Monseigneur Marchetto reste à sa place d'homme d'Église sans se prononcer sur le prudentiel en s'abstenant de juger du bien-fondé politique ou sociale de ces décisions et ses propos ne contredisent évidemment pas la Doctrine sociale de l'Église : il reconnaît le droit des États à gérer les flux migratoires (CDSE par. 298) et insiste, comme Benoît XVI le fit, sur leur devoir inconditionnel de respecter la dignité de la personne humaine (CDSE par. 108 et suivants).
Mais surtout, l'Union européenne y est montrée du doigt car les mesures adoptées sont jugées trop fortes (détention jusqu'à 18 mois) au regard d' "infractions de type administratif" : la dureté et le manque de respect des "droits humains fondamentaux" (au sens de la doctrine sociale de l'Eglise et de Benoît XVI) par l'UE même pour ses propres ressortissants "préoccupent" le prélat et... bien d'autres.
C'est bien cet avertissement qui devrait nous préoccuper aussi : l'Europe, sans âme et sans fondements moraux, perd progressivement ses références humaines qu'elle doit à ses racines chrétiennes. Elle est ainsi engagée sur une voie qui renie de plus en plus la dignité de la personne humaine, un des piliers de la Doctrine sociale de l'Église. Et ses errements nous concernent.