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Diagnostic d’une modernité

Publié le 18 juin 2008 par Hoplite
La modernité est ce mouvement politique et philosophique des trois derniers siècles de l’histoire occidentale. Elle se caractérise par des processus convergents que sont l’individualisation (destruction des anciennes communautés), la massification (standardisation des modes de vie), la désacralisation du monde, la rationalisation, l’universalisation (extension planétaire d’un modèle de société –libéralisme économique anglo-saxon- présenté comme seul viable et comme une fin en soi).

 Bon nombre de ces caractéristiques se retrouvent dans la doctrine chrétienne. Une doctrine sécularisée et privée de transcendance : l’individualisme, l’égalitarisme, le progressisme, l’universalisme, une conception holiste de l’histoire. Il est donc permis d’imaginer que les idéologies laïques post révolutionnaires étaient contenues en germe dans le christianisme.

 Toutes les écoles politiques modernes se retrouvent sur l’idée d’une communauté universelle, somme d’individus rationnels appelés à réaliser leur unité dans l’histoire. Une vision globalisante et rationnelle d’ou toute singularité culturelle est exclue, perçue comme dépassée voire dangereuse : la diversité du monde devient un obstacle.

 Le marché dont il semble bien, si l’on en croit la thèse de Rodney Starck (cf. post précédent), qu’il fut très tôt intégré dans la weltanschauung chrétienne (rôle crucial dans l’expansion économique, politique, philosophique et géographique de l’Occident), pourrait avoir été le moyen le plus efficace de la modernité pour arracher les individus à leur appartenance singulière et les soumettre à un mode universel d’association.

 L’aliénation est le concept clef et le résultat de la modernité. L’homme moderne, coupé de la communauté qui le protégeait et donnait sens à sa vie ne trouve plus de sens dans les grandes idéologies séculières (les grands récits mobilisateurs comme dit A de Benoît) qu’étaient, le communisme, le socialisme, le libéralisme, le nationalisme, les fascismes. Un individu seul, sans recours idéologique au milieu d’individus, également incertains à tous points de vue, désormais simples variables d’ajustement (démographique, économique) dans un monde globalisé dépourvu de toute transcendance et de perspective mobilisatrice hormis le devoir de consommation.

 Aliénation, anomie, nihilisme, violence et solitude caractérisent l’homme moderne soumis au règne de l’argent et de l’hédonisme et sommé de croire à un avenir radieux mais, curieusement, de plus en plus inquiétant.

 Libéralisme est un mot, un concept, piège. Il n’est pas possible de rejeter en bloc cette doctrine politique, philosophique et économique fondamentale dans l’histoire moderne de l’occident au motif que le libéralisme incarne l’idéologie dominante de la modernité.
Les Lumières furent un mouvement de renouveau intellectuel, culturel construit sur des idées de liberté (de penser, d'agir, de croire), d'égalité, de rationalisme scientifique, d'individualisme, de scepticisme, de tolérance et porté par des hommes d'horizons très divers comme Voltaire, Diderot, Rousseau, Condorcet, David Hume, Spinoza ou Montesquieu.
Tous les secteurs de la société ont alors tendance à se débarrasser des anciennes tutelles. Pour autant elles ne forment pas une école de pensée unique; sur le plan politique, de fortes différences distinguent Montesquieu et son libéralisme démocratique, Voltaire et son despotisme éclairé ou Rousseau et son contrat démocratique. Les philosophes vantent la capacité de l'individu à se servir de sa raison. Au moment ou règne Louis XV, la pensée des philosophes aboutit à remettre en cause tous les principes religieux et politiques qui constituaient les fondements de la société: contre la croyance, le doute; contre l'autorité, le libre arbitre; contre la communauté, l'individu. Les Lumières imposent ainsi l'idée que la religion ne constitue qu'une opinion, dissociant ainsi société et foi.

Cette pensée des Lumières, à l’origine du libéralisme, pourrait également être à l’origine du mouvement socialiste -en réaction- car partageant des valeurs communes que sont : individualisme de fond, universalisme égalitaire, rationalisme, primat de l’économique, foi dans le progrès, aspiration à une fin de l’histoire. Avec des objectifs communs : éradication des identités collectives, et des cultures traditionnelles, désenchantement du monde, universalisation du système de production. En autonomisant l’économie vis-à-vis de la morale, de la politique et de la société, le libéralisme a fait de la valeur marchande l’alpha et l’oméga de notre monde, transformant des économies de marché en sociétés de marché.

 Cette solitude de l’homme moderne, aliéné de toute collectivité naturelle se traduit logiquement par un renforcement sans fin du rôle d’un Etat Providence chargé de procéder aux redistributions nécessaire pour pallier la défaillance des solidarités traditionnelles. Aggravant l’assistanat et l’irresponsabilité de citoyens anonymes et assistés, repus de droits virtuels.

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Lecture des philosophes.


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