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France: La grande Muette donne de la voix

Publié le 19 juin 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Vendredi, 20 Juin 2008 01:39

Par William PETIJEAN

La grande muette donne de la voix. Derrière le pseudonyme de « Surcouf », un groupe d'officiers généraux et supérieurs des trois armées terre, air, mer, publie dans le Figaro d'hier un « point de vue » ...qui aurait dû être pris en compte pendant la rédaction du Livre Blanc sur la défense nationale présenté le 17 juin par le président de la République.

Dans la forme, ils sont très respectueux du chef suprême des armées : pour eux, c'est sa volonté politique qui aurait été dénaturée. Sur le fond, leur argumentation très développée vaut réquisitoire.

Relatio  leur donnait par avance raison sur un point essentiel : une occasion a été manquée de lancer une vraie refonte d'un système de défense « à bout de souffle » et des bases d'une nouvelle doctrine de sécurité nationale dans une dimension européenne. Nous leur donnons raison aussi sur un constat qui apparait en filigrane dans toute leur analyse : ce Livre Blanc consacre la reconnaissance d'un déclassement de l'armée française. « Nous laissons le leadership aux Britanniques. Nous jouons dans la division de l'Italie ». Et cela ne va pas s'améliorer puisque ce « Livre Blanc », selon « Surcouf », « ne fait aucun choix sérieux, en dehors des choix budgétaires ».

Et encore....Les auteurs de ce Livre de référence n'ont pas fait des économies où ils auraient dû : « Les structures intermédiaires des   états-majors ne sont pas touchées par les économies ». Pourtant c'est à ce niveau qu'il faudrait « tailler dans le gras »... « Notre organisation militaire est lourde, « doublonnante », peu centrée sur l'opérationnel ». Daniel Riot le soulignait dans son éditorial: 60% des effectifs ne sont pas opérationnels... Les Britanniques qui « pantouflent » à l'arrière ne sont que 40% ! 

Est-ce cette organisation bureaucratique qui explique la difficulté de changer le mode de raisonnement de nos grands stratèges patentés ? Pas seulement....Mais les faits sont là. Et ils ne vont guère s'améliorer

1)   La capacité de transport aérien stratégique ne répond pas aux besoins. « C'est tout le moins regrettable pour une armée très engagée à l'extérieur », note « Surcouf ».

2)   ) Notre conception de la défense reste   centrée sur les «programmes d'équipement» et non sur une évaluation réelle des besoins. Cela aboutit « à une dépense publique considérable pour une utilité opérationnelle faible ; avec en résultante, une «impasse financière» mettant en cause la crédibilité même du gouvernement dans son exécution des lois de programmation militaire »

3)   « L'absence de critères politico-militaires d'intervention, le flou des priorités géopolitiques (Afrique), l'absence de gestion des engagements dans le temps (Kosovo) aboutissaient à un saupoudrage de forces dicté par les habitudes du passé et la logique moutonnière de la participation obligatoire («il faut en être»). »

4)   La procédure de choix des programmes d'équipement, entre la direction générale pour l'armement (DGA) et les états-majors, ne va guère changer. Or, elle « était caractérisée par l'opacité et le conflit d'intérêt (le «service aux industriels») aboutissant à la dérive de coûts opaques, non maitrisés, et à l'inadaptation des équipements. »

Le Livre Blanc ne change apparemment rien à cela Il est vrai que toujours selon « Surcouf », « l'ampleur   des conflits structurels internes propres au ministère de la Défense n'a pas permis un travail serein » et a aboutit à une série d'incohérences, dont la plus grave est de dimension européenne : « Nous revenons dans l'Otan, avec une capacité militaire affaiblie, et tout en y revendiquant des postes de commandement. Nous prétendons faire de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) un dossier majeur du renforcement de la défense européenne sous présidence française, et nous baissons la garde au moment où nous souhaitons entraîner nos partenaires vers un renforcement de la défense européenne. », estime « Surcouf »

Sur ce point, on esquive trop la question-clef : qui veut vraiment une défense européenne ? Cette question en appellent d'autres, fondamentales : une défense européenne, avec qui, avec quels moyens et pourquoi faire ? Parler de « défense européenne » sans y répondre revient effectivement à se payer de mots.

Y répondre implique que l'on tire les leçons des métamorphoses géopolitiques de ce monde « plus dangereux aujourd'hui qu'hier ».

*La notion même de « conflit » a évolué. Nous sommes dans une ère de « guerres bâtardes » où l'implication des populations civiles est de plus en plus forte et où les causes de conflits se multiplient et se superposent.

*Nous vivons aussi, en Europe, une période d'illusion digne de celle qu'avait connu Stefan Zweig : ces dix dernières années, tous les budgets militaires européens ont diminué, mais dans le monde, ils ont augmenté de plus de 45%.... Etrange, non ?

*Nous vivons encore dans un monde où les grandes puissances sont dominées par des complexes militaro-industriels qui influencent les politiques alors que dans des pays comme la France c'est un lobby financiero-politique qui mène le grand bal des industries de l'armement. La différence est de taille.Même si en l'espèce c'est affaire de cynisme et non de morale

Dans ces conditions, ce Livre Blanc marque un décalage entre les ambitions proclamées du chef de l'Etat et les conséquences des choix (et des non-choix) faits.

Même sur le seul aspect positif de ce Livre Blanc (la priorité donnée au Renseignement), « Surcouf » affiche un scepticisme fondé : « A quoi bon avoir plus de renseignements si l'on a moins de moyens d'actions » ? Bonne question, en effet. Mais le ministre de la défense va sans doute rapidement inviter les signataires de ce réquisitoire à cesser de porter atteinte au moral de la nation...

William PETITJEAN

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