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Le colonel Bramble

Publié le 18 juin 2008 par Hoplite
« Nous sommes un drôle de peuple, dit le Major Parker. Pour intéresser un Français à un match de boxe, il faut lui dire que son honneur national y est engagé ; pour intéresser un Anglais à une guerre, rien de tel que de lui suggérer qu’elle ressemble à un match de boxe. Dites-nous que le Hun est un barbare, nous approuverons poliment, mais dites-nous qu’il est mauvais sportsman et vous soulèverez l’empire Britannique. »

« Nous sommes comme ces jeunes Perses dont parle Hérodote et qui jusqu’à l’âge de vingt ans, n’apprenaient que trois sciences : monter à cheval, tirer à l’arc et ne pas mentir. »

« Le révérend Mac Ivor, vieux chapelain militaire, au visage recuit par le soleil des colonies, acceptait cette vie guerrière et douloureuse avec l’enthousiasme d’un enfant. Quand les hommes étaient aux tranchées, il les visitait chaque matin, les poches bourrées de livres d’hymnes et de paquets de cigarettes. A l’arrière, il s’essayait au lancement de grenades et déplorait que son ministère lui interdit les cibles humaines… »

« Le révérend Carlisle a été évacué le 12 septembre ; je désirais savoir s’il va mieux et si une nouvelle affectation lui a été donnée. La réponse de l’hôpital disait simplement :

-état stationnaire.

-destination inconnue.

La brigade, en me la transmettant, avait ajouté : « On ne comprend pas clairement si ce dernier paragraphe se rapporte à l’unité à laquelle sera éventuellement attaché le révérend Carlisle ou à son salut éternel. » »

« J’ai jadis piloté à Londres, répondit le major, un chef arabe qui m’honorait de son amitié, et comme je lui avais montré la chambre des communes et expliqué son fonctionnement : « Cela doit vous donner bien du mal, me dit-il, de couper ces six cents têtes quand vous n’êtes pas content du gouvernement. » »

Le Padre : « J’étais parti pour chasser le tigre quand en traversant la nuit un village perdu dans la jungle, un vieil indigène m’arrête : « sahib, sahib, un ours ! » Et il me fait voir dans l’arbre une masse noire qui bougeait. J’épaule vivement, je tire, la masse s’abat dans un bruit de branches cassées, et je trouve une vieille femme que j’avais démolie pendant qu’elle cueillait des fruits. Un autre vieux moricaud, le mari, m’accable d’injures ; on va chercher le policeman indigène. Je dus indemniser la famille : cela me coûta des sommes folles, au moins deux livres. L’histoire fut vite connue à vingt miles à la ronde. Et pendant plusieurs semaines, je ne pus traverser un village sans que deux ou trois vieux se précipitent : « sahib, sahib, un ours dans l’arbre. » Je n’ai pas besoin de vous dire qu’ils venaient d’y faire monter leurs femmes » 

(In Les silences du colonel Bramble, André Maurois, Grasset 2003)

Chronique de la vie d’un état-major Britannique dans les Flandres en 1914 composé de quelques personnages hauts en couleur : Aurelle, le narrateur, le pontifiant Major Parker, le spirituel docteur O’ Grady, le brave révérend Mac Ivor -surnommé « Le Padre », et le fameux colonel Bramble qui ne dit pas grand-chose, écoute des airs de valse et interrompt parfois ses compagnons d’un borborygme sonore…


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