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Gomorrra (2015) : l’autre Naples

Publié le 28 août 2016 par Jfcd @enseriestv

Gomorra est une nouvelle série de 12 épisodes par saison diffusée depuis l’hiver 2015 sur Sky Italia et s’est finalement trouvée une place aux États-Unis dans la grille de Sundance TV depuis la fin août. L’action se déroule à Naples dans un ghetto peu accueillant alors que deux factions rivales se spécialisant dans le commerce de la drogue se déclarent la guerre : celle dirigée par Salvatore Conte (Marco Palvetti) et l’autre par Don Pietro Savastano (Fortunato Cerlino) dont on a davantage le point de vue. Dans les premiers épisodes, ce dernier est à la recherche de taupes dans ses rangs, tout en songeant à sa succession. Adaptation du roman éponyme de Roberto Saviano, Gomorra nous offre un portrait du milieu des trafiquants hautement plus convaincant que certaines créations qui nous ont été offertes ces dernières années par les Américains. Les personnages de par leur complexité nous fascinent, tout comme la mise en scène qui a le potentiel de séduire n’importe quel public étranger.

Gomorrra (2015) : l’autre Naples

Un maître hors de l’ordinaire

Jamais l’expression « À trop jouer avec le feu » n’aura eu plus de sens que dans le premier épisode de Gomorra. En effet, des différends existaient déjà entre les deux clans, mais lorsque les « laquais » de Don Pietro incendient la demeure de Conte (et par le fait même, failli tuer la mamma de celui-ci qui s’y trouvait), il ne semble plus y avoir d’issue entre ces deux égos surdimensionnés prêts à tout pour survivre. À mesure que les luttes s’intensifient, que les clans se mettent à perdre certains membres quasiment vénérés, seul Ciro Di Marzio (Marco D’Amore) sort du lot aux yeux de Don Pietro qui se sentant plus vulnérable, se met soudainement à s’inquiéter pour sa succession. Il a bien un fils : Gennaro surnommé Genny (Salvatore Esposito), mais celui-ci est beaucoup trop indolent et n’en impose pas assez à son goût. Il charge donc Ciro de lui apprendre les reines du métier. Entre-temps, par un concours de malchance au second épisode Don Pietro est intercepté par deux policiers parce qu’il roulait trop vite et qui retrouvent dans son coffre arrière une valise pleine d’argent qui lui vaut d’être amené au poste, puis d’être transféré en prison en attendant son procès. Mais le vieux loup en a vu d’autres et de toute façon, sa réputation est telle qu’il est traité avec beaucoup d’égard, même derrière les barreaux.

Ce doit être en partie la faute de Francis Ford Coppola et sa trilogie du Parrain, mais c’est comme si depuis, cette trilogie était la référence par excellence, voir incontournable, si bien que les séries qui ont suivi, entre autres ces dernières années, ne se sont jamais écartées du modèle, notamment dans la représentation du chef de clan. Intouchable, celui-ci vit dans le luxe, ne perd jamais son calme et délègue au lieu d’agir. Il faut bien retourner au sud de l’Italie, là pourtant où ont vécu les ancêtres de ces protagonistes pour s’apercevoir que leur manière de fonctionner est bien différente! En effet, ce qui nous frappe chez Don Pietro est son manque de prestance. Certes, sa maison est d’un style très « royal », mais jamais on ne le prendrait pour un chef de clan à son habillement, sa posture, son timbre de voix et ses manières. Son côté très humain ressort aussi lorsqu’il se retrouve en prison et qu’il se lie d’amitié avec un jeune homme. Ce dernier est tout fier du vol de sa première banque, quitte à avoir été pincé. Sa fougue rappelle à Don Pietro la sienne dans sa jeunesse et il le traite comme un père. On comprend tout de suite qu’il préfère cette désinvolture à l’attitude de son fils qui se comporte comme un gros matou paresseux.

Gomorrra (2015) : l’autre Naples

À l’opposé sur le terrain il se joint à ses employés et n’hésite pas à accomplir les basses besognes lorsque cela est requis et c’est justement dans ces moments où s’exprime le côté le plus impitoyable de l’homme et dès lors, le respect qu’il impose est tout à fait logique. Ciro dont on ne connaît pas grand-chose pour le moment est un peu le reflet du téléspectateur, à la fois effrayé et en admiration face à cet homme hors du commun.

Jungle urbaine

La mise en scène vient aussi renforcer cette proximité de Don Pietro avec ses employés. D’abord, il vit dans une maison luxueuse, certes, mais pas nécessairement ostentatoire. Ensuite, celle-ci est située au beau milieu d’un ghetto, soit, dans le même voisinage des gens qu’il commande. D’ailleurs, cet environnement où les protagonistes évoluent est très morne. On est loin du soleil est des splendeurs de cartes postales de Naples dans ce quartier où le gris domine, qu’il s’agisse des constructions, des tenues vestimentaires ou de la météo qui ne s’améliore jamais!

Gomorrra (2015) : l’autre Naples

Quant à la violence, elle est omniprésente, mais beaucoup plus réaliste que celle dépeinte dans les séries américaines. Dans Gomorra, les punitions infligées aux mouchards, de même que les coups échangés entre les deux clans ne laissent aucune place à l’imagination. Si on a quelquefois le réflexe de détourner les yeux de l’écran, c’est que la production ne s’autocensure nullement, tenant à montrer les choses comme elles sont et sans filtre à l’opposé de ce qui se fait aux États-Unis. On le sait, la violence est beaucoup plus présente dans les séries américaines à l’exception que dans ce pays, on la glorifie tout en la simplifiant : question d’abord et avant tout de donner un bon divertissement aux téléspectateurs à un point tel où on a l’impression de regarder des séquences de jeu vidéo. Qui plus est, on jurerait que certaines séries ont été financées par la NRA tellement les armes sont au cœur du récit. À ce sujet, l’exemple le plus probant est Gang Related de Fox en 2014 alors qu’on pouvait assister à des fusillades sans fin, alors qu’une scène plus tard, on « floutait » un doigt d’honneur…

Lieux neutres, personnages universels, organisations criminelles comme on en retrouve partout : c’est sûrement en partie ces facteurs à la fois réalistes et universels qui expliquent le succès de Gomorra en Italie et à l’étranger. En effet, dans son pays d’origine, on compte une moyenne de 1,2 million de téléspectateurs par épisode alors que la série a été vendue dans plus de 130 pays dans le monde. Sans trop de surprises, les Américains sont assez en retard sur les autres puisqu’une deuxième saison a été diffusée cet été en Italie et le succès ne se démentant pas, la production a annoncé à la même période deux saisons supplémentaires.


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