Mon voyage dans la rue a commencé dès mes 14 ans dans les rues de Sherbrooke, Granby, Montréal puis Toronto. Assoiffée de liberté ou plutôt hantée par le désir de m’enfuir d’un monde dans lequel j’étais incomprise, la rue est devenue mon milieu de vie.
Durant ce parcours, il y a eu beaucoup d’aventures et de mésaventures, mais comme on dit, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise route. Chacune d’elles nous apprend quelque chose et nous grandissons riche d’expériences acquises au fil du voyage. Peu importe la destination, c’est le voyage qui compte!
Je pourrais vous parler de certaines destinations telles que mon enfance tumultueuse, mon adolescence incomprise et incompréhensible, mes relations d’amitié et d’amour malsaines ou l’univers de la rue. Mais je préfère vous partager ce qui a changé le cours de ma vie.
Parfois, on a l’impression de courir après le bonheur chaque jour de notre vie, mais dans la rue c’est souvent à chaque instant.
Mais à un moment donné, un bonheur est arrivé dans ma vie. Un être magnifique que j’ai nommé Draft, une chienne extraordinaire qui a été là à traverser les ouragans, les petites tempêtes et les beaux et les mauvais moments de ma vie. Elle était là sans me juger, à m’aimer, à m’accepter comme nul autre a su le faire. Gravé dans ma mémoire cet être merveilleux m’a aidé à surmonter mon chagrin, mes difficultés et m’a donné la confiance et la force de m’aimer.
Vous vous demandez sûrement pourquoi je raconte cela, comprenez que la rue fut un moment que j’ai partagé avec ma chienne Draft. À travers mes souffrances, mes déboires et les nombreux pays que j’ai traversé, elle a été là pour veiller sur moi sans jamais me laisser tomber dans cette aventure. Riche de cœur, son amour inconditionnel m’a donné la force et la motivation d’affronter cette société et les jugements qu’elle a eus envers moi et les autres qui vivions dans la rue. Pour certains, elle restera juste un chien, mais pour moi elle est la force qui m’a permis de me sortir la tête de l’eau et de trouver ma place.
Par respect pour elle, une fois fatigué d’errer, j’ai pris un appartement et j’ai décidé d’aller à l’université. Avec seulement un secondaire 3 en poche et mon expérience de la rue, j’ai quêté mon inscription universitaire. Quelle idée folle m’est venue en tête vous me direz. Mais pour moi, c’était la seule façon d’arriver à me faire entendre et de rendre à la rue ce qu’elle m’avait permis de devenir. C’est-à-dire une femme forte et déterminée, une femme se battant contre les injustices sociales.
Le père Pops (prêtre montréalais reconnu pour son intervention auprès des itinérants) a toujours cru en moi et m’a aidé à obtenir une bourse d’études. Mais après un an de belle réussite, j’ai abandonné, car à cette époque je jugeais que l’université n’était pas nécessaire. Ce n’est que lorsque j’ai eu ma fille que je suis retournée sur les bancs de l’école pour m’y donner à 100%.
Aujourd’hui, Draft n’est plus de ce monde, mais elle reste gravée dans mon cœur. Pour elle, je continue à gravir des montagnes pour arriver à mon but: améliorer les conditions de vie des personnes itinérantes et leurs animaux de compagnie. Je termine bientôt ma maîtrise en travail social qui porte sur l’influence des animaux sur le parcours de vie des personnes itinérantes. Qui aurait cru !
En l’honneur de mon parcours, j’ai fondé un organisme à but non lucratif (Solidarité dans la rue) pour sensibiliser les différentes instances publiques, sociales et communautaires sur l’importance des animaux auprès des personnes vivant en situation de précarité. Depuis 3 ans, je passe Noël dans la rue pour apporter mon soutien aux personnes itinérantes et leurs animaux. À Montréal d’abord et depuis 2015 en Estrie (Sherbrooke) en l’honneur de mes racines.