Cher multiplexe,peux-tu arrêter de me prendre pour un con?

Cher multiplexe,

Si je prends ma plume ce soir, c’est parce que j’en ai gros sur ma patate de cinéphile. C’est soir c’est la goutte qui fait le déborder un vase qui commença à se remplir il y a 15 ans exactement alors que les multiplexes fleurissaient sur les parkings des hypermarchés. Tout frais sorti de la fac, je postulais dans l’un de ces temples du 7ème art, espérant pourquoi pas y faire carrière, transmettant ma passion au plus grand nombre. Quand l’un de tes congénères me prit en formation pour  faire de moi l’un de ses dirigeants, aguiché par la flamme qui luisait dans mon regard, je n’étais pas peu fier. Trois petits jours auront eu raison de mes rêves les plus fous. Voici quelques dialogues échangés avec le directeur de ce Méga … (je vous laisse le soin de remplir les trous: on est pas là pour dénoncer !):

• -« Comment ça se passe pour la programmation? On peut organiser des évènements? Des programmations de reprise, des avant-premières avec les équipes de film? Des expos dans le hall? »                                                                                                                              – » C’est le siège qui nous envoie la programmation! On n’a pas notre mot à dire. Nous notre vrai intérêt, c’est la confiserie! C’est notre recette principale! Tu vas d’ailleurs passer par le stand confiserie. Tu verras, le pop corn, c’est de l’or en barre! Ca coûte rien et qu’est-ce que ça rapporte! »

Ca, c’est le premier poignard planté dans mon coeur de cinéphile et c’est pas fini. A l’époque, le premier volet du « Seigneur des Anneaux » vient de sortir sur les écrans. Pour rappel, nous sommes encore en argentique et ma curiosité est piquée par le fait que les séances sont coupées par un entracte de 15 minutes!

• -« Comment ça se fait qu’il y a un entracte au milieu du film? Les bobines sont trop courtes pour un film de 3 heures? »

– » Ben non, pas du tout! On divise le film en deux bobines. Comme ça quand la première est terminée, on fait un entracte; les gens sortent et achètent du pop corn. Dans le même temps, on lance la première bobine dans une seconde salle: avec un seul film, on fait tourner deux salles et on double les recettes confiserie sur chaque séance!!! »

Ca, c’est le second coup de poignard! Très vite, nous en arrivions à la conclusion, avec le patron de la salle, que je n’étais pas fait pour le métier de vendeur de popcorn.

Ma vie de cinéphile a pris le dessus.

Je me régalais de découvrir les films en une seule partie, en VO, avec des tâches ou des marques de brûlure sur la pellicule, voire même un cheveu ou un poil du projectionniste négligemment projeté sur l’écran. Ca avait du cachet!

Puis, vers le milieu des années 2000, le numérique faisait son apparition avec le retour de la 3D, précipitant la disparition de l’argentique. Dorénavant le même film aura exactement la même qualité de projection dans n’importe quelle salle! Quant à la 3D, on est loin des lunettes avec un verre bleu et un rouge: dorénavant on a une espèce de grosse paire super lourde qui nous arrache les oreilles et nous pète le nez. Mais toi et tes confrères, vous avez réussi le pari de nous faire cracher 2 euros de plus par personne pour 9 fois sur 10 choper un gros mal de crâne. Dans la même proportion, on se dit aussi à la sortie « bon en fait, la 3D ça servait à rien dans ce film! »

Mais quand j’y pense, quand j’avais 15 ans, j’allais au cinéma pour 31,40F soit 4,79 euros. Et aujourd’hui, c’est 10 euros + 2 euros pour un film en 3 D, soit plus du double!

En plus, chez toi, cher multiplexe, la VO ça n’existe plus!J’ai le choix entre les comédies franchouillardes à la con ou les films de super-héros US. Mais où sont les films un peu underground que j’adorais aller voir, notamment certains films d’horreur comme « Street Trash », « Maniac Cop », « Brain Dead » ou « Maximum Overdrive »? Disparus!

Ce soir, un nouveau pas a été franchi! De temps en temps, je consens à aller faire un tour au multiplexe de la T…. de B… communément appelé le Gr… Ec… doté à l’origine de 8 salles. J’y vais en général pour certains blockbusters ou les films de gosses pour lesquels j’accepte de faire une croix sur la VO. Dans ce cadre, je vais voir « le Bon Gros Géant » avec ma fille. Au moment de passer le contrôle, l’agent d’accueil m’indique la salle 9, en bas sur votre gauche »! « Tiens, me dis-je, une nouvelle salle?! »

Nous rentrons et là, incroyable, nous découvrons une salle de 38 places, sur 4 rangs, très dénivelés tellement la profondeur de la salle est ridicule! Mais qu’y avait-il ici avant? Le placard à balais? Nous atterrissons au 3ème rang mais les malchanceux du premier, eux, ont le nez collé à l’écran. Quant à la taille de l’écran, je n’en ai jamais vu d’aussi petit et pourtant des salles, j’en ai fréquenté des tas! Nous sommes tellement près de l’écran que durant tout le film, déjà pas folichon, je vois la trame de l’écran et les détails de la toile me donnant l’impression d’être chez un pote avec un bon home cinema! Sauf que mon pote, non seulement il ne va pas me faire payer 10 euros la place mais en plus il va me préparer un casse-croûte et me porter un mousse, contrairement à toi avec tes M&M’s à 5,40 euros!!!!

Alors cher multiplexe, écoute-moi bien! Quand on tire trop sur l’élastique, il finit par péter et tu te le prends dans la gueule, et ça peut être douloureux! Alors cesse un peu de prendre le client pour un pigeon: quand il aura compris que pour le prix de deux places de cinoche, il pourra mater le bluray d’un film à la maison, avec le même confort que dans ta salle de merde, et autant de fois qu’il le souhaite, et ben il restera chez lui. Non seulement tu seras perdant parce qu’il sera pas près de t’acheter ton popcorn qui pue mais plus grave c’est le Cinéma avec un grand C qui sera perdant, et ça, je suis pas d’accord du tout!