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Monde animal, de Blaise Hofmann

Publié le 06 septembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
Monde animal, de Blaise Hofmann

Dans Monde animal, Blaise Hofmann invite le lecteur à le suivre dans ses déplacements: dans le Jura (il est pour lui féminin: il n'offre pas assez de pointes pour arrimer l'esprit), à la Jonction de l'Arve et du Rhône, dans les cavités naturelles du Jura, au Jardin botanique de Genève, au sommet du Mont Mourex, à la Gemmi ou dans l'Île aux Oiseaux, au large de Morges...

Que cherche-t-il dans tous ces lieux? La faune. Dans son premier récit, qui raconte un déplacement en hiver dans le Jura, il explique: La faune inscrit des notes imprévisibles sur ma partition, c'est la bande son de mon déplacement. Et le fait est que, lors de ses déplacements, les notes sur ses partitions sont imprévisibles.

Dans le Jura, la note est par exemple celle d'une rosalie des Alpes, trouvée sur un tronc mort: Un grand corps bleu cendré avec des taches noires veloutées, des antennes deux fois plus grandes qu'elle, des antennes ponctuées de petits pompons formés de touffes de poils noirs. Ce coléoptère ne vit que dix jours, après avoir été larve pendant quatre ans.

Pierre Baumgart, auteur des illustrations de ce livre imprimé au plomb, sur du papier à la cuve, relié au fil, lui montre, près de la Jonction, dans le Rhône indolent, un corps visqueux d'un mètre et demi au moins. C'est la fascination, intacte, mélange de crainte, de respect, le grand frisson, une peur préhistorique, les limbes de l'inconscient: un silure.

Dans les cavités naturelles du Jura, pour distinguer les espèces de chauves-souris, il faut un détecteur d'ultra-sons. Il permet de déceler leurs cris inaudibles. Celle-là émet à 112 kilohertz: il s'agit bien du petit rhinolophe... Pierre dessine une des petites boules suspendues à l'envers: une forme abstraite, un jeu d'ombres, peut-être sa gravure la plus contemporaine.

Au Jardin botanique de Genève, après la fermeture, Blaise et Pierre observent des lépidoptères migrateurs: Les sphinx du liseron maîtrisent le vol stationnaire, un vol précis, vers le haut, vers le bas, en avant, en arrière. Ils sont dotés d'une trompe plus grande que leur corps, ils butinent le nectar profondément enfoui dans les corolles des fleurs de tabac.

Claude Ruchet travaille à l'aéroport de Cointrin. Passionné d'ornithologie, au sommet du Mont Mourex, il se tient seul et immobile sur sa chaise de camping. Un jour, entre fin juillet et début septembre, il note à 13h16 un vol de sept cigognes noires. La cigogne noire? Le bec rouge, un triangle blanc sur les aisselles, gracieuse, majestueuse.

A la Gemmi, le meilleur site d'observation en Europe, c'est à un oiseau rare qu'il s'intéresse: le gypaète. Il écrit ironiquement: Entrez gypaète et Gemmi dans votre moteur de recherche, vous sentirez un souffle léger d'authenticité, d'harmonie et de pureté. Vous verrez défiler des centaines de clichés dénués de pollution visuelle, accompagnées de légendes inspirées...

Blaise Hofmann est en effet fâché grave: La civilisation est une vie de coucou, une vie entière dans le nid d'un autre. Or, pour lui, la nature sauvage est un surplus d'âme. Il dit encore: La nature, c'est la liberté. Il s'afflige de la disparition d'espèces dans l'indifférence générale. Dans cet esprit, il déteste l'excursion organisée qu'il a faite à l'Île aux Oiseaux...

Aussi à la fin de son livre s'adresse-t-il à sa fille, née il y a quelques mois, qui lira un jour son livre, quand elle sera grande. Il écrit: L'animal ne tourne pas autour de l'homme, il n'est pas son plus cher compagnon, sa plus noble conquête, il est ta soeur de sang, ton frère inavoué, un double déroutant. Non seulement l'animal pense, mais il donne à penser.

Ce passage, à la tonalité franciscaine, comme l'ensemble du livre, ne peut que toucher: il invite à aimer et à respecter les animaux et c'est très bien. Car celui qui les aime et les respecte aimera et respectera certainement davantage ses semblables que celui qui les déteste et les maltraite. Mais cela veut-il dire pour autant qu'il faille préférer vie sauvage à civilisation?

Francis Richard

Monde animal, Blaise Hofmann, 176 pages éditions d'autre part


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