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La Rochelle : indisposés par les odeurs toxiques d'un chantier nautique

Publié le 26 septembre 2016 par Blanchemanche

#fouling #LaRochelle
Publiéle 22/09/2016  par PHILIPPE BAROUX
Délicate cohabitation sur le plateau nautique de La Rochelle.
Délicate cohabitation sur le plateau nautique de La Rochelle.© PASCAL COUILLAUD

Climat tendu entre un chantier nautique et l’entreprise voisine. Ce qui pose la question de la mixité des activités près du bassin des Chalutiers.

C'est un bâtiment industriel dans l'air du temps : bardage blanc, souligné de rouge et de gris. Un investissement de 3,2 millions lancé par la Communauté d'agglomération (CdA) de La Rochelle, subventionné par le Département. Maxime Bono, alors président de la CdA, l'inaugurait en 2012 en pointant la spécificité de ces 2 960 mètres carrés d'ateliers destinés à héberger des activités nautiques. La Rochelle, cap au large et soutien de son industrie phare… Refrain connu. Mais quatre ans plus tard, à l'extrémité du plateau nautique, l'histoire du Centre d'affaires nautiques 2 n'a plus le même éclat.Depuis le début de l'année, des tensions apparues entre deux voisins plombent l'ambiance sur le site qu'occupent une demi-douzaine d'entreprises.

Styrène et polyuréthane

Le point de crispation, ce sont des émanations de styrène et de polyuréthane. Ces substances toxiques proviennent de la production de bateaux en polyester au chantier Ofcet. Des voisins évoquent des odeurs fortes ; ils décrivent les maux qu'elles engendrent. C'est le cas notamment des cinq salariés de Récréation, une société d'impression mitoyenne.« Lorsque je sens l'odeur, ça me déclenche des maux de tête dans les cinq minutes »« Je suis migraineuse. Lorsque je sens l'odeur, ça me déclenche des maux de tête dans les cinq minutes », raconte Laëtitia. « Les jours où l'odeur est forte, j'ai encore le goût de résine dans la bouche quand je suis rentrée chez moi. Et j'habite à 17 kilomètres d'ici… », ajoute Marielle. Véronique Russeil, la cogérance de l'entreprise depuis janvier, résume la situation : « Nous travaillons fenêtres grandes ouvertes, même en hiver. Certains jours, l'odeur est tellement puissante que nous devons mettre un masque. Et lorsque ça empire, nous sommes contraints de stopper notre activité. » Cela fait des mois qu'elle remue ciel et terre, jusqu'à l'épuisement. Elle a fait le tour du voisinage, a recueilli des témoignages. Elle a activé tous les services des collectivités et de l'État possibles, du bureau d'hygiène de la Ville à la Communauté d'agglomération, en passant par la médecine du travail, la direction du travail et de l'emploi, la caisse de retraite et de santé, la direction de l'environnement, l'Agence régionale de santé, la préfecture.

L'avis de la justice

Certains fonctionnaires sont venus, à plusieurs reprises parfois. Véronique Russeil a longtemps espéré une réponse à la hauteur des nuisances qu'elle décrit avec son équipe. Et d'abord rapide. Ne l'obtenant pas, elle a déclenché cet été une procédure au civil pour que cessent les nuisances et qu'un expert judiciaire soit désigné pour constater l'importance des troubles. Déboutée. Au motif, entre autres, que Récréation ne rapporte pas « la preuve que les nuisances olfactives, quand bien même elles seraient avérées, se manifesteraient dans des proportions anormales et intolérables au regard de la spécificité du secteur d'activité ». Le secteur nautique, dont Récréation ne pouvait ignorer qu'en s'installant, il l'exposerait « à des odeurs incommodantes et régulières ». « Est-ce une raison pour que notre santé en pâtisse ? », interroge, lasse, la cogérante.

Que dit le patron ?

Au chantier Ofcet, jeune entreprise lancée tête en avant dans la production de voiliers joliment finis, neuf personnes travaillent. Les maux des voisins de Récréation ne sont pas balayés d'un revers de manche. « Que tout le monde puisse travailler correctement, sans nuisance des autres, c'est une idée qu'on entend évidemment, c'est humain », commente le patron. Yann Dubé concède qu'au démarrage, il ignorait la réglementation. Sa lecture des faits mérite aussi attention. « Nous nous sommes installés ici en mai 2015, puis nous avons pris une deuxième cellule pour nous agrandir en janvier dernier. Lorsque j'ai demandé à la CdA si elle avait un endroit où accueillir notre activité, le service économique m'a proposé ce bâtiment, me disant qu'il est dédié à nos activités nautiques et qu'il a été construit pour ça. J'étais donc loin d'imaginer tous ces problèmes. Quand ils sont arrivés, je les ai pris en pleine tête. »

Un ventilateur

L'atelier prévu par la CdA pour les activités nautiques n'était tout simplement pas équipé de dispositif de ventilation. Aussi, quand la Caisse de retraite et santé au travail (Carsat) a dit qu'il fallait ventiler l'atelier, Yann Dubé a acheté un extracteur spécifique. Mais il a dû attendre un bon semestre que le service technique de la CdA se décide à percer la toiture de l'une des deux cellules de l'atelier pour qu'il puisse connecter l'évacuation de ce grand ventilateur. C'est fait depuis le 5 septembre dernier.Ofcet a aussi acheté deux aspirations légères pour les placer au plus près des sources de styrène quand les ouvriers moulent les pièces en polyester. Et un autre gros bloc extracteur est acheté pour ventiler la seconde cellule de l'atelier. Il faut encore attendre un trou en toiture. Facture totale : 13 000 euros.Car mieux, c'est plus cher. 100 000 euros, estime le patron du chantier qui, à ce niveau, regarde en direction de la CdA. En dépit de ces équipements, les salariés de Récréation ont encore senti le styrène récemment. « Moi aussi cette histoire me fatigue, déplore Yann Dubé. Je n'espère qu'une chose : avoir un carnet de commandes suffisant qui me permette de partir d'ici. »Quid de la mixité des activités ?Le contentieux qui oppose les sociétés Récréation et Ofcet (lire ci-contre) ne serait-il que la face émergée d’un dossier plus embarrassant pour la Communauté d’agglomération (CdA) de La Rochelle ? Si ce centre d’affaires a été construit pour recevoir des activités nautiques, pourquoi Récréation, entreprise dont le métier est l’impression numérique, a-t-elle été autorisée à y acheter un local ? Au seul motif que certains de ses clients sont des acteurs du nautisme et qu’ils commandent l’impression de leurs logos sur des voiles et autres supports présents sur les bateaux et stands de promotion nautiques ? Voilà qui pose la question de la mixité des lieux d’autant plus sensible que la CdA accepte de louer au chantier nautique Ofcet un atelier aux murs poreux, sans parler de l’absence d’extracteur d’air.Les erreurs du passéJean-François Fountaine, le président de la CdA, et Jean-Luc Algay, vice-président en charge du développement économique, sont venus sur place évaluer la situation. Nous n’avons pas contacté Jean-François Fountaine, mais Jean-Luc Algay confirme la réalité de l’odeur et des émanations. « Nous sommes intervenus pour que l’évacuation d’air chez Ofcet puisse se faire en toiture, précise-t-il. Je ne cache pas qu’à un moment donné, j’étais à la limite de faire déplacer certaines activités. Mais nous voulons aller plus loin. Peu importe la responsabilité des uns et des autres, il faut que tout le monde puisse travailler dans des conditions correctes. Chacun regarde son entreprise et c’est logique, mais il faut que tout le monde fasse un pas. »Il poursuit : « À la CdA, nous récupérons certaines erreurs du passé et nous essayons de faire avec. Ce bâtiment n’est peut-être pas adapté pour la construction nautique, avec des murs poreux. Nous allons voir si nous pouvons améliorer l’étanchéité. Aussi avons-nous missionné deux entreprises spécialisées dans l’évacuation des fumées et des poussières, Air liquide et une entreprise allemande. »http://www.sudouest.fr/2016/09/22/sale-odeur-et-sale-cli-mat-2509077-1391.php

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