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Violence du moyen, d'Arnaud Roustan

Publié le 13 août 2016 par Francisrichard @francisrichard
Violence du moyen, d'Arnaud Roustan

Etre moyen, c'est être ni bon ni mauvais, c'est représenter, dans une société, le type le plus répandu des hommes qui la composent. Rien donc de bien passionnant a priori dans la vie des êtres qui sont moyens. Ce n'est pas pour autant le gage que leur vie soit tranquille, comme un long fleuve.

Car s'en rendre compte peut être violent, en ce sens que cela peut être insupportable et susciter des réactions qui peuvent être extrêmes, allant de l'abattement à l'hystérie, en passant par tous les états intermédiaires. Les deux protagonistes de Violence du moyen, le roman d'Arnaud Roustan, en sont l'illustration. 

Aymeric Corbot - cela ne s'invente pas un tel patronyme pour un tel métier - est rédacteur au Bureau des Lettres Anonymes. Son travail consiste à rédiger des lettres pour le compte de clients qui ne savent pas écrire, qui n'osent pas dire les choses et qui, en conséquence, veulent garder l'anonymat vis-à-vis de leurs destinataires. 

Sébastien Boffret - le patronyme est là encore symbolique - est l'un des clients d'Aymeric. Sébastien, sans emploi, la quarantaine, fantasme sur Carole et épie ses faits et gestes. Mais il ne sait pas comment entrer en contact avec elle. La lettre anonyme est un moyen, pas tout à fait comme un autre, de s'en faire remarquer.

En désespoir de cause, après avoir sous-traité à Aymeric des lettres qui sont autant de lettres de pur harcèlement, Sébastien demande à son interlocuteur de lui en rédiger une ultime pour annoncer à Carole sa disparition. Il ignore que ses lettres ont éveillé l'intérêt de celle-ci et qu'il a peut-être sa chance avec elle.

Carole est en effet allée voir un jour Aymeric pour connaître l'identité de son épistolier, mais celui-ci a refusé de la lui révéler, secret professionnel oblige. Alors elle est repartie dépitée, ne se doutant pas que Sébastien, après l'envoi de sa dernière missive, serait à bout, passerait à l'acte et la violerait.

Sébastien se retrouve en prison, condamné à vingt-cinq ans de réclusion. Commence un échange épistolaire entre lui et Aymeric, qui finissent par se lier d'amitié. Certes l'un est soi-disant libre et l'autre derrière les barreaux, mais ils se ressemblent: après tout, ils sont tous les deux moyens.

Aymeric et Sébastien évoluent dans un monde où tous ceux qu'ils rencontrent sont moyens, comme eux, qu'il s'agisse pour le premier des correspondants que lui a trouvés Aymeric ou pour le second de collègues de travail, comme Marine, avec laquelle il aimerait faire plus ample connaissance et qu'il se contente de surveiller.

Ce monde, que dépeint très bien Arnaud Roustan, se caractérise par une difficile, voire impossible, communication entre les êtres (alors qu'il n'y a jamais eu autant de moyens mis à leur disposition), par leur solitude dans laquelle ils finissent par se complaire, par une absence de sens, dû à la complète disparition d'aspirations spirituelles.

Ce qu'écrit Aymeric à son désormais ami Sébastien est symptomatique à cet égard: Le sens disparaît à force d'interprétation, récupération, surinvestissement - on n'a plus pour trancher que de vieilles breloques, stone washed, élimées. De plus en plus je ne sais plus quoi penser de rien et je navigue à vue... Alors, l'instinct, oui. L'instinct.

Une des dernières phrases du livre ne l'est pas moins, symptomatique: La vie reprendrait son souffle, libre et condamnée...

Francis Richard

La violence du moyen, Arnaud Roustan, 240 pages, L'Âge d'Homme (sortie en Suisse le 15 août 2016)


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