01 – Charles et Marie-Laure de Noailles, Hyeres, 1928 Extrait du film de Jacques Manuel, Biceps et Bijoux CNC, archives du film
C’est sur les hauteurs d’Hyères, au sommet d’un terrain escarpé aménagé en jardin, sur les ruines du Clos Saint-Bernard que le vicomte et la vicomtesse Charles et Marie-Laure de Noailles décident de faire bâtir leur maison de villégiature.
En 1923, ils décident de faire appel au jeune architecte Robert Mallet-Stevens (1886 – 1945), qui jusqu’alors est surtout connu pour ses travaux de décorateur.
La construction initiale dure deux années, de 1923 à 1925, où Mallet-Stevens aidé du maître d’œuvre Léon David va ériger l’une des toutes premières constructions de style moderne de France.
02 – Villa Noailles Vue du batiment a l’achevement des travaux, avril 1925 Publiee dans la revue Das Werk, Zurich, 1927 Photographe inconnu Collection villa Noailles
En effet, la villa répond parfaitement aux préceptes fondateurs du mouvement rationaliste dont les maîtres mots sont : fonctionnalité, absence d’éléments purement décoratifs, lumière, hygiène et technologie.
03 – Villa Noailles
Le bâtiment initialement proposé par Mallet-Stevens est donc plutôt « modeste ». Il repose sur les ruines de l’ancien couvent et se compose de cinq chambres, d’un séjour et d’une salle à manger. Dans un souci d’hygiénisme de l’époque, toutes les chambres sont dotées de leur propre salle de bain ainsi que de leur terrasse individuelle.
04 – Villa Noailles – Salle de bain
Afin d’obtenir un maximum de lumière aux pièces de vie, elles sont toutes orientées plein sud contrairement aux circulations et escaliers situés au nord et éclairés par des puits de lumières et vitraux de Louis Barillet, laissant entrer la lumière zénithale.
05 -le parvis vu depuis le salon de lecture, villa Noailles Olivier Amsellem, 2008
06 – Villa Noailles – Vitraux
07 – Villa Noailles Vue de l’escalier de la piscine, 1928 Photographe Thérèse Bonney Collection privée
08 – Villa Noailles – Vitraux
De l’extérieur, la villa est dessinée par des cubes savamment imbriqué jouant avec les pleins et les vides. L’articulation des volumes et les porte-à-faux rend l’architecture vivante au rythme du soleil créant ainsi des jeux d’ombres et de lumières.
Le dessin de l’édifice se lit comme une promenade architecturale. L’horizontalité privilégiée est équilibrée grâce à un volume vertical : le belvédère qui accueille l’escalier. Cependant, le belvédère initialement érigé va être rabaissé à la demande du propriétaire qui le juge alors inutile et trop décoratif.
Les toits sont plats, ces toits-terrasses permettent aussi de révéler la maison sous un autre angle.
09 – villa Noailles Olivier Amsellem, 2013
10 – Villa Noailles
La villa dessinée par le jeune architecte semble donc être un parfait modèle de l’esthétique que permet le béton armé.
Cependant, il n’en est rien. Cette construction avant-gardiste bâtie entre les deux guerres va se contenter et s’adapter aux techniques traditionnelles et locales du sud de la France.
Ce matériau va ensuite être enduit afin d’homogénéiser l’ensemble des différents bâtiments qui a permis de rapprocher l’architecture au mouvement De Stijl.
11 – villa Noailles Olivier Amsellem, 2013
A l’image de ses propriétaires, la maison ne cesse d’évoluer entre démolitions et extensions dans le but d’accueillir toujours plus de convives. Les plans de Mallet-Stevens changent au cours de la construction afin d’y introduire d’avantage de chambres.
Les Noailles font intervenir jusqu’en 1932 divers architectes. C’est ainsi que la petite maison passe en 1925 de cinq à neuf chambres puis en 1926 jusqu’à quinze chambres d’amis et plusieurs chambres de domestiques dans différentes annexes. Les chambres des domestiques sont pour leur part traitées avec moins de confort.
12 – Villa Noailles – plans
De l’extérieur, les volumes sont impressionnants. Néanmoins, les pièces à vivre et les chambres restent relativement modestes bien que fonctionnelles en adoptant des mobiliers intégrés en niches à l’architecture. De grands placards muraux sont présents dans toutes les chambres.
13 – Villa Noailles Vue d’une des chambres d’ami aménagé par Djo-Bourgeois, 1928 Photographe Thérèse Bonney Collection privée
Toujours dans une volonté de confort, les Noailles font poser une horloge sur le mur de chaque chambre, toutes reliées à un mécanisme central.
Le désir d’un équipement sportif et de sanitaires très poussés relève du courant hygiéniste. En 1927, la Villa Noailles est l’une des premières maisons où l’on trouve une piscine intérieure privée. Cette piscine à la géométrie surprenante est réalisée cette fois en béton armé.
14 – piscine, villa Noailles Joel Tettamanti
La modernité ne s’arrête pas là. Cette piscine est située dans une pièce dont la façade sud est entièrement vitrée. Les baies s’escamotent dans le sol, laissant ainsi l’architecture se dématérialiser, système très ingénieux pour l’époque.
Devant trône une impressionnante terrasse dédiée à la piscine et au complexe sportif, ce dernier se composant d’un gymnase ainsi que d’une salle de squash.
15 – Villa Noailles – Terrasse Pisicine
16 – Villa Noailles Vue de la piscine, 1929 Photographe Studio Rey Collection privée
16 bis – Villa Noailles – Gymnase
On peut le dire, cette maison est un véritable terrain d’expérimentation de nouvelles tendances pour l’époque. On y trouve alors des pièces et éléments architecturaux toujours plus étonnants les uns que les autres : un salon rose, un salon de coiffure, une salle dédiée à la conception de bouquets de fleurs conçue par Van Der Doesburg et une chambre en plein air avec un lit suspendu.
17 – le salon rose, villa Noailles © Olivier Amsellem, 2008
18 – Salon Rose – Villa Noailles
19 bis – villa Noailles © Olivier Amsellem, 2013
20 – hall de la partie initiale, villa Noailles © Olivier Amsellem, 2008
Les extensions se succèdent aux grès des envies de Charles et Marie-Laure de Noailles.
La petite maison devient un véritable paquebot. Avec pour proue le jardin triangulaire dessiné en 1925 par Gabriel Guévrékian. Malheureusement, ce jardin lui aussi expérimental pour l’époque a subit des problèmes avec les joints des mosaïques, nécessitant plusieurs reconstructions, tout comme les toits-terrasses. Charles de Noailles décide alors de le faire recouvrir. Il sera par la suite reconstitué en 1986.
21 – Villa Noailles – Jardin
La villa offre un panorama exceptionnel surplombant la baie d’Hyères avec au loin l’île de Porquerolles.
22 – Villa Noailles – Vue
Le propriétaire souhaite ajourer le mur du jardin faisant face au panorama. L’architecte sceptique sur cette idée s’exécute tout de même. Le paysage est alors découpé comme un tableau.
23 – villa Noailles © Olivier Amsellem, 2013
24 – villa Noailles © Olivier Amsellem, 2013
Le riche couple de propriétaires est friand d’art, ils sont d’importants mécènes de leur époque. Ils ont des idées avant-gardistes et engagées, ils sont généreux et collectionneurs.
C’est ainsi qu’ils offrent la possibilité aux artistes de l’époque de se produire, ils leur rendent service soit financièrement, soit matériellement. Une anecdote qui prête à sourire : Marie-Laure de Noailles aurait donné sa Zil à César pour qu’il réalise sa première compression. Ils achètent, repèrent, commandent et organisent des expositions et des soirées mondaines regroupant artistes et intellectuels, ils font partie de plusieurs organismes culturels. Ils ont des centres d’intérêts variés concernant l’art : photographie, peinture, sculpture, littérature, cinéma, musique, danse… Charles se consacre à l’ethnographie. Leur mécénat est extraordinaire, ils ont joué un rôle important pour le tremplin de certains artistes et cinéastes.
La Villa Noailles était alors une joyeuse « galerie » permettant à ses propriétaires de faire cohabiter des pièces d’art et de design aux influences diverses.
Pour les Noailles la modernité est le collage/montage. On le retrouve alors autant dans la construction de la villa que dans l’aménagement mettant en scène des mobiliers issus des courants les plus divers. Pour les œuvres d’arts, il y avait entre autres Brancusi, Alberto Giacometti, Mondrian, Henri Laurens et Jacques Lipchitz.
26 – Villa Noailles – Luminaire
Pour le mobilier aux lignes industrielles et aux structures métalliques, ils dénichent des pièces dessinées par Pierre Chareau, Eileen Gray, Djo-Bourgeois et Francis Jourdain.
27 – Villa Noailles Vue du salon rose, 1928 Photographe Thérèse Bonney Collection privée
Le cours de la vie fait que les époux se séparent et délaissent leur maison de villégiature.
A la mort de sa femme en 1973, Charles de Noailles vend la Villa Noailles à la ville d’Hyères. Elle fut malheureusement laissée à l’abandon quelques années, squattée.
28 – Villa Noailles Vue d’ensemble, 1929 Photographe inconnu, carte postale Collection villa Noailles
Puis inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1975. Restaurée en plusieurs étapes de 1986 à 2012, elle est aujourd’hui ouverte au public et propose des expositions et concours sur les thèmes de la photographie, du stylisme, de l’architecture, du design, etc…
29 – Villa Noailles
Afin de faire perdurer cet esprit de mécénat, la Villa Noailles accueille et met en avant de jeunes artistes et designers d’aujourd’hui.
Plus d’informations sur le lieu : Villa Noailles (site officiel)
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By Blog Esprit Design