Ce monde est fou. Nous sommes dans un gigantesque hôpital psychiatrique national. Un ancien tout petit président de société à responsabilité (vraiment) limitée, perclus de tics nerveux tout autant que d’ affaires judiciaires, mène le bal des flagrants délires. Avant le déluge, c’était Madame De Montretout. Maintenant, c’est son tour… vu qu’il utilise, aussi, exactement les mêmes éléments de langage pour focaliser l’attention sur lui, en pathologique histrion qu’il est, qui ne supporte pas qu’on regarde ailleurs. L’angoisse d’être oublié, ou de passer inaperçu… On connait, symptômes courants. Du coup, sous le coup de la peur de le voir revenir encore éteindre la lumière la nuit dans nos chambres sans doute, certains ont décidé d’aller faire la même chose chez lui : marcher sur ses plate-bandes et arracher ses fleurs. Il faut dire qu’ils n’ont plus guère d’autres solutions, eux qui soutenaient encore il y a 5 ans un petit pépère (faussement) débonnaire et son si martial garde du corps qui s’est révélé particulièrement infect avec eux. Mais je crois que c’est une très mauvaise idée. L’attitude est quelque peu sinon schizophrénique du moins relève de troubles quelque peu bipolaires… Adopter le comportement et les valeurs personnelles du malade d’en face n’a jamais fait guérir personne ! D’autres (un groupe de rescapés de la dernière guerre encore sous le coup du syndrôme de Stockholm) ont décidé tout bonnement que leur chef serait Petit Castor Têtu, ce qui a mis l’autre leader minimo dans une rage folle quand il l’a enfin compris, obligeant ainsi l’impétrant dégarni à montrer patte blanche. Alors que la veille encore ils le méprisaient et l’agonissaient d’injures chaque fois qu’ils le croisaient dans les couloirs, les voilà maintenant qui lui prêtent des vertus de guérisseur… Étonnant revirement. Il semblerait pourtant que ce vieil homme soit le portrait-type du patient schizoïde. Mais les autres n’en ont cure. C’est leur sauveur suprême. On en oublierait presque qu’il a provoqué d’immenses jacqueries dans une vie antérieure, et que son casier judiciaire est quelque peu chargé… Mais il faut voir comme il les mène tous à la baguette, en chef d’orchestre, usant de la carotte et du bâton. La dernière lettre qu’il a fait parvenir au chef de service psychiatrique fait pourtant froid dans le dos… Toute l’aile gauche, curieusement, lui voue pourtant un culte messianique. Un grand héros au sourire si doux, vous dis-je. Ce monde est fou.
Mais pendant ce temps là, j’observe que Madame De Montretout, qui se montre aussi apaisée qu’elle fut hystérique, s’isole dans sa chambre, a éteint la lumière, fermé les volets, attend tranquillement sur son lit. Et sourit… Pourtant les infirmiers psi m’ont dit que dans sa chambre, ça puait atrocement, et qu’il y avait des excréments plein les murs… je crois, la connaissant, qu’elle rumine froidement sa vengeance.
Signé :
Gédécé D., patient de la chambre 223, annexe 7, troisième couloir (à l’extrême gauche😉. A l’isolement volontaire validé par la faculté de médecine spécialisée…