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Le circuit du médicament : une affaire de management de la qualité

Publié le 31 août 2016 par Oy

Complexe en ce qu’il fait intervenir une multiplicité d’acteurs (médecins, pharmaciens, infirmiers, préparateurs), le circuit du médicament suppose notamment deux éléments fondamentaux : une personne (le patient) et un produit (le médicament).

Il revêt, à cet égard, une double signification : le circuit clinique, c’est-à-dire la prise en charge médicamenteuse du patient hospitalisé, de son admission à sa sortie, d’une part, et le circuit logistique, c’est-à-dire le parcours du médicament en sa qualité de produit de santé, de son achat à sa délivrance, d’autre part (Cf. rapport de l’IGAS de mai 2011).

Dans la chaîne de soins, ces deux circuits, clinique et logistique, se rejoignent lors de l’administration du médicament au patient. Ils comprennent la prescription, la dispensation, la préparation, l’approvisionnement, la détention ou le stockage, le transport, l’information du patient, l’administration médicamenteuse et la surveillance subséquente du patient.

C’est au regard de cette distinction sémantique et des scandales médiatiques relatifs à des erreurs médicamenteuses qu’il importe d’appréhender l’arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé.

Ce texte marque un tournant pour l’organisation et le fonctionnement interne des établissements de santé, dans le cadre de la pharmacovigilance, de la gestion des risques, et même des systèmes d’information.

Sur la forme, le législateur s’est manifestement inspiré des recommandations de la Haute Autorité de Santé. Sur le fond, l’arrêté du 6 avril 2011 inscrit, dans le marbre réglementaire, la nécessité de l’informatisation des processus de prise en charge médicamenteuse, comme une des conditions essentielles à sa sécurisation.

Cela signifie, aux yeux de la Justice, que les bonnes pratiques inscrites dans l’arrêté sont devenues juridiquement opposables car dotées d’une force contraignante.

Une gestion des risques renforcée

Aux termes de cet arrêté, il est nommé dans chaque établissement un responsable du Système de Management de la Qualité (SMQ) de la Prise En Charge (PEC) médicamenteuse, dont la mission consiste à s’assurer que le SMQ est défini, mis en œuvre et évalué, à rendre compte du fonctionnement de ce SMQ à la direction de l’établissement et à la Commission (ou à la Conférence) médicale d’établissement, et enfin à proposer les améliorations qu’il estime nécessaires.

Il est possible de désigner ce responsable en la personne du coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins.

Il devient obligatoire, pour chaque établissement, d’établir un système documentaire relatif à l’assurance qualité de la PEC médicamenteuse, ce qui comprend un manuel de la qualité, des procédures et des modes opératoires, tous les enregistrements nécessaires, en ce compris ceux relatifs à la déclaration interne des Evènements Indésirables (EI), des Erreurs Médicamenteuses (EM) ou des dysfonctionnements liés à la PEC médicamenteuse.

La France ne disposant pas actuellement de système pérenne de recueil des Événements Indésirables Graves (EIG) médicamenteux permettant des examens approfondis et des actions correctives, l’arrêté a renvoyé à chaque établissement le soin d’organiser son propre recueil.

Il appartient désormais aux établissements de procéder à une étude des risques encourus par les patients, laquelle porte a minima sur ceux pouvant aboutir à une EI, à une EM ou à un dysfonctionnement à chaque étape du processus.

L’arrêté fait également peser sur les personnels médicaux et soignants une obligation de résultat en ce qu’ils doivent garantir chaque étape de l’administration du médicament aux patients.

Une « déclaration interne » est organisée, et toute personne impliquée directement ou indirectement dans la PEC médicale est tenue de déclarer les EI, EM et dysfonctionnements.

Une informatisation obligatoire mais source de nouveaux risques

L’informatisation vise essentiellement à la sécurité des processus afin que « le bon patient reçoive le bon médicament au bon moment, à la bonne dose et selon la bonne voie d’administration. »

Elle ne prémunit pas, pour autant, des risques, observation étant faite que les trois principales causes d’EM induites par l’informatisation du circuit du médicament sont les facteurs humains, les problèmes de communication et les problèmes de conception.

Les facteurs humains regroupent essentiellement stress, surmenage, pratiques défectueuses et erreurs informatiques liées une sélection incorrecte dans une liste par l’opérateur. Une formation initiale et continue de qualité demeure donc primordiale.

Les erreurs d’unité sont, par exemple, dues au paramétrage du progiciel et au livret thérapeutique de l’établissement. Une présentation insuffisamment aérée des choix proposés à l’écran ne facilite pas une lecture attentive. De même l’affichage multi écran de toute prescription de plus de dix lignes complique la lisibilité d’une ordonnance et amplifie les erreurs d’omission d’arrêt de traitement observées.

Le panel des logiciels disponibles dans les établissements (logiciels métiers dans certaines unités de soins, logiciel de gestion, logiciel du circuit des chimiothérapies n’ayant pas d’interface avec celui des médicaments, etc.) montre les difficultés à informatiser un processus complexe. On pourrait imaginer des logiciels intégrés permettant d’assumer l’ensemble de ces fonctions dans un même environnement.

Quand, dès le départ, un établissement de santé lance un marché (public ou privé) sur un logiciel, il doit définir en amont ses besoins avec précision pour que les éditeurs en comprennent les tenants et les aboutissants puis offrent la solution la plus adéquate.

L’informatisation du circuit du médicament nécessite également une confiance absolue au plan, notamment, de la continuité du service. Enfin, son avantage est de contribuer à l’essor de la pharmacie clinique et analytique du médicament, qui suppose un dialogue renforcé entre les médecins, les pharmaciens et les infirmiers.

Personne, aujourd’hui, ne remet en cause l’informatisation du circuit du médicament, et ce d’autant moins depuis la publication de l’arrêté du 6 avril 2011, car celle-ci offre de nombreux avantages : prescription en temps réel, partage de l’information entre tous les acteurs du circuit du médicament, accès à des outils d’aide à la prescription (bases de données, livret thérapeutique, proposition d’équivalences thérapeutiques) et gain de productivité (meilleure connaissance de l’historique médicamenteux, résultats biologiques) et les infirmières (lisibilité des prescriptions, préparation des médicaments, fin des recopiages).

Il convient toutefois de prendre en compte les EM directement engendrées par l’outil informatique, afin de mieux les prévenir. L’arrêté du 6 avril 2011 y contribue modestement, de ce point de vue, l’objectif étant pour les établissements de ne pas se laisser déposséder de la maîtrise du risque et de ne pas la déléguer involontairement au juge pénal. Mieux vaut gérer le risque en interne plutôt que d’être mis devant le fait accompli ».


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