Quand le parti raciste identitaire PIR martelait il y a quelques années l’idée d’un racisme d’état, j’étais alors très circonspect, voire carrément hostile à cette généralisation excessive qui m’indisposait fort. Pourtant, à la faveur de plusieurs événements, je suis en train de réviser peu à peu mon positionnement sur le sujet, ce gouvernement si peu soucieux des droits humains m’y obligeant littéralement. Il y a eu tout d’abord le curieux positionnement de l’Etat sur les contrôles au faciès. Plus que la promesse non respectée (il y en a tant d’autres) de l’alors candidat Hollande, c’est le fait que l’Etat se permette de faire appel d’une décision judiciaire le condamnant pour ce genre de pratiques détestables, qu’il persiste à justifier. Une honte absolue à mes yeux. Il y a maintenant l’affaire d’Adama Traoré, qui vient s’ajouter au décompte macabre des morts par violences policières, celles-là mêmes que Monsieur Cazeneuve prétend ne pas voir au point que selon lui, elles n’existeraient pas : Hocine Bouras, Djamal (mort dans un commissariat à Marseille le 11 juillet), Ali Ziri, Lamine Dieng, Amadou Koumé, Amine Bentounsi, Wissam El Yamni, Mourad Touat, Abdoulaye Camara, Lahoucine AIT Omghar, Nabil Matboul, Youcef Mahdi, Bertrand Nzabonayo… Combien en faudra—t-il encore pour que les pouvoirs publics prennent la pleine mesure de cette grave atteinte aux droits humains, et à l’assourdissant silence judiciaire qui entourent ces disparitions tragiques, qu’il absout de son blanc sein, étant juge et partie ? Je ne reviendrai pas sur les circonstances de le mort tragique, toujours pas élucidées, d’Adama Traoré, mais sur le projet de marche en son honneur. Samedi après-midi, un millier de personnes se sont retrouvées devant la Gare du Nord, à Paris, pour demander justice. Elles ont aussitôt été interdites de défilé et bloquées de part et d’autres dans une souricière soigneusement préméditée, alors que l’autorisation avait été demandée en bonne et due forme. Le préfet de Police de Paris a prétexté des raisons de sécurité, dont j’aimerais savoir pourquoi elles ne concernent pas d’autres types de défilés… Deux poids, deux mesures. En outre, c’est ajouter de l’injustice à l’injustice, et à interdire à la colère populaire légitime de s’exprimer, on ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu… Voilà qui ne fait que renforcer dans le fonds le ressentiment de la population, et des communautés systématiquement discriminées. Nous sommes à présent montrés du doigt y compris à l’étranger, sur la scène internationale, et le prestigieux New York Times a beau jeu de pointer du doigt la fausseté comme la dangerosité des arguments du ministre de l’Intérieur, tartuffe en chef qui fait le jeu des terroristes en dressant des communautés les unes contres les autres… En outre, les différentes autopsies n’ayant pas permis de révéler la vérité sur les raisons exactes de la mort d’Adama Traoré, l’argument avancé sur Cazeneuve selon lequel il s’agit de ne pas jeter la suspicion sur les policiers ne tient pas la route une seconde ; trop tard, c’est déjà fait, une fois de plus. Et pour cause : pas de justice, pas de paix.