Un texte de Nafy-Nathalie et h16
Les propriétaires le savent : depuis les années 80, il est possible de s’assurer contre les risques d’impayés locatifs en souscrivant une GLI (garantie de loyers impayés). Cette assurance ne couvre malheureusement les pertes potentielles de loyers que dans le cas des « bons » locataires, dont le dossier est solide. Pour les autres, cette absence de GLI leur complique singulièrement l’accès au logement.
Pire : les entreprises sont elles aussi victimes collatérales de cette absence d’accès à une garantie locative qui empêche ainsi la mobilité de salariés. Dans une récente étude du CREDOC demandé par le MEDEF de 2012, on apprend que
« 40% des établissements se disent affectés par les difficultés de logement de leurs salariés et pour une entreprise sur quatre, elles compliquent même le recrutement de nouveaux talents. »
Résoudre ces deux problèmes était l’objectif de la GRL (Garantie pour les risques locatifs) en réassurant les assureurs privés, ce qui devait les pousser à prendre en charge les dossiers de locataires plus délicats (typiquement, ceux dont le loyer couvre jusqu’à 50% des ressources, sans CDI), afin de leur faciliter un accès au logement.
En 2007, cette GRL sera l’objet d’une promesse de campagne du candidat Sarkozy qui visait à la transformer en Garantie Universelle. Cette garantie devait alors devenir obligatoire pour tous les propriétaires avec en contrepartie une interdiction du dépôt de garantie et du cautionnement personnel. Dans les faits, Sarkozy élu a bien interdit le cautionnement s’il se cumule avec une GLI ou une GRL, mais s’est contenté de réduire de moitié le dépôt de garantie plutôt que le supprimer totalement.
Manque de pot, la GRL ne fonctionne pas et lorsqu’elle sera remplacée par la GRL2 (avec ce petit chiffre qui donne immédiatement un côté hollywoodien à la production gouvernementale), elle ne marche pas mieux : malgré les incantations, les assureurs privés ne travaillent toujours pas à perte et si un locataire met plus de 40% de ses ressources dans son loyer, son risque d’impayé est trop important. Or, la quasi-totalité des contrats proposés ont enregistré ces dernières années des ratios de sinistres à primes supérieurs à 100 % et le fonds de compensation menaçait de ne plus pouvoir couvrir les pertes. Au premier janvier 2016, l’expérience sera donc abandonnée.
Parallèlement à la vie mouvementée de la GRL (puis GRL2), la majorité politique change en 2012. À la faveur de l’élection d’un dessert lacté, Cécile Duflot déboule au ministère du Logement et de l’Égalité des territoires (en Socialie, tout peut s’égaliser, des cheveux jusqu’aux territoires en passant par les sexes). De ses mains graciles et avec sa méthode rigoureuse, elle reprend le projet d’une garantie universelle, la mutualise à la grosse louche et décide avec la lucidité qui la caractérise d’évincer les assureurs privés pour contourner le problème : le dispositif, appelé Garantie Universelle de Loyers (GUL), était né. Il devait être public et financé par une taxe sur les loyers. Il devait couvrir à la fois les impayés et les dégradations locatives et entrer en vigueur au 1er janvier 2016.
Malheureusement, le sort s’acharne sur la pauvre Duflot qui aura eu décidément bien du tracas avec l’immobilier. Sa belle mesure est, dès le départ, critiquée par les professionnels de l’immobilier et les assureurs qui parlent de concurrence déloyale, avant d’être finalement jugée « trop coûteuse et complexe à instaurer » par son propre ministère.
Au passage, soulignons la précision diabolique des calculs de son ministère qui aura estimé ce coût entre 250 et 950 millions d’euros (du simple au presque quadruple, ça donne une idée du pied à coulisse), chiffres aussi diaboliquement corroborés par un rapport de l’Inspection générale des Finances qui pointera un montant compris entre 254 et 994 millions (toujours ce joli rapport de 1 à 4).
Truc bidule mal boutiqué, critiqué tant par les professionnels concernés que par son propre ministère, Cécile essuie donc un nouvel échec qui restera discret, puisque Manuel Valls, retoquant le projet, n’y renoncera pas officiellement. Pour faire bonne mesure, du côté des associations de défense de consommateurs (comme la CLCV), cet abandon est tout de même critiqué.
GRL2 terminée, GUL abandonnée, l’année 2016 commence bien mal. Heureusement, VISALE (VISA pour le Logement et l’Emploi) arrive en février : ce n’est plus une garantie obligatoire, mais un cautionnement facultatif fonctionnant sur les mêmes principes que le LOCAPASS des années 2000. Le locataire peut faire le choix de le demander ou non, et le propriétaire reste libre de choisir un locataire avec ou sans VISALE, étant précisé qu’il ne peut cumuler une assurance pour ses loyers impayés avec ce dispositif.
À l’origine, VISALE ne concernait que les salariés de plus de 30 ans en CDD ou en période d’essai d’un CDI dans les 3 premiers mois de leur prise de fonction et pendant la durée de leur contrat de travail. Maintenant, les salariés de moins de 30 ans sont éligibles, quel que soit leur contrat de travail, dans les 12 mois de leur prise de fonction et pendant la durée de leur contrat de travail. Depuis le 30 septembre, VISALE a été étendu à tous les jeunes de moins de 30 ans. Tous ? Ne vous emballez pas. Il faut exclure les non boursiers rattachés au foyer fiscal de leurs parents (soit 75% des étudiants). Quant aux demandeurs d’emploi de plus de 30 ans, ils pourraient y avoir accès fin 2016 ou début 2017 mais rien n’est encore fait.
Concrètement, VISALE assure les loyers et charges en cas de défaillance pendant 36 mois maximum pour les résidences principales dont le loyer (chargé) est inférieur à 1500 euros à Paris et 1300 euros dans le reste de la France. Bonne nouvelle pour le contribuable : les locataires restent redevables des sommes versées par VISALE qui tentera de les recouvrer auprès d’eux. L’espoir fait vivre.
Quelques mois après sa mise en place, les premières impressions sont mitigées. Les associations de consommateurs regrettent le côté facultatif qui va empêcher l’accès au logement des précaires sauf dans les zones les moins tendues. Les professionnels sont, eux, plutôt satisfaits.
« Tel qu’il est annoncé, ce dispositif nous semble bien ficelé, sachant qu’il a l’avantage d’être gratuit pour le propriétaire bailleur et le locataire »
indique Paul Philippot, délégué général de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (Unpi).
Malgré tout, Laurent Vimont, patron de Century 21, rappelle que
« Les bailleurs choisiront le candidat qui a le meilleur dossier et la meilleure caution. (…) Les propriétaires veulent des cautions physiques. Ne pas avoir un proche comme caution, c’est déjà étrange et donc inquiétant pour eux (…). Ce dispositif va faire pschitt, comme les précédents. »
Difficile de donner tort au représentant de Century 21 : en effet, passé les 36 mois couverts par ce dispositif, le propriétaire doit recourir à une autre garantie pour se prémunir contre un impayé et il pourrait avoir du mal à faire reprendre son dossier auprès d’un organisme délivrant des GLI. Il n’aura donc que très peu d’intérêt à aller, dès le début, vers VISALE.
Un autre élément permet de douter de la pertinence du dispositif : lors de son élaboration, le gouvernement imaginait 300.000 jeunes par an se précipitant pour bénéficier de VISALE. Alors que l’année est déjà bien entamée, seuls 4.000 dossiers ont été finalisés pour le moment.
… Et c’est tant mieux, parce qu’en réalité, le procédé n’est pas e gratuit : si le dispositif semble ne rien coûter, il reste tout de même financé par l’Action Logement (l’ancien 1% logement devenu depuis 0,45%) et donc par un pourcentage d’imposition sur le volume de masse salariale des entreprises. Une ruée sur VISALE et une augmentation des sinistres pourraient donc impacter négativement les entreprises.
L’histoire des GLI, GRL, GRL2, GUL et VISALE est, en elle-même, une belle illustration de la façon dont les politiciens se mêlent de notre vie quotidienne : ils ont multiplié les dispositifs, ainsi que leurs annulations, pour finalement s’apercevoir que celui qui avait été instauré il y a quelques années était probablement suffisant, tout en ayant dépensé pas mal d’argent du contribuable dans ces expérimentations hasardeuses.
VISALE n’échappe pas à la règle : selon toute vraisemblance, ce dispositif ne va rien révolutionner du tout et aura le mérite douteux de dégrader encore un peu plus la situation actuelle. Bien joué.
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