Depuis le début des plateformes de streaming nouvelle génération, disons depuis les débuts grand public de Meerkat puis Periscope, la question des droits est cruciale. Si l’utilisateur lambda qui diffuse son quotidien plus ou moins intéressant sur ces plateformes ne pose pas vraiment de problème, cela devient vite compliqué quand on parle d’événements qui font le rayonnement de ces services. En première ligne : le sport et la musique.
On l’a bien vu avec les différents festivals d’été ou avec le concert de reformation des Guns and Roses, vu en direct de Las Vegas via Periscope interposé en direct sur ma TV. La diffusion live de ce genre de rendez-vous est très prisée. Par les utilisateurs d’abord, mais aussi par les détenteurs de droits qui y voient une nouvelle manne financière importante. Autant dire que dans le monde du sport business, il y a vraiment de quoi faire… C’est d’ailleurs sans surprise le secteur de prédilection des géants du Web d’aujourd’hui, Facebook et Twitter en tête, qui ont des stratégies bien différentes…
Twitter achète des droits pour diffuser en propre
Stratégie numéro 1 : croire qu’on peut remplacer une chaîne de TV parce qu’on draine des conversations autour du sport.
C’est le pari fait par Twitter qui n’en finit plus d’annoncer des partenariats avec le sport américain. Le réseau achète en propre des droits de diffusion pour des matches de seconde zone dont les TVs traditionnels ne veulent pas. Exemple avec les matchs de NFL du jeudi soir. Pourquoi pas.
Mais pour faire du teasing sur sa nouvelle plateforme révolutionnaire le réseau de Jack Dorsey s’est lamentablement planté. N’ayons par peur des mots.
Il faut dire que la promesse d’engager les fans directement à côté du player vidéo diffusant le flux vidéo (d’un match acheté par Twitter ou d’un contenu en direct proposé par un partenaire) était (trop) belle. Ca a suffit à faire parler du dispositif malgré la pauvreté du fond, c’est toujours ça de gagné. Le premier essai en question était sur Wimbledon avec ESPN. La promesse faite par tous les “influenceurs” Twitter (ses salariés, ses “tweeps”) pour faire monter l’attente ? “Regardez Wimbledon en live grâce et depuis Twitter !”
Le flux vidéo en question n’était en fait qu’une suite de plateaux interminables et de sujets qui parlaient du match en question. Avec en fond sonore le stade qui vibrait au fil du match qui lui battait son plein et dont on n’avait même pas le score à l’écran… La curation des tweets à côté du flux vidéo n’apportait d’ailleurs pas grand chose, surtout une fois la vidéo en plein écran (avec son mobile dans la main pour suivre Twitter, à sa façon, sans l’outil dédié, c’est bien plus efficace).
Heureusement pour voir le 5ème set de Tsonga il y a Twitter qui diffuse #Wimbledon en vidéo live #runninggag pic.twitter.com/AqZgB235LA
— Thomas Gouritin (@tomg_) July 6, 2016
Facebook parie sur l’engagement et les “influenceurs” naturels
Stratégie numéro 2 : servir de canal de diffusion pour les ayant droits.
Croyez-moi ça me fait mal de dire ça, mais dans ce combat du live Facebook a tout compris. Quand Twitter veut absolument acheter en propre des droits pour diffuser du sport, Facebook pousse les détenteurs de droits à le faire par eux-mêmes. Certains avec un gros chèque pour être sûr qu’ils suivent. D’autres naturellement parce que c’est la plateforme idéale pour engager des hordes de fans qui n’attendent que ça.
On en a la preuve tous les jours depuis le début de l’été. Avec le basketball mondial des jeunes sur lequel j’ai déjà écrit il y a peu (cf : Comment la FIBA utilise le streaming pour démocratiser le basket). Mais aussi dans le football, sport numéro un par excellence dès qu’on parle marketing et sport business. La liste des événements diffusés en direct sur Facebook (et non pas PAR Facebook) s’allonge chaque jour un peu plus. D’autant plus dans une période où des événements très intéressants pour les “vrais” fans sont boudés par les circuits de diffusion traditionnels.
Qui voudrait diffuser un match de poule de championnat d’Europe de basket U16 féminin en y investissant de l’argent pour la production et les droits ? Même notre TNT sportive qui fait beaucoup pour les “petits” sports n’en est pas encore là. Pourtant, des milliers de fans sont à portée de mobile et attendent ces contenus. La FIBA l’a bien compris, et je vous invite à jeter un oeil à l’article dédié avec le petit mot de Nicolas Chapart pour comprendre la logique.
Dans cette lignée, on a pu voir en direct sur Facebook des championnats d’Europe et du monde jeune de handball, l’ensemble des matchs amicaux des équipes US de basket, mais aussi un match amical de Manchester United. Preuve que ce nouveau canal de diffusion séduit au delà des compétitions qui restent malgré tout confidentielles pour le grand public. Facebook développe donc son outil pour donner envie aux détenteurs de droits de diffuser des contenus live qui trouveront un impact certainement plus important (ou au moins en vue d’une campagne plus centrée sur le digital) via ce biais pour cet événement précis, que par les canaux “habituels”.
Quand Manchester United se met à faire du live streaming… sur Facebook !
Du live diffusé SUR un réseau, ou PAR un réseau ?
C’est là que se fait toute la différence. Et Facebook semble bien armé pour résoudre l’équation. L’audience très grand public se trouve bien sur Facebook, quoi qu’on en dise. Si l’on revient simplement aux racines de ce que devrait être le social media dans le sport, à savoir un échange direct entre une équipe/un sportif et ses fans, on comprend bien que cette diffusion par le club ou la fédération plutôt que par un réseau qui se pose en “nouvelle chaîne TV qui ne dit pas son nom” a beaucoup plus d’impact.
Malgré tout, il faut quand même relativiser tout ça. L’été était propice aux essais sur des compétitions peu diffusées par ailleurs. Quand les saisons pros vont reprendre, ce sera sûrement une autre histoire…