Des passerelles entre générations

Par Mauss

A force de n'entendre dans les radios, de voir sur les écrans que les problèmes de banlieues, on oublie trop souvent les jeunes qui ont bossé dur, qui ont intégré avec souvent peu de moyens de grandes écoles, et auxquels ma génération va laisser un paquet de problèmes dont cette lourde dette qui va rendre plus qu'aléatoire le système des retraites.

En sus, cette génération n'a pas connu, comme la nôtre (celle des "trois glorieuses") des parents pour lesquels l'éducation était totalement prioritaire - ce qui manifestement manque aujourd'hui - mais qui n'oubliait pas, lors des déjeuners du dimanche, de faire goûter un peu de vin avec de l'eau tant il était naturel, dans toutes les familles, de faire connaître sagement ce fantastique outil de civilisation qu'est le vin. Le mot convivial avait un sens réel qui restait toujours en phase avec le mot respect.

Etienne Klein avait abordé indirectement ce sujet lors d'un déjeuner où il nous raconta à quel point une petite équipe de 5 élèves passionnés par la physique qu'il avait à Centrale-Supelec, avait créé un site pour présenter l'ensemble de sa vie professionnelle autant que sa passion pour l'effort physique via ces courses insensées autour du Mont-Blanc.

ICI

Il était évident que ces jeunes avaient probablement une connaissance assez sommaire du monde du vin et de la belle gastronomie : pas la chichiteuse mousseuse qu'on nous vante à tort sans arrêt, mais la vraie : celle, entre autres, d'Alain Pégouret au Laurent.

On arrêta une date et donc, une belle soirée en salon privé car nous y avions convié également Nicolas Dautricourt et son Stradivarius (on a eu droit à du Bach), Philippe Bourguignon et Oliv notre pointure "vins" sachant traduire en mots justes, parfois sévères, les vins  de la soirée. A lire : ICI

Les leçons de cette soirée :

D'abord les immenses qualités de pédagogue d'Etienne Klein lequel, toujours avec cette voix douce qui date du temps des grandes heures quand un toubib lui octroyait peu de jours supplémentaires sur cette planète (histoire racontée sur la vidéo incluse dans son site) ne manquait jamais d'associer à ses observations la pointe d'humour capable d'alléger les sujets les plus graves. On buvait ses paroles comme on le fait avec un grand millésime de La Tâche.

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Ensuite, mon jeune voisin, une de ces têtes de Centrale, m'expliquait comment, à son âge, il ne voulait faire que des demi-marathons (où ses temps sont de tout premier ordre) tant ses capacités corporelles n'étaient point à un développement suffisant pour les 42 km et quelques. Une sagesse étonnante… et il a bien bu les crus du moments… mais en grande sagesse : juste de quoi animer de nouveaux neurones pratiquement bizus en matière de grands vins. Il était limite compatissant sur mes connaissances plus que brouillonnes de la physique moderne, mais cela étant totalement justifié !

Une gente dame, toute sérieuse et trop silencieuse, nous dit qu'elle pratiquait en amateur le violon et bien sûr, Nicolas Dautricourt, après nous avoir confirmé à quel point J.S. Bach peut toucher n'importe quel public, lui laissa son Stradivarius qui restera, sans aucun doute, un moment unique dans sa mémoire de jeune amateur (non : je refuse amatrice ou amateure).

Ce qui fut avant tout remarquable dans cette soirée, c'est à la fois les multiples sujets traités, de Sarkozy à Einstein, de Bach aux Rolling Stones, de la cuisson des pigeons aux subtilités inouïes d'un dessert magique (photos sur le rapport d'Oliv). Point de banalités. Lorsque Philippe Bourguignon sollicita le comté de référence du Laurent, le Macle (offert par un mien ami) peut convaincre alors tous ces jeunots que le monde du grand vin a, finalement, autant de mystères que la matière noire ou l'énergie noire qui donnent tant de boutons aux physiciens actuels.

Je m'interdis de ne pas citer encore une fois à quel point la température de service des vins est fondamentale. Et ici au Laurent, le nouveau jeune sommelier qui s'est occupé de notre tablée en perfection avait parfaitement compris la chose.

Bref : une soirée rare qu'on souhaite rééditer dès que possible tant ces passerelles entre 4 arts : la haute cuisine, le grand vin, la musique, et la science, peut être un moment où on approche une certaine idée de la grâce.

A la prochaine réunion, on demandera à Etienne Klein de nous expliquer pourquoi, lors de telles soirées, le temps n'a pas l'air de se dérouler comme prévu : il accélère sans qu'on lui ait demandé quoique ce soit ! Irritant !

 

Un appel puissant à une belle soirée : sobriété, fauteuils à accoudoir, nappe immaculée, verres Royal Glass

Photo de Gautier Depambour

Le marathonien : l'homme en bleu :-)