Titre : Tome 1 – Fais un sourire, Maggy
Dessin et couleurs : Stéphane Oiry
Scénario : Lewis Trondheim
Editions : Dupuis
Année : 2014
Nombre de pages : 46
Résumé :
Maggy Garrisson est une jeune femme seule, aimant boire et fumer, pas forcément attirante, avec un vocabulaire assez cru et cynique, sans emploi et vivant en banlieue anglaise. Une situation peu enviable donc, alors quand elle dégote un emploi, même celui aussi miteux d’assistante d’un misérable détective, elle ne le refuse pas. Mais malheureusement, dès son deuxième jour de boulot, son patron se retrouve à l’hôpital, après s’être fait agressé. Maggy se retrouve d’entrée au chômage technique…
Cependant son employeur lui demande de fortement veiller sur son portefeuille laissé dans une veste au travail…
Maggy, dans toute sa perspicacité, va donc trouver et fouiller cet objet. Elle y trouvera un ticket qui apparemment attire quelques petites frappes, et/ou plus…
Mon avis :
Nous voilà plongés au cœur de l’Angleterre banlieusarde actuelle avec tous les clichés tant appréciés... (Chômage, violence, beuverie, industriel etc…) bref une ambiance morose…
On est loin de « l’élégance British » avec sa reine, ses châteaux et palais, sa « cup of tea » etc…
Non, les auteurs nous plongent dans le réel social mais avec l’humour anglais ! De fait, l’anti héro qu’est Maggy illustre déjà parfaitement cet humour décalé.
Planche 3
Le dessin, le style, les effets, les couleurs :
Le dessin de Stéphane Oiry est dans un style réaliste et typique ligne claire. Le trait est sobre (à défaut du personnage par moment), simple, souvent rectiligne, épais, efficace et minimaliste.
Les vignettes ne sont pas trop chargées de détails mais elles sont nombreuses. Les mises en scènes sont parfaitement réalisées, jouant énormément sur les perspectives. Il faut dire qu’en effet, les paysages urbains anglais s’y prêtent parfaitement tout dans leur rectitude et alignement.
Les effets, hormis les perspectives et les plongées, contre-plongées, sont peu nombreux. Les auteurs ont beaucoup plus misés sur le réalisme que sur le « fantastique ».
Les « costumes » sont aussi bien réalisés, avec ces petites touches extravagantes anglaises comme la veste et les bottes rouges de Maggy, ou les grosses lunettes rouges de cette vieille dame…
Les expressions des personnages sont remarquablement réalisées, on arrive facilement à distinguer le « ras le bol », le « je m’en foutisme », la suspicion, la curiosité, la résignation, etc… dans le personnage de Maggy (ou autres)…
Les décors sont aussi typiques de ce que l’on imagine de l’Angleterre : brique rouge des maisons, bus à impériale, les « black cabs », la pluie etc… Les couleurs paraissent ternes, grisouillantes dans l’ensemble (surtout pour les décors urbains) et tantôt avec des éclats vifs apparaissant à travers les vêtements, les intérieurs de maisons souvent chaleureux etc…
Bref le dessin de Stéphane Oiry convient à la perfection au légendaire état d’esprit britannique dans sa rigueur, son originalité et son décalage, son flegme… mais aussi pour un superbe récit policier au suspense intense. L’univers est superbement ciselé et l’ambiance est bien posée à travers le trait de ce talentueux dessinateur.
Planche 8
Le scénario, le découpage, les dialogues :Lewis Trondheim a de l’ingéniosité et une aisance à conduire de beaux scenarii. Celui-ci est particulièrement touchant et le travail du scénariste est remarquable ! Les vies des personnages sont toutes imaginées, travaillées, développées etc… Les caractères, les gouts de tous les personnages (tous plus ou moins atypiques), qu’ils soient principaux ou secondaires, sont bien posés et affirmés… et il faut bien dire qu’il y en a un bon paquet de personnages !! Cet impeccable travail nous donne plus ou moins de l’affection pour les personnages, ou à l’inverse nous amène à ne pas les blairer… Sans cela, comment pourrions-nous prendre en estime cette anti-héroïne, limite dépravée, qui fume et bois pour éviter de plonger dans une semi dépression dû à l’inactivité ? L’auteur a aussi bien imposé l’ambiance générale avec sa morosité dans un contexte social de petite bourgeoisie anglaise à la limite de la pauvreté. Les dialogues sont truculents et souvent bourrés d’humour à l’anglaise. Le scénariste sait aussi originalement faire abstraction de dialogue ou de narration pour certaine vignette afin de bien souligner une émotion, une atmosphère etc… Le scénariste exploite aussi avec aisance l’aspect voix off narrative, permettant de conduire la trame du scénario tout en s’insérant presque dans l’intimité de Maggy… Cette narration est fluide et agréable.
Le découpage façon gaufrier s’ajuste à merveille au thème britannique illustrant ainsi une rigueur, une fermeté, une rectitude royaliste. (Et, dans ce contexte le prénom choisi pour l’héroïne ne peut que nous rappeler une autre Miss Maggie…) Enfin le scénario, commençant par une satire de la société contemporaine british (mais transposable à souhait à d’autres sociétés) se transforme vite, et je dirai banalement, en une formidable intrigue policière avec son sac de nœuds à démêler. Les rebondissements sont sympathiques et le rythme nous tiens bien en haleine.
Dans l’ensemble cette BD est un très bon ouvrage, bien documenté, au style particulier et décalé. Le tout est admirablement orchestré et cohérent, et l’on finit par ne souhaiter qu’une chose à l’héroïne : c’est qu’elle réussisse son « Brexit » (ok, je sors… oups…, elle était facile) pour respirer un peu…
Allez, il ne me reste plus qu’à filer à l’anglaise…
Ciao,
Yann
Allez, je vous laisse sur une petite Bande Annonce sympathique !
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