Smart city : un concept, une multitude d’horizons

Publié le 23 septembre 2016 par Pnordey @latelier

En fonction de ses ressources, de ses spécificité culturelles et des défis qui l’attendent, chaque ville possède sa propre manière de devenir intelligente...

A la clôture de l’évènement Bridge SF, qui explore chaque année la smart city sous toutes ses coutures, un constat s’impose : il n’y a pas une, mais bien des smart cities. A chaque horizon géographique correspond une culture, des problématiques et une approche différente pour améliorer l’organisation de la collectivité. Tour du monde des concepts présent à l’événement.

Les seniors en ligne de mire

Ainsi, pour certaines villes marquées par un vieillissement de leur population, la gestion des seniors constitue une priorité. A Singapour, le nombre de personnes âgées de soixante-cinq ans et plus est passé de 220 000 en 2000 à 440 000 aujourd’hui, pour une population de cinq millions et demi d’habitants. D’ici 2030, le chiffre est supposé doublé de nouveau pour atteindre 900 000 personnes. Une réalité qui implique de nouveaux défis en termes de santé publique. Le nombre d’attaques cardiaques est notamment en augmentation. En la matière, la prodigation de premiers secours dans les minutes suivant l’attaque permet d'accroître grandement les chances de survie de l’individu : malheureusement, il est rare qu’une ambulance puisse arriver sur place aussi rapidement. La municipalité a ainsi mis en place l’application MyResponder. « N’importe quel citoyen disposant d’une formation en secourisme peut s’inscrire sur l’application. » a expliqué Cheow Hoe Chan, Chief Information Officer de la ville de Singapour, lors de la dernière édition de Bridge SF. « Lorsqu’une personne âgée est victime d’une attaque ou d’un malaise, une notification est émise via l’application, que recevront tous les premiers-secouristes situés dans la zone géographique ».

Au Japon, pays également marqué par un vieillissement accéléré de sa population (un japonais sur quatre est un senior), les autorités ont collaboré avec IBM et Apple pour livrer des iPads aux personnes âgées. Les tablettes sont assorties d’applications développées par IBM, permettant aux seniors de gérer leur santé ou encore de se faire livrer leurs courses. Dans le cadre d’un partenariat avec IBM, la ville de Stavanger en Norvège a quant à elle mis en place en 2013 un programme de recherches et recommandations visant à rendre la ville plus accessible aux seniors.

Quand la ville s’attaque au bonheur

L’un des objectifs de la smart city est d’améliorer le bien-être des citoyens. Mais selon les horizons, cet objectif peut prendre des formes différentes. La ville de Dubaï a opté pour une approche idéaliste. Après que le premier ministre Sheikh Mohammed ben Rachid Al Maktoum a donné pour objectif de « faire de Dubaï la ville la plus heureuse du monde », la municipalité a mis en place un index du bonheur, visant à mesurer comment les services publics améliorent le bonheur des citoyens. Pour recueillir ces données, les autorités ont disposé, dans différents bâtiments publics et dans certaines zones géographiques clef, des appareils permettant aux citoyens de noter leur satisfaction quant au service reçu. Les pouvoirs publics ont ensuite créé une carte du bonheur montrant la satisfaction des citoyens selon les zones géographiques. Sheikh Mohammed ben Rachid Al Maktoum a également nommé une ministre du bonheur, Ouhoud Al-Roumi.

Singapour a opté pour une approche plus ciblée et pragmatique, en s’attaquant à l’un des grands maux de la vie moderne : la gestion de la paperasse administrative. « L’une des choses les plus irritantes pour les citoyens est la nécessité de remplir des formulaires et de rassembler tout un tas de documents lorsqu’ils ont rendez-vous avec une administration publique. C’est d’autant plus frustrant que ces documents ont souvent déjà été communiqués à une autre agence gouvernementale, mais malheureusement les différentes agences ne communiquent pas assez entre elles. » a affirmé Cheow Hoe Chan. « C’est pourquoi nous avons mis en place la plate-forme MyInfo, qui permet à chaque citoyen de créer un compte, d’y renseigner ses informations (adresse, numéro de sécurité sociale, etc.), d’y centraliser leurs documents sous forme numériques et de pré-remplir les formulaires avant une rencontre administrative. »

La mobilité, une priorité

Les problématiques de mobilité diffèrent également d’une ville à l’autre. Singapour possède ainsi un système de bus très performant et bien fourni, mais fait face à un accroissement drastique de sa population, passée de 1,9 à 5,5 millions entre 1965 et aujourd’hui. Comme il n’est pas possible de continuer indéfiniment à mettre davantage de bus sur les routes, la municipalité a eu recours au Big Data pour améliorer l’efficience du système, et procurer un service plus performant en conservant les mêmes infrastructures : « Les usagers doivent badger à la montée et à la sortie du bus, ce qui génère des données indiquant les trajets effectués chaque jour par nos concitoyens. Nous avons pu ainsi optimiser les itinéraires des bus en fonction des besoins. » a expliqué Cheow Hoe Chan. Des bus à mi-chemin entre transports publics et mobilité à la demande ont également été mis en place : à travers l’application Beeline, les singapouriens peuvent renseigner leur trajet et réserver une place dans un bus qui adapte son trajet aux besoins des usagers.

Dans la baie de San Francisco, les nouvelles options de déplacement viennent se greffer au système de transports existant. Les applications de navigation (Google Maps, Swyft, City Mapper…) intègrent ainsi transports publics et taxis à la demande (Lyft, Uber) pour offrir aux individus des options de trajet multi-modales les emmenant du point A au point B. De nombreux individus vivant à San Francisco et travaillant dans la Silicon Valley se rendent ainsi en vélo jusqu’au Caltrain (train inter-cité) et complètent leur trajet à l’aide d’un Lyft ou Uber. Selon Alain Flausch, secrétaire général de l’International association of public transport, ce système bicéphale a de l’avenir : « Dans des villes de taille et de complexité croissante, il n’est pas possible d’offrir à chaque citoyen une option de transport l’amenant directement de chez lui au bureau. Il faut donc s’assurer que les connexions fonctionnent le mieux possible. Par ailleurs, certaines lignes de transport ne seront jamais suffisamment rentables pour être mises en place. Des options comme Lyft et Uber peuvent venir en renfort, offrant une solution aux individus vivant en banlieue et rentrant chez eux à deux heures du matin. » Au Brésil, la ville de Sao Paulo a ainsi négocié avec Uber pour établir des synergies avec le système de transports en commun.

Des hydrocarbures à la santé connectée

Enfin, certaines villes s’appuient sur les atouts de leur économie traditionnelle pour financer leurs projets smart city. La ville de Houston, au Texas, dont l’économie s’est construite sur les industries de transformation du pétrole, organise chaque année la conférence Pumps and pipes, qui vise à capitaliser sur les richesses issues de cette industrie pour inventer le futur de l’éducation, de la santé et de l’aérospatial. L’an passé, une mouture européenne de cet évènement a pour la première fois été organisée à Stavanger, en Norvège, ville qui a également construit sa fortune sur la richesse des sols pétrolifères et investit aujourd’hui massivement dans les initiatives smart city. Un seul terme donc, mais une infinité de réalités différentes. Chaque ville peut ainsi composer avec ses propres atouts et s’inspirer des réalisations des autres.