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L'évasion fiscale signe l'agonie d'une démocratie représentative

Publié le 04 octobre 2016 par Blanchemanche
#Evasionfiscale

Denis Dupré

Enseignant chercheur en finance et éthique à l'Université de Grenoble

Publication: 03/10/2016
L'évasion fiscale signe l'agonie d'une démocratie représentative

©http://www.huffingtonpost.fr/

En décembre 2015, 97% des députés ont fait capoter la loi pour lutter contre l'évasion fiscale et la démocratie a été bafouée quand le ministre a fait revoter les députés à 1 heure du matin après les avoir influencés en coulisse pendant l'interruption de séance de 45 minutes. Ce jour-là, 531 députés étaient absents.Ce 28 septembre, même scénario pour le rejet de l'amendement 137 qui aurait permis à la loi Sapin 2, d'imposer une vraie transparence à la fiscalité des grandes entreprises. Même discours du ministre qui joue le malentendant et ne répond en rien aux arguments de la poignée de députés qui luttent pour de vrai contre l'évasion fiscale. 17 heures, même manœuvre à la dernière minute pour faire basculer le vote en faisant venir deux députés. 560 députés étaient absents.En matière de lutte contre l'évasion fiscale, la loi Sapin 2 propose des avancées. Par contre, en refusant un vrai reporting public, elle réduit à néant leur efficacité: quand une grande entreprise n'aura qu'une filiale dans un pays hors d'Europe, les informations ne seront pas publiques. Donc impossible de pointer les évasions fiscales.Pendant son intervention, notre ministre Sapin (écouter à 2h25reporte encore sur le Conseil Constitutionnel, la responsabilité de son opposition à inscrire un vrai reporting public dans sa loi. Le député Eric Alauzet lui a expliqué la veille devant l'hémicycle que le 4 août 2016, le Conseil Constitutionnel a pourtant débouté une saisie du même ordre, en replaçant l'intérêt général au-dessus de l'intérêt privé et de la liberté du commerce. En effet, suite au vote visant à interdire l'usage desnéonicotinoïdes, des députés LR avaient saisi le Conseil Constitutionnel pour faire annuler cette interdiction sous le prétexte qu'elle "porterait une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'entreprendre des personnes commercialisant ces produits et de leurs utilisateurs". Derrière cet épouvantail du rejet constitutionnel, se cache la volonté du gouvernement de ne pas permettre aux citoyens de vérifier l'efficacité en matière de contrôle fiscal des entreprises.Devant une Assemblée quasi vide, au moment de clore les débats, le rapporteur Sébastien Denaja a recommencé la stratégie de décembre "Après mon intervention, je demanderai une suspension de séance". Il n'en a pas eu besoin: le Ministre Sapin a fait un long discours, assez long pour permettre à deux députés "socialistes", Pupponi et Da Silva, de rejoindre l'hémicycle (écoutez leur interpellation par Pascal Cherki à2h34)... et l'amendement a été rejeté.Rien n'a donc changé entre le vote de décembre 2015 et celui de septembre 2016. Si, et c'est bien inquiétant!Pendant cette séance, notre Ministre Sapin a déploré le rôle des réseaux sociaux qui déformeraient la vérité (écoutez à 2h23). Visait-il les associations regroupées dans laPlateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires ou le collectif stopevasionfiscale? C'est vrai que ces gênants réseaux informent les citoyens et les incitent à interpeller leurs députés. Est-ce pour leur enlever des arguments que la vidéo disponible sur le site de l'Assemblée nationale (qui montre d'ordinaire les députés lors des votes, en particulier quand c'est une procédure à main levée) est restée ce 28 septembre, fixée à la tête de la présidente de séance pendant le vote (regardez à 2h32). Y-a-t-il eu des ordres pour que le vote ne soit pas filmé? Qui était présent? Qui a voté pour et qui a voté contre ? La transparence démocratique élémentaire n'est même plus de mise.Ce vote a été digne d'une République bananière: 15 députés sur 577 sont présents alors que 100 milliards d'évasion fiscale annuelle des grandes entreprises s'envolent.Il sera facile de taxer de populiste le citoyen qui se pose des questions. Facile de le faire taire en le culpabilisant de faire le jeu des extrêmes. Pourtant, c'est le devoir du citoyen de s'interroger quand ceux qui le représentent, ne s'expriment pas sur une avancée législative fondamentale.
Pourquoi mon député est-il absent des débats et lors des votes?
S'il est favorable à l'évasion fiscale des grandes entreprises, mon député n'a pas à s'en faire: le gouvernement fait son maximum pour lui plaire. Son absence lui permet de ne pas avoir à afficher son positionnement.Mais, si au contraire, mon député, par conviction personnelle ou pour répondre à l'attente de ceux qu'il représente, est gêné quand les PME françaises subissent une concurrence déloyale en payant 30% d'impôts alors que les grandes entreprises ne payent que quelques pourcents et que Bercy ne redresse toujours ni Airbnb ni Apple, qui l'empêche de s'exprimer publiquement à l'Assemblée?

Comment peut-il justifier de desservir par son absence les intérêts de ses électeurs? A-t-il peur des rétorsions de son parti ? Subit-il des pressions du Medef? Ou alors, désabusé ou persuadé qu'il ne sera pas réélu, il ne fait rien pour "redorer son blason" auprès de ceux qui ont été ses électeurs, il cherche plutôt à se recaser! Nous vivons en direct la fin de la démocratie représentative.http://www.huffingtonpost.fr/denis-dupre/levasion-fiscale-signe-la-fin-de-la-democratie-representative_b_12307628.html

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